Après Benghazi, bastion traditionnel de la contestation, et d’autres villes, la protestation anti-Gueddafi a gagné hier la capitale, Tripoli, où des bâtiments publics ont été incendiés dans la nuit de dimanche à lundi.
Le bilan des manifestations a atteint 233 morts, a indiqué hier matin Human Rights Watch, faisant état de 60 morts pour la seule journée de dimanche à Benghazi, deuxième ville du pays et centre de la révolte depuis le 15 février.
Selon l’AFP, le ministre libyen de la Justice Moustapha Abdel Jalil a démissionné «pour protester contre l’usage excessif de la force» contre les manifestants, a annoncé le journal libyen Quryna. Le guide autoproclamé lybien ne s’est pas jusque-là exprimé. Selon Londres, il pourrait avoir quitté le pays pour le Vénezuela. C’est ce qu’a déclaré hier le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, en marge d’une réunion de l’UE à Bruxelles.
«Vous m’avez demandé si le colonel Gueddafi est au Venezuela, je n’ai pas d’information me permettant de dire qu’il y est» mais «j’ai vu des informations qui suggèrent qu’il est en route» pour ce pays, a-t-il déclaré. Un porte-parole de la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a indiqué pour sa part «ne pas avoir d’information» à ce sujet. Il s’agit, à ce stade, «de rumeurs infondées», a-t-il ajouté. Caracas a démenti cependant le même jour les déclarations du diplomate britanique.
A Tripoli, le siège d’une télévision et d’une radio publiques ont été saccagés dans la soirée par des manifestants. Des postes de police, des locaux des comités révolutionnaires, la «salle du peuple» accueillant des réunions officielles ainsi que le bâtiment abritant le ministère de l’Intérieur ont été incendiés, selon d’autres témoins. Les communications téléphoniques ainsi que l’accès à Internet demeurent jusque-là perturbées.
La Fédération internationale des ligues de droits de l’Homme (FIDH) a fait état d’informations selon lesquelles le camp de Bab El Azizia, où vit le dirigeant libyen en périphérie de Tripoli, aurait également été attaqué dans la nuit. La police libyenne a déserté dimanche Zaouïa, située à 60 km à l’ouest de Tripoli. D’après la FIDH, qui avance un bilan de «300 à 400 morts», plusieurs villes, dont Benghazi, sont tombées aux mains des manifestants à la suite de défections dans l’armée. Deux pilotes de chasse ont fuit vers Malte pour ne pas tirer sur la foule.
Cela dit, le fils du leader libyen Mouammar El Gueddafi, Seïf Al Islam, a annoncé hier soir la création d’une commission d’enquête sur les violences, présidée par un juge libyen, a rapporté la télévision d’Etat. Cette commission «aura pour membres des organisations libyennes et étrangères de droits de l’homme» et sera chargée d’«enquêter sur les circonstances et les événements qui ont provoqué plusieurs victimes».
Par ailleurs, les pays européens réfléchissaient à l’évacuation de leurs citoyens. Certains, comme le Portugal et l’Autriche, ont envoyé des avions pour les rapatrier. Des entreprises comme les groupes pétroliers BP, ENI et Statoil ont également pris des mesures en ce sens.
De leur côté, les Etats-Unis ont ordonné le départ de Libye de leur personnel diplomatique «non essentiel» en raison des violences en cours dans ce pays, a annoncé le département d’Etat. «Le département d’Etat a ordonné aux personnels non essentiels et à tous les membres des familles des personnels de l’ambassade de quitter la Libye», indique une note d’alerte aux voyageurs.
Sur les marchés, l’instabilité dans ce riche pays pétrolier et les craintes de propagation aux pays de la région gros producteurs de brut ont fait grimper les cours. A Londres, le baril est passé au-dessus de 105 dollars, pour la première fois depuis fin septembre 2008, avant de redescendre légèrement à la mi-journée.