Libye. Quelle honte, Monsieur Bouteflika !

Libye. Quelle honte, Monsieur Bouteflika !

L’ambassade d’Algérie à Tripoli a été saccagée par les révolutionnaires libyens, le peuple libyen dirons-nous désormais. C’était prévisible, çà va de soi, sauf pour les sourds-aveugles, bien entendu.

Suite à cet acte, le Ministère algérien des Affaires Etrangères a adressé à l’ONU une lettre de protestation. Franchement, c’est ce qu’on appelle se moquer du monde, pour ne pas dire autre chose par décence et quand un sourd-aveugle se moque de l’autre, il ne prend pas conscience évidemment de son propre état ridicule.

La Libye, jusqu’à preuve du contraire, ne se trouve pas sur le continent Antarctique. C’est un pays voisin, frontalier du nôtre qui, pour reprendre les expressions des officiels, ont en commun « l’Histoire, la langue et la religion» et dont « les liens de fraternité ne datent pas d’hier ». Par ailleurs, les dirigeants de ces deux pays se sont toujours proclamés « locomotives incontournables » de ce qu’ils appellent le Grand Maghreb Arabe.

Depuis six mois, le monde entier suit en live les événements tragiques imposés aux libyens et dont les tenants et aboutissants sont connus de tous. Depuis six mois, de nombreux pays d’à travers le monde entier bougent, s’impliquent, prennent position, s’investissent, aident, soutiennent chacun selon ses motivations, ses moyens et ses intérêts immédiats ou à plus ou moins long terme. Les dernières nations à reconnaitre la légitimité de la lutte du peuple libyen représenté par le CNT est l’Ethiopie et notre voisin, le Royaume marocain. On peut comprendre ou expliquer la position frileuse de l’Algérie au début du conflit pour maintes raisons comme d’une part, les conséquences sur la sécurité interne de l’Algérie dues aux éventuelles entrées illégales d’armes à des fins évidentes ou d’autre part, l’espoir du règlement du conflit par négociation. Mais qui peut s’attendre à un règlement d’un conflit pareil par une Ligue Arabe disloquée ou une Union Africaine moribonde, incapables de régler un différend opposant deux tribus sur un point d’eau !

Mais, que le gouvernement algérien reste à la traine dans une léthargie totale après les victoires successives des révolutionnaires et enfin la prise du bunker de Kadhafi alors que ses fideles bras droits rallient Benghazi ou se rendent et que même son propre fils, Mohammed, incombe à l’irresponsabilité démentielle de son père la responsabilité de la destruction de la Libye et le charcutage de son peuple et, ceci en direct sur une chaine de télévision, c’est tout simplement énigmatique et incompréhensible de l’avis des observateurs les plus avisés. Alors si tout ce beau monde a perdu la raison ou est frappé de débilité à ce point, on aimerait bien connaitre la Vérité des vérités qu’apparemment seul le pouvoir algérien détient.

Quelle grandeur de voir nos amis tunisiens et égyptiens qui viennent à peine de sortir de leurs propres tragédies trouver les ressources matérielles et morales mais surtout le courage politique d’ouvrir leurs frontières aux réfugiés et blessés libyens leur dispensant toute l’aide humanitaire possible ! Que c’est désolant de voir des blessés graves transférés pour soins au Qatar, en Turquie, en Grèce ou Chypre à des milliers de kilomètres de notre frontière restée hermétique !! Ceci en plein mois de Ramadan en plus, et on ose parler de clémence, d’entraide entre voisins musulmans !

Faire don de 10 millions de dollars aux « lointains » voisins somaliens souffrant de famine et, ils les méritent, ne fait que souligner davantage cette hypocrisie d’un gouvernement qui se targue d’avoir les caisses bien remplies. Voir le premier ministre turc accompagné de sa femme parmi les vieillards, les femmes et les enfants somaliens mourant de soif, de faim et de maladies n’a pas de prix. On dira bien sûr que les turcs comme tous les autres ont tout calculé mais la politique n’est que calculs et intérêts mutuels. Et nos « ex-dominateurs » ottomans ont raison d’occuper les espaces que l’Algérie d’une certaine époque aurait investie la première et fièrement !

Mais en plus de ce camouflet cinglant, le gouvernement algérien est sans cesse accusé de soutien politique voire logistique au régime du dictateur. Les démentis apportés sont d’une mollesse déconcertante et sans conviction qu’ils alimentent finalement davantage la suspicion. Passons pour le moment sous silence les manipulations ou les suppositions non vérifiables mais dont des responsables de la Libye libre disent détenir de leur coté les preuves de l’implication contre-révolutionnaire du gouvernement algérien. Ce qui est intriguant et impardonnable par contre, ce sont ces images du drapeau algérien flottant à coté des drapeaux verts des fideles du dictateur alors que chez les révolutionnaires voltigent, à coté, des drapeaux de la nouvelle Libye ceux du Qatar, de la Turquie, de la France, des USA, de La Tunisie, de l’Egypte et même… le drapeau AMAZIGH !!! Bon Dieu, que le gouvernement dise donc au monde et à l’opinion nationale que ces drapeaux algériens relèvent de la propagande de Kaddafi ou sont brandis par des « mercenaires algériens enrôlés volontairement de leur propre chef » et dont il se désolidarise, si c’est le cas !!?? Là encore, motus : notre cher Ministre des Affaires Etrangères ne souffle mot mais s’apitoie sur les vitres brisées de l’Ambassade !! Quelle insulte que cet emblème arraché à flots de sang se retrouve souillé par les mains du sanguinaire Seif-de-foutaise !

Si, donc, tous ces pays dont nos voisins les plus proches ont choisi leur camps, le peuple algérien qui est foncièrement avec les révolutions tunisienne, égyptienne, syrienne et encore plus libyenne non seulement veut savoir la position officielle de son gouvernement mais exige des PREUVES irréfutables de toutes ces accusations. Ce n’est qu’à cette condition que l’Algérie peut sauver la face et il est encore temps : d’un coté, la reconnaissance immédiate et sans condition du CNT et de l’autre, la satisfaction des besoins des libyens en médicaments, produits de premières nécessité, infrastructures de bases, l’accueil des blessés pour soin. L’Algérie peut le faire et le peuple y adhérera comme à son accoutumée. Sinon, après ce fiasco qui a mis à nu l’incapacité de notre diplomatie à anticiper, s’affirmer et convaincre comme de votre temps Monsieur Bouteflika ou celui de Feu Monsieur Benyahia, qui osera encore croire que le gouvernement algérien est réellement aux cotés des peuples et non des pouvoirs répressifs ?

Les peuples sahraoui et palestinien doivent sûrement se poser des questions de fonds et ont intérêt à revoir leur différente position et leurs alliés. Il me revient à l’esprit, Monsieur le Président, cette image où lors des funérailles de sa Majesté le Roi Mohamed V, vous vous êtes imposé devant les Présidents Clinton et Chirac pour être au premier rang à accompagner la dépouille de défunt, la main sur son cercueil. C’est une image qui a suscité en moi personnellement tant d’espoir pour la construction effective du Grand Maghreb des Peuples, enfin réconcilié. Mais, hélas !

Avec cette « affaire libyenne », il est à craindre que la crédibilité de l’Algérie dans la région et à l’échelle planétaire en sera entachée pour des décennies et, l’Histoire n’endossera pas cette honte à vos ministres mais à vous et rien qu’à vous, Monsieur Bouteflika, en votre qualité de premier magistrat du pays. Ce qui ne fait honneur ni aux algériens ni aux sacrifices consentis par nos ainés qui ont toujours été du coté des causes justes. Et sur le plan interne, les reformes démocratiques annoncées s’annoncent déjà d’une incrédibilité aveuglante. Car, réellement, les révolutions tunisienne, égyptienne et libyenne font peur, très peur au système politique algérien qui, il faut qu’il l’admette, ne sait pas et ne peut pas s’adapter au 21ème siècle, siècle de la Liberté, d’Internet et de l’Universalité. La jeunesse algérienne n’est pas différente de la jeunesse des autres pays, d’aucun autre pays et vous le savez. Vous étiez jeune et durant votre jeunesse, vous aspiriez à la Libération de votre pays, mon pays du joug colonial comme tous les autres jeunes des pays colonisés, du Viet-Nam jusqu’en Afrique Noire. La jeunesse d’aujourd’hui, elle, aspire à la Liberté comme la jeunesse des pays libres.

Barek ABAS