Le statu quo va-t-il perdurer ? Dans une sorte de yo-yo digne du scénario de la banalisation de la crise, enclenchée depuis le 15 février, la situation par le flux et le reflux incessant des forces belligérantes organisant l’assaut de Benghazi ou, a contrario, annonçant la marche victorieuse sur Tripoli
En dépit de la no-fly zone, prévue par la 1973, et les bombardements de la coalition, la suprématie militaire de Kadhafi reste incontestable. Elle rend caduque l’option de l’effondrement espéré du régime qui se refuse à tout compromis avec les insurgés marqués par l’impréparation, la désorganisation et les moyens de combat rudimentaire. Kadhafi ne veut pas de trêve négociée qui, il est vrai, consacrerait la partition de fait de la Libye. L’impasse est totale et réelle.
Que faire ? La question du réarmement de l’opposition a été mise en avant par certains pays de la coalition. Mais, les dispositions de la 1973, autorisant « toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils », sont limitées par la 1970 instaurant un embargo sur les armes à destination de la Libye. Car, même si la secrétaire d’Etat US estime que la 1973 « outrepasse ou amende l’interdiction absolue de des armes à qui que ce soit en Libye », nombre de spécialistes reconnaissent l’importance d’un retour au Conseil de sécurité.
Pour un diplomate de haut rang à l’ONU, cité par une agence de presse, « beaucoup de pays s’opposeraient certainement à toute tentative d’interprétation de la résolution (1973, ndlr) qui déboucherait sur une autorisation de livraison d’armes ». Philippe Sands, un expert en droit international à l’University College de Londres, affirme, en ce sens, qu’il serait « vraiment curieux que le Conseil de sécurité renforce l’embargo sur les armes tout en autorisant des livraisons d’armes dans le but de protéger les civils ».
Le bourbier libyen, soigneusement éludé par Obama retirant ses avions de combat et ses Tomahawks au profit de l’Otan maintenue en première ligne des hostilités, connaît ses premiers « dégâts collatéraux » dans une réédition des scènes déjà vécues en Irak et en Afghanistan, lorsqu’une frappe de l’Otan, effectuée près du site pétrolier de Brega, a provoqué « par erreur » la mort de 9 insurgés.
Ce qui conforte davantage la position de refus du recours à la force réitéré, à l’occasion de la visite de son homologue allemand en Chine, par le ministre des Affaires étrangères, Yang Jiechi, mettant en garde contre les frappes qui violeraient l’esprit de la résolution onusienne relative à la protection des civils.
Le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle a, quant à lui, soutenu que le conflit en Libye ne pourrait pas être résolu par les armes. « Il peut seulement y avoir une solution politique et nous devons mettre en route un processus politique », a-t-il poursuivi. « Cela devrait démarrer avec un cessez-le-feu respecté par Kadhafi pour pouvoir démarrer un processus de paix », a ajouté M. Westerwelle. Dans cette guerre occidentale qui divise le Vieux continent, l’Union européenne se met de nouveau de la partie pour innover dans le registre interventionniste.
Elle a annoncé, dans un communiqué, qu’elle est prête à déclencher « une opération militaire humanitaire » (sic !), à la demande de l’ONU. Baptisée « Eufor Libya » et déjà dotée d’un budget de 7,9 millions d’euros, elle sera commandée par le vice-amiral italien Claudio Gaudiosi.
Le quartier général de l’opération sera à Rome. La mission qui sera encadrée par les résolutions 1970 et 1973 doit être activée par le Bureau des Nations unies pour les Affaires humanitaires (Ocha). Elle se prédestine au rôle visant à « contribuer à assurer la sécurité des déplacements et l’évacuation des personnes déplacées » et à « apporter son appui aux agences humanitaires dans leurs activités à l’aide de moyens spécifiques ». En somme, le « devoir d’ingérence humanitaire » réincarné.