Des fissures profondes montrent que Kadhafi est en train de perdre un soutien vital : des représentants du gouvernement libyen en Libye même ou à l’étranger ont démissionné, des pilotes de l’armée de l’air ont fait défection et des bâtiments publics importants ont été détruits au cours des affrontements dans la capitale.
Au moins 61 personnes ont été tuées dans la capitale ce lundi, ont déclaré des témoins à Al Jazeera. Les protestations semblent gagner en force, avec des manifestants disant qu’ils ont pris le contrôle de plusieurs villes importantes et de la ville de Benghazi, à l’est de Tripoli.
Selon la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) basée à Paris, les manifestants ont pris le contrôle de Syrte, Tobrouk, Misrata, Khoms, Tarhounah, Zenten, Al-Zawiya et Zouara.
Les manifestants ont appelé à une autre nuit de révolte contre le doyen des chefs du monde arabe, en dépit de la répression menée par le dictateur.
Un énorme marche anti-gouvernementale à Tripoli lundi après-midi a été attaquée par les forces de répression qui ont utilisé des avions de chasse et des tirs à balles réelles, ont déclaré des témoins à Al Jazeera.
« Ce à quoi nous assistons aujourd’hui est inimaginable. Des avions et des hélicoptères bombardent indistinctement une zone après l’autre. Il y a beaucoup, beaucoup de morts », a déclaré Adel Mohamed Saleh dans une émission en direct.
« Toutes les personnes qui se déplacent, même si elles sont dans leur voiture, vont être prises pour cible. »
Défection de militaires
Deux jets le l’armée de l’air libyenne ont atterri à Malte ce lundi, et leurs pilotes ont demandé l’asile politique.
Les pilotes ont affirmé avoir fait défection après avoir refusé d’obéir aux ordres d’attaquer des civils manifestant à Benghazi en Libye.
Les pilotes, qui ont dit être colonels dans l’armée de l’air libyenne, ont été interrogés par les autorités maltaises dans le but de vérifier leur identité.
Pendant ce temps, un groupe d’officiers de l’armée libyenne a publié une déclaration exhortant leurs compagnons d’armes à « rejoindre le peuple » et à aider à éliminer Kadhafi.
Les officiers exhortent le reste de l’armée libyenne à marcher sur Tripoli.
Des diplomates prennent le parti des manifestants
Les ambassadeurs de la Libye dans plusieurs pays ou institutions, dont les États-Unis et les Nations Unies, ont fait savoir qu’ils se rangeaient du côté des manifestants et ont demandé à Kadhafi de démissionner.
Ali Aujali, ambassadeur de la Libye aux Etats-Unis, est devenu le dernier diplomate à réclamer la démission du leader libyen, disant devant l’agence Associated Press lundi soir que Kadhafi devait démissionner et donner une chance Libyens « de construire leur avenir ».
Il a dit qu’il ne démissionnait pas, mais qu’il travaillait pour le peuple libyen.
Lundi soir également, A.H Elimam, ambassadeur de la Libye au Bangladesh, a démissionné pour protester contre l’assassinat de membres de sa famille par des soldats gouvernementaux.
Plus tôt lundi, les diplomates à la mission libyenne à l’Organisation des Nations Unies se sont mis du côté de la révolte contre le dictateur et ont demandé à l’armée libyenne d’aider à renverser « le tyran Mouammar Kadhafi ».
Dans un communiqué publié alors que les manifestations ont éclaté à travers toute la Libye, le responsable adjoint de la mission et d’autres membres du personnel ont déclaré qu’ils étaient au service du peuple libyen, et ont exigé « la suppression immédiate du régime en place », appelant les autres ambassades libyennes à leur emboîter le pas.
Kadhafi mène une bataille sanglante pour s’accrocher à son pouvoir vieux de de 41 ans, alors que la révolte contre son régime a atteint la capitale, Tripoli.
Dans le communiqué publié à New York, il est fait état de centaines de tués dans les cinq premiers jours du soulèvement.
Un porte-parole de la mission aux Nations Unies, Dia al-Hotmani, a déclaré le communiqué avait été rédigé par le représentant permanent adjoint Ibrahim Dabbashi, et d’autres membres du personnel.
Abdurrahman Shalgham, ambassadeur de la Libye au Nations Unies, n’était pas présent à la conférence de presse, mais il a déclaré au journal Al-Hayat que tous les diplomates de mission ont appuyé la déclaration « à l’exclusion de moi-même ». Il a dit être en contact avec le gouvernement Kadhafi et tenter « de les persuader de mettre fin à leurs actes ».
Génocide
Dia al-Hotmani a expliqué que lors d’une réunion ce lundi dans les bureaux de la mission de New York, le personnel « a exprimé notre sentiment d’inquiétude sur le génocide en cours en Libye ».
« Nous ne voyons pas de réaction de la communauté internationale », a-t-il ajouté.
« Le tyran Mouammar Kadhafi a affirmé clairement, par l’intermédiaire de ses fils, à quel niveau d’ignorance ils étaient tous, et combien ils méprisent la Libye et le peuple libyen, » ajoute la déclaration rédigée en langue arabe.
Près de 300 personnes auraient été tuées dans les violences dans la capitale et les démonstrations entrent dans leur deuxième semaine.
Des témoins puis Tripoli ont déclaré à Al Jazeera mardi que des avions de combat avaient bombardé des quartiers de la ville lors de nouvelles attaques. Ils ont dit aussi que des « mercenaires » tiraient sur les civils dans la ville.
Des habitants du quartier Tajura, à l’est de Tripoli, ont déclaré que des cadavres gisent encore dans les rues.
Dia al-Hotmani a condamné l’utilisation par Kadhafi de « mercenaires africains » pour tenter de réprimer l’insurrection et a dit craindre « un massacre sans précédent à Tripoli. »
« Couper la tête du serpent ! »
Le communiqué appelle « les officiers et les soldats de l’armée libyenne, où qu’ils soient et quel que soit leur rang … à s’organiser et à marcher sur Tripoli et à couper la tête du serpent. »
Les manifestants ont pris le contrôle de plusieurs villes – Photo : Reuters
Il est aussi fait appel à l’Organisation des Nations Unies pour imposer une zone d’exclusion aérienne sur les villes libyennes afin de prévenir que des mercenaires et des armes y soient expédiées.
Il a également exhorté les gardes d’installations pétrolières en Libye à protéger celles-ci de tout sabotage « par le tyran lâche », et a appelé les pays à empêcher Kadhafi de fuir et de se tenir à l’affût de tout mouvement d’argent.
Dabbashi et ses collègues ont appelé la Cour pénale internationale basée à La Haye à lancer une enquête immédiate sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité que Kadhafi, ses fils et ceux qui le soutiennent ont commis.
Ils ont appelé les employés des ambassades libyennes à travers le monde à « se tenir aux côtés de leur peuple », en particulier la mission des Nations Unies au siège européen de Genève, qui selon eux devrait déclencher une initiative du Conseil des droits de l’homme.
On ne sait pas pour l’instant si d’autres ambassades libyennes étaient susceptibles de répondre à l’appel, mais l’ambassadeur du pays en Inde, Ali al-Essawi, ait déclaré qu’il démissionnait pour protester contre la violente répression dans son pays.
Les ambassadeurs de la Libye auprès de l’Union européenne, de la Ligue arabe et de l’Indonésie ont également démissionné, tandis que les ambassades du Japon et la Malaisie ont été fermées ce mardi.