Quelques mois seulement après son arrivée au pouvoir, le gouvernement marocain d’Abdallah Benkirane a jeté un pavé dans la mare. Son ministre des Transports, l´islamiste Abdelaziz Rabá, a publié sur sa page web un document de 400 pages dans lequel figure une liste de 4118 bénéficiaires des licences de pêche au Maroc et au Sahara occidental où la famille royale possède des riches exploitations agricoles.
Ce dernier volet a été ignoré, toutefois, par le document en question.
Des licences gratuites et à vie
Des officiers supérieurs des Forces armées royales (FAR) et des hommes politiques sahraouis adversaires du Front Polisario ont donc fait main basse, depuis près d´une quarantaine d´années, sur les ressources maritimes de l´ancienne colonie espagnole occupée par le Maroc depuis 1975. L´ancien commandant en chef des FAR au Sahara occidental, le général Abdelaziz Bennani, aurait été le premier officier de haut rang à obtenir gratuitement une licence de pêche à vie.
C´est, toutefois, le général Benslimane, recherché par la justice espagnole dans l´affaire des disparus du Sahara occidental depuis 1975, qui possède à lui seul 56 licences de pêche, soit la moitié des 119 licences pour lesquelles le Maroc perçoit 36,1 millions par an de l´Union européenne. Derrière lui vient Abdallah Kadiri, ex-inspecteur général des forces armées, ainsi que d´autres personnalités appartenant au premier cercle de la famille royale.
C´est le cas de Fouad El Himma, ami et conseiller personnel du roi Mohamed VI ou de Abdelmoudjid Slimani, cousin de Driss Basri, le puissant ministre de l´Intérieur du roi Hassan II. Les bénéficiaires se recrutent aussi hors de ce cercle de privilégiés du palais, pour diverses raisons. C´est le cas de Miloud Tounsi, un ancien policier impliqué dans l´«affaire Ben Barka», recherché à ce jour par la justice française, ou de la propriétaire française de la discothèque Amnesia de Rabat, fréquentée jadis par le roi Mohamed VI et ses copains du collège royal.
Hakim Brahim, Omar Hadrani et les autres
Parmi les Sahraouis, le document cite les transfuges du Front Polisario, Hakim Brahim, ex-ministre des Affaires étrangères de la Rasd, Omar Hadrani, bombardé gouverneur, Ahmed Souilem, le dernier transfuge affecté en 2011 au poste d´ambassadeur à Madrid, et Gasmula Ben Ebbiqui, l´une des personnalités sahraouies les plus riches.
Les 4116 bénéficiaires seraient aussi des colonels, des politiques, mais dans leur majorité ce sont des Sahraouis pro-marocains, les «intouchables» comme on les nomme au Maroc. Le plus en vue d´entre eux, Ould Khana, est la plus grande fortune du Maroc.
Quelle sera la réaction de Bruxelles ?
Est-ce un pur hasard de calendrier que ce document soit publié en plein débat à Bruxelles autour de la conclusion d´un nouvel Accord de pêche avec le Maroc ? Cette initiative, relancée par la France et l´Espagne en décembre dernier, s´était heurtée au veto du Parlement de Strasbourg parce que, de l´avis des europarlementaires, le Maroc n´a pas de titre de souveraineté sur le Sahara occidental lui permettant de disposer de ses richesses maritimes. A plus forte raison de cette manière.
Quelle sera donc la réaction de Strasbourg et de la Commission européenne après ces révélations sur cette affaire de licences octroyées aux dignitaires du système qui a rendu impossible l´accès à la page web du ministère des Transports en seulement quelques heures ?
De notre envoyé spécial à Bruxelles Hania A.