En ce moment elle bataille contre la mort, mais aussi contre son employeur auquel elle demande le rétablissement de ses droits. Aujourd’hui, Meryem Mehdi entamera son 24e jour de grève de la faim.
Agée de 41 ans, cette Algérienne a été «licenciée abusivement par la multinationale British Gas North Holdings». Evacuée à l’hôpital Zmirli puis au CHU Mustapha, Meryem est actuellement dans un état comateux.
Selon le comité des femmes du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap), l’état de santé de la gréviste connaît une grave détérioration. Elle souffre de chute de tension artérielle, hypoglycémie, de trouble de l’appareil urinaire, de difficultés respiratoires ainsi que d’une fatigue extrême due à l’anémie.
Meryem Mehdi, après plus de trois semaines de grève de la faim, a subi une perte de poids de 40%, dans «l’indifférence totale des autorités» indique Mme Meghraoui, présidente du comité des femmes du Snapap jointe hier par téléphone. Dans un communiqué rendu public, ce comité «tient pour premiers responsables en cas de décès de la gréviste la direction générale de British Gas ainsi que les autorités algériennes».
Ce même comité reproche aux directeurs de cette compagnie à Londres et Alger leur refus d’«ouvrir les portes du dialogue et de prendre en charge les préoccupations» exprimées par cette employée. Aussi, il dénonce le refus du directeur général de British Gas à Alger d’accepter les représentants du comité de soutien des travailleurs algériens comme médiateurs.
Chronologie d’une lutte pour la dignité
Meryem Mehdi a été recrutée le 10 mai 2007 par la British Gas North Sea Holding en qualité de coordinatrice d’administration et des opérations, à Hassi Messaoud. Elle a été confirmée dans son poste après six mois d’essai, comme le stipule la loi.
Elle affirme avoir «donné une totale satisfaction professionnelle» à tel point que personne n’a jamais eu à se plaindre d’elle. Mieux encore, cette employée a «contribué, à plusieurs reprises, à économiser de l’argent» à la société, ce qui traduit son entière abnégation à son travail.
Meryem a eu pour seul tort de demander des promotions et des augmentations de salaire ainsi que le droit à des formations, comme le stipule le contrat qu’elle avait signé et le règlement intérieur de la compagnie.
Ainsi, entre 2008 et 2009, elle s’est retrouvée en conflits répétés avec les responsables de la British Gas qui l’ont considérée «comme une menace». Pourtant, elle ne faisait que revendiquer ses droits légitimes. Elle dit avoir subi «un harcèlement administratif et moral» afin de la pousser au départ. Forte de caractère, elle était restée «calme et sereine malgré toutes les attaques humiliantes et discriminatoires».
La descente aux enfers
Le 14 octobre 2009, elle a été convoquée à Alger pendant son congé et elle s’est vue offrir 3 mois de salaire pour signer son départ volontaire ou un changement de régime de travail et de lieu d’hébergement qui serait «à sa charge». Ce à quoi elle a refusé de souscrire : «l’offre n’était pas correcte donc inacceptable» a répondu Meryem Mehdi qui ne voulait pas courber l’échine devant ses responsables.
Le 26 octobre, elle reçoit une lettre lui disant que «les termes du contrat seront rompus à partir du 6 novembre». Son licenciement lui a été officiellement notifié le 8 novembre 2009. Ne désespérant pas, elle envoie une lettre de recours par email et par voie postale comme elle a saisi deux commissions de conciliation, mais sans succès de réintégration.
Elle affirme qu’elle «n’acceptera pas le licenciement comme un fait normal alors qu’il ne l’est pas». Meryem Mehdi, qui entame sa quatrième semaine de grève de la faim, demande sa réintégration le plutôt possible avec dommages et intérêts.
Le comité des femmes du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap) appelle à une action de solidarité avec Meryem Mehdi, aujourd’hui, à la Maison de la presse Tahar-Djaout à Alger.
Aomar Fekrache
Ces multinationales qui exploitent les travailleurs algériens
Selon une enquête réalisée il y a quelques mois par un groupe consultant américain en ressources humaines Watson Wyat en partenariat avec la Chambre française de commerce et d’industrie, dont la presse nationale a rapporté les résultats, les travailleurs algériens restent sous-rémunérés. Comparativement à la Tunise, au Maroc ou à l’Egypte, les sociétés étrangères installées en Algérie attribuent des salaires inférieurs à ceux appliqués chez nos voisins.
Les résultats de cette enquête laissent pantois et donnent à réfléchir. En fait, pour le poste de cadre supérieur (grade 16), la rémunération est de 600 000 DA au Maroc, 500 000 DA en Egypte et n’est que de 200 000 DA en Algérie, a rapporté le Jeune Indépendant dans son édition du 31 mars dernier.
Quelques semaines après, l’ex- secrétaire général de la section syndicale UGTA à Eurest Support Services Algérie (ESS) Zaïd Yacine a fait éclater un obus en témoignant sur les colonnes du quotidien El Watan, des conditions de travail des Algériens recrutés dans des sociétés étrangères au sud du pays.
Ce syndicaliste a révélé que malgré le soutien de 1 300 sur les 1 800 travailleurs, la section syndicale affiliée à l’UGTA n’a pas été reconnue par la compagnie.
Ce sont, entre autres, deux exemples qui renseignent sur les traitements réservés par certaines multinationales aux travailleurs algériens. C’est dire que les cas de licenciement et de sous-rémunération ne date pas d’aujourd’hui.
Ao. F.