La situation pourrait subitement basculer en Libye où le régime de fer du guide Moammar El Kadhafi perd du terrain, «laissant» plusieurs villes, notamment Benghazi, tomber sous le contrôle des manifestants. La contestation a gagné la capitale Tripoli où de violents affrontements ont été signalés.
Désertions dans la police et défections dans l’armée du pays sont derrière les victoires des manifestants qui ont payé déjà un lourd tribut. Des sources sur place, via Internet ou des appels téléphoniques entrecoupés des membres des organisations internationales humanitaires, évoquent des bilans d’au moins 300 morts, dont 60 pour la seule journée de dimanche à Benghazi.
La sortie médiatique, peu attendue de Seïf Al-Islam fils du dictateur, affirmant le soutien de l’armée pour son père, pourrait être comprise autrement.
En effet, face aux nombreuses défections dans les rangs de l’armée libyenne, le camp au pouvoir veut terroriser les populations.
Ainsi, et sans retenue aucune, il a promis que le sang va couler. Le mouvement de contestation s’est radicalisé lors de la journée de dimanche durant laquelle des informations font état de villes libérées dont Benghazi et Syrte, qui sont tombées aux mains des manifestants à la suite de défections dans l’armée ainsi que dans la police et les douanes qui ont également déserté un poste frontalier, selon plusieurs vidéos mises en ligne sur la toile.
Dans la deuxième ville du pays, les opposants contrôlaient les rues après plusieurs jours d’affrontements sanglants avec les forces du régime. Selon des habitants, la foule qui a envahi le quartier général des forces de sécurité s’est emparée d’armes.
D’après un témoin, le drapeau libyen flottant au-dessus du palais de justice de la ville a été remplacé par celui de la monarchie renversée en 1969 lors du coup d’Etat militaire qui a permis au colonel Kadhafi de prendre le pouvoir. Dans la localité de Zaouia, à 60 km à l’ouest de Tripoli, la police a déserté la ville livrée au chaos, selon des témoins tunisiens arrivés lundi matin à Ben Guerdane en Tunisie, près de la frontière entre les deux pays.
L’ampleur de la contestation et sa violence n’ont pas été niées par le fils du dictateur qui, dans un élan de désespoir, parle du soutien de l’armée et de combat «jusqu’au dernier homme, la dernière femme, la dernière balle». les termes utilisés par Seif El Islam témoignent aussi de la répression sauvage réservée aux protestataires qui ont pris d’assaut certains quartiers de la capitale.
Les affrontements, une véritable bataille rangée, opposaient forces de sécurité aux manifestants et ont duré jusqu’à l’aube lundi dans le centre de Tripoli, sur la Place Verte et aux alentours. Des tireurs embusqués, postés sur des toits, ont tiré sur les manifestants qui investissaient la Place Verte.
Des miliciens à bord de véhicules circulant à grande vitesse tiraient sur la foule au passage ou renversaient des manifestants. Les témoins ont déclaré avoir vu des victimes, sans fournir de bilan précis. Hier matin, des manifestants se sont emparés de locaux de la télévision publique.
Au petit jour, de la fumée s’élevait d’endroits où sont situés un poste de police et une base des forces de sécurité, selon une avocate assistant à la scène du toit de sa maison dans une ville désertée.
Ecoles, administrations et la plupart des magasins étaient fermés à l’exception de quelques boulangeries pour les habitants du quartier, terrés chez eux, a-t-elle témoigné sous couvert de l’anonymat. Ces affrontements ont été implicitement reconnus par Seif El Islam qui a indiqué que Kadhafi, «mène la bataille à Tripoli, et nous sommes avec lui.
Les forces armées sont avec lui. Ils sont des dizaines de milliers à venir ici pour être avec lui», a-t-il dit en revenant : «Nous nous battrons jusqu’au dernier homme, jusqu’à la dernière femme, jusqu’à la dernière balle». Certainement pris de panique, il a lâché : «Le mouvement de protestation, s’il se poursuit, plongera le pays dans la guerre civile. La situation n’est pas loin de cette guerre, car des témoins parlent de «massacre».
«Les militaires tuent les gens sans pitié, raconte une jeune femme. Il n’y a plus de place dans les morgues. Hier (samedi), il y avait près de 300 morts. Plus de 200 n’ont pas encore été enterrés. Plus personne n’est en sécurité. Ils sont en train de tirer sur les gens.
Ils tirent des missiles sur les ambulances, ce sont des gens sans pitié. On a vraiment besoin d’aide», dit-elle encore. Ce massacre est l’œuvre de mercenaires, selon des témoins intervenant sur des radios et des chaînes satellitaires.
Par Mohamed Zemmour