Libye, proche du chaos ?

Libye, proche du chaos ?

Un an après la chute du régime de Kadhafi, la nouvelle Libye ne voit pas le bout du tunnel.

« La libération n’a pas été complètement réalisée dans cette région », tonne le président de l’assemblée, Mohamed El Megaryef. Le bilan ne prête pas à l’optimisme dans la nouvelle Libye livrée à la loi d’airain des milices et marquée par le « retard et la négligence » dans la constitution d’une armée nationale et de la police.

La poudrière libyenne hérite de « l’arsenal à ciel ouvert » et des pouvoirs exorbitants de fait des « conseils militaires régionaux » autoproclamés, légiférant comme bon leur semble dans leur terrain de prédilection (cas, notamment de Seif El Islam détenu par les « thouar » de Zenten), sur fond de vieilles rivalités ethniques et des antagonismes régionaux. Si l’exécution de Kadhafi et, plus tard, la scène mortifère des cadavres de Mouammar et de son fils Mouatassam pris en otage par Misrata, constituent la première manifestation de la dérive revancharde sanglante, les expéditions punitives sapent les fondements d’un Etat en formation. Tous les ingrédients de l’instabilité et de l’insécurité se trouvent réunis.

« Cette situation a engendré un état de mécontentement et de tension parmi les différentes composantes de la société ainsi que la propagation du chaos, du désordre, de la corruption, ce qui a engendré une faiblesse dans le rendement des différents organismes gouvernementaux », a estimé Megaryef, pointant un index accusateur sur les « fouloul » de l’ancien régime infiltrés et prêts à combattre avec ceux de l’extérieur contre « la révolution et sa direction légitime ».

Le déficit d’autorité de l’Etat déliquescent profite à « des personnes (…) et à des groupes, même s’ils n’ont pas de lien avec les ‘’fouloul’’ » pour défier « l’autorité, se livrer à des arrestations arbitraires, à la torture, au chantage et au pillage ».

Le scénario du complot, favorisé aussi bien par les « ‘’fouloul’’ que des milices disposant de « leurs propres prisons », alimentent les chroniques de la nouvelle Libye, secouée par les révélations troublantes du spectre des anciens dirigeants.

C’est le cas de l’ancien porte-parole, Moussa Ibrahim, donné pour mort lors de l’offensive de Syrte. Son arrestation à Tarhouna (entre Bani Walid et Tripoli) par des « forces appartenant au gouvernement de transition », annoncé par le bureau du chef de gouvernement et sur le compte twitter du vice-Premier ministre ; Mustapha Abou Chagour, a été vite démentie par le porte-parole du gouvernement, Nasser al-Manaa.

Au même titre que la résurrection de Khamis, le dernier fils de Kadhafi dont la mort a été pourtant confirmée par les siens en octobre 2011, les rumeurs les plus folles entretiennent la confusion au moment où se prépare l’offensive de Bani Walid inscrite dans le registre du « retour à la légitimité » et du rétablissement de la sécurité et de la stabilité.

L’assaut de Bani Walid, ville soumise à un exode massif, soulève un vent d’inquiétude exprimé par l’Onu et des dignitaires de la ville redoutant une opération d’extermination. Des combats ont opposé les parties belligérantes.

Le bilan est déjà lourd : 26 morts et 200 blessés. Un drame humanitaire se présente à l’orée de l’an I de la nouvelle Libye consumant les chances d’une réconciliation en déconfiture. « Dans l’intérêt de la réconciliation nationale et la stabilité à long terme du pays, une médiation est nécessaire d’urgence », a plaidé dans un communiqué l’envoyé de l’ONU pour la Libye, Tarek Mitri.

Larbi Chaabouni