L’Algérie et la Russie se sont déclarés mardi inquiets de la « crise profonde » que traverse la Libye, « aggravée » selon Alger par l’intervention militaire étrangère, et comportant pour Moscou des risques de terrorisme si la situation n’était pas maîtrisée.
La Libye traverse une « crise profonde (…) qui s’est aggravée avec l’entrée en action des forces aériennes que nous jugeons disproportionnée par rapport à l’objectif assigné par le Conseil de sécurité », a déclaré le ministre algérien des Affaires étrangères Mourad Medelci, à la presse à Alger aux côtés de son homologue russe Sergueï Lavrov.
L’Algérie appelle « une nouvelle fois à la cessation immédiate des hostilités et des interventions étrangères et ce afin d’épargner la vie de nos frères libyens », selon une déclaration lue par M. Medelci.
Les Français, Britanniques, Américains, auxquels doivent se joindre d’autres pays dont le Qatar, ont lancé depuis samedi des opérations militaires contre l’armée libyenne, suite à l’adoption de la résolution le 17 mars, avec une abstention russe et de quatre autres pays.
Engagée dans l’écrasement de la rébellion contre le régime de Mouammar Kadhafi, l’armée et les partisans du colonel ont été accusées d’avoir tué des centaines de civils.
Selon M. Lavrov, la résolution de l’ONU a été formulée de manière claire: pour défendre la population civile. Ceux qui appliquent la résolution doivent suivre « strictement les décisions prises » car dépasser cet objectif « peut créer des conditions pour de nouvelles menaces ».
Pour le ministre russe, il y a risque de terrorisme. « Si la situation s’aggrave, alors nous aurons affaire à de nouveaux cas de terrorisme international et à d’autres évènements que nous voudrions éviter ».
L’affaire libyenne a donné lieu à une controverse rare au Kremlin entre le Premier ministre Vladimir Poutine et le président Dmitri Medvedev
M. Poutine, donnant son « avis personnel », a comparé la résolution de l’ONU à « l’appel aux croisades du Moyen Age ».
M. Medvedev a répliqué, jugeant « inadmissible » et « inacceptable » l’accusation de « croisade » et défendant sa décision de ne pas opposer le veto de Moscou à la résolution de l’ONU. Mais il s’est dit aussi préoccupé par l’utilisation « sans discernement » de la force mardi soir.
Evoquant la prochaine réunion jeudi du Conseil de sécurité de l’ONU sur la Libye, le ministre algérien a réclamé une « évaluation objective » de l’application du texte.
Il a souhaité qu’on vérifie « s’il n’y a pas eu de changement d’objectif en cours de parcours », citant notamment un « objectif politique » non défini, que poursuivraient les Occidentaux.
Concernant l’Egypte -visitée par M. Lavrov avant Alger- et la Tunisie, les deux ministres ont jugé qu’elles étaient « dans une phase de transition démocratique » que leur deux pays soutiennent.
Russie et Algérie, selon Sergueï Lavrov, sont d’accord pour estimer que la politique dans la région doit être « guidée par le droit international, y compris le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sans intervention extérieure ».
Le chef de la diplomatie russe a insisté sur les moyens pacifiques pour résoudre les conflits par « un large consensus national ».
« C’est justement sur la base de ces principes que le processus démocratique en Algérie se développe et la Russie le soutient », a encore affirmé M. Lavrov, qui a ensuite été reçu par le président algérien Abdelaziz Bouteflika.
Ce dernier a annoncé samedi de prochaines réformes « globales » dans son pays, y compris « politiques ».
L’Algérie est secouée ces dernières semaines par des protestations sociales et politiques, notamment à la suite d’émeutes sanglantes contre la cherté de la vie début janvier qui ont fait 5 morts et quelque 800 blessés.