Devant l’impuissance de l’état, les Tripolitains sont déterminés à « chasser » les factions armées qui règnent sur plusieurs quartiers de la capitale.
Les affrontements entres deux milices, celle de Misrata qui occupe le quartier Gherghour, et une autre locale qui ont fait plus de 40 morts et 450 blessés, vendredi à Tripoli, préfigurent-ils d’un pourrissement extreême de la situation en Libye ? S’il est encore trop tôt de le dire, force est de souligner la fébrilité des institutions libyennes, politiques et militaires, à asseoir leur autorité sur ces milices qui revendiquent, avec la force des armes, leur « droit » au pouvoir. Forts de l’arsenal militaire qu’ils ont puisé dans les stocks de l’armée, au lendemain de la chute de l’ancien régime, ces derniers, constitués sur une base régionale, comme celle de Misrata, ou sur des bases idéologiques comme c’est le cas pour les salafistes d’Ansar Al Chariaa, ne sont pas près de rendre les armes tel que le souhaite le gouvernement d’Ali Zeidan.
A défaut d’une solution militaire, les autorités libyennes misent sur les pressions politiques et la mobilisation populaire dans l’espoir de déloger de la capitale les ex-rebelles. C’est ainsi qu’à l’appel du Conseil local de Tripoli, une grève générale de trois jours a été largement suivie, hier, dans la capitale libyenne. Les initiateurs de cette démarche évoquent même le recours à la « désobéissance civile » pour chasser les « intrus » de la ville.
Le Premier ministre a appelé, la veille, tous les groupes armés à quitter la capitale libyenne conformément à une loi du Congrès général national de 2013. Il a qualifié de « crime » la mort de manifestants qui avaient protesté contre la présence de ces derniers. M. Zeidan qui fut, victime d’un rapt de la part d’un groupe armé, a expliqué, lors d’une conférence de presse, que son cabinet avait obtenu « plus d’informations » confirmant que les manifestants n’étaient pas armés, contredisant certains chefs rebelles de la milice de Mistrata qui plaidaient le contraire. Il s’est engagé à « poursuivre les actions contre les responsables de ces actes ».
Le discours du Premier ministre n’a pas été sans effet. Plusieurs habitants de quartiers de la capitale, qui protestent régulièrement contre la présence de factions armées, ont fermé des routes et brûlé des pneus. Les Tripolitains accusent ces milices de s’adonner à tous les trafics et de pratiquer tortures, enlèvements et détentions arbitraires au secret. Dans la vieille ville et au centre de Tripoli, ainsi que dans les banlieues de Fachloum, Tajoura et Janzour, les magasins ont laissé leurs rideaux baissés à l’exception de quelques commerces d’alimentation et cafés.
Les banques ont fermé leurs portes, ainsi que la plupart des écoles et des universités. Mais la milice de Misrata, bien décidée à garder son fief tripolitain, a appelé au renfort, provoquant de nouveaux affrontements, samedi, qui se sont produits dans la capitale, où des hommes armés sont parvenus à empêcher ses troupes de venir venger leurs camarades. Des négociations étaient en cours pour les convaincre de « rentrer » chez eux. Dans ce climat tendu, le vice-président des renseignements a été enlevé, hier, à Tripoli par des inconnus
Amine Goutali