Outre les politiques, la décision du Congrès divise aussi les groupes armés.
La raison ? Elu en juillet 2012, son mandat a expiré vendredi dernier. Les 200 députés, qui n’ont pas réussi à s’entendre — en raison de l’épreuve de force entre l’Alliance des forces nationales, majoritaire, et le Parti de la justice et de la construction, l’aile politique des Frères musulmans —, se sont octroyés, lundi dernier, un sursis jusqu’à décembre 2014 pour mettre en place une commission spéciale pour rédiger une nouvelle Constitution.
Comment ? Les députés ne l’expliquent pas. Du moins pas clairement. Même s’ils ont réussi à adopter, la semaine dernière, une feuille de route qui présente deux options liées à la capacité de la Commission à réaliser ses travaux, 120 jours après son entrée en fonction en mars prochain. Dans le cas où la Constituante répondrait par l’affirmative, le projet de la Constitution sera soumis à référendum dans un délai de 30 jours.
Si le texte est rejeté, la Constituante le révisera avant de le soumettre à un nouveau référendum. Si la Constituante ne peut pas s’acquitter de la rédaction de la Constitution dans les délais, le Congrès convoquera des élections générales pour le choix d’un président et d’un Parlement chargés de conduire une nouvelle transition de 18 mois dans l’attente de l’adoption d’une Constitution. Dans l’hypothèse où le projet serait approuvé par une majorité des deux tiers, le texte sera promulgué en tant que nouvelle Constitution du pays. Précision du Congrès : dans les deux cas, son mandat est prolongé jusqu’à décembre 2014.
La France propose des initiatives
L’Alliance des forces nationales rejette l’« extension » de mandat. Cette coalition de partis politiques de tendance libérale, qui soupçonne le Parti pour la justice et la construction, un mouvement islamiste, de vouloir jouer les prolongations pour faire passer ses agendas, qualifie cette décision d’« antidémocratique » et d’« illégale ». Elle exige le recours à un référendum populaire. Plusieurs organisations de la société civile, comme le mouvement baptisé « 9 Novembre » qui est né en novembre dernier à Benghazi et qui a depuis des sections dans différentes villes du pays, sont hostiles à cette prolongation.
Le mufti Sadok al-Gharyani, la plus haute autorité religieuse, et Moustapha Abdeljelil, l’ancien président du Conseil national de transition (bras politique de l’ex-rébellion), s’opposent aux détracteurs du Congrès. Pour eux, « la dissolution du Congrès permettra aux extrémistes et aux parties étrangères de faire entrer le pays dans le désordre ». « Le Congrès doit remettre le pouvoir à un organe élu et non à une entité choisie au hasard, car cela va nous ramener à la case départ », estime Abdeljelil. Outre les politiques, la décision du Congrès divise aussi les groupes armés.
La Chambre des opérations des révolutionnaires de la Libye, une milice islamiste, et les groupes armés de Misrata soutiennent cette décision. « Toucher au Congrès signifie franchir la ligne rouge », préviennent les islamistes. Les brigades de Zenten sont contre. Elles ont promis de protéger quiconque veut manifester contre le Congrès. Ces « positions » font craindre une escalade de la violence. Affirmant se soumettre « à la volonté du peuple », quatre députés ont annoncé leur démission dans la soirée de vendredi.
Autre nouvelle pour les Libyens : les Français et les Américains ne vont pas intervenir militairement dans le Sud, devenu un sanctuaire terroriste. Paris et Washington préfèrent un renforcement de l’Etat libyen. Selon Laurent Fabius, le patron de la diplomatie française, qui dit avoir « écrit au Premier ministre Ali Zeidan pour lui proposer un certain nombre d’initiatives, il faut conforter la stabilisation de la Libye ». Quelles initiatives ? Fabius ne dit pas plus. Il promet de mobiliser ses partenaires le 6 mars prochain, lors de la conférence ministérielle internationale de Rome. « Nous examinerons ce qui est possible de faire pour aider nos amis libyens », dit-il.
Djamel Boukrine