Au moins 40 personnes, dont six Egyptiens, ont été tuées, hier, lors d’attentats perpétrés à Al-Qoba, une ville située dans l’Est libyen. Ces attentats ont été revendiqués par une branche de l’organisation djihadiste Etat islamique (EI).
Ces attaques ont également fait 41 blessées dans cette ville située à quelques dizaines de kilomètres du bastion libyen des djihadistes, Derna, selon le ministère de la Santé.
Deux explosions ont visé un commissariat de police et les environs du domicile du président du Parlement reconnu par la communauté internationale, Aguila Salah Issa, et la troisième une station-service bondée. Selon des secouristes, la plupart des victimes se trouvaient à la station-service, où des dizaines de véhicules faisaient la queue pour se ravitailler en essence, en raison d’une pénurie de carburant dans la ville. Ils ont ajouté que le président du Parlement basé à Tobrouk, plus à l’est, n’était pas chez lui au moment de l’attaque. La branche libyenne de l’EI a revendiqué les attaques dans un communiqué publié sur Twitter, affirmant que deux kamikazes les avaient perpétrées afin de «venger le sang de nos musulmans à Derna», visée la semaine dernière par des raids aériens libyens et égyptiens. Le gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale a décrété un deuil de sept jours après les attaques d’Al-Qoba. Dénonçant des «actes terroristes», il a promis que l’armée «ripostera fermement et multipliera ses opérations contre les fiefs de Daech (acronyme de l’EI en arabe) en Libye». La ville d’Al-Qoba est contrôlée par les forces loyales au général Khalifa Haftar et au Parlement reconnu par la communauté internationale. Une nouvelle réunion de dialogue sur l’avenir politique de la Libye doit se tenir la semaine prochaine au Maroc, à l’invitation de la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul), ont indiqué, hier, des députés impliqués dans les discussions. «Le groupe de la commission du dialogue au Parlement a été invité par l’ONU à un nouveau round de dialogue sur l’avenir politique du pays», a déclaré Abou Bakr Beira, membre du Parlement reconnu par la communauté internationale basé dans l’est du pays. Selon M. Beira, l’ONU a invité le Parlement élu et son rival, le Congrès général national (CGN), le Parlement sortant qui a été réactivé par la coalition de milices Fajr Libya.
Le député n’a pas donné de détails sur la date ou le lieu exacts de la réunion. Selon un ex-membre du CGN, Al-Chérif al-Wafi, qui avait participé à d’autres réunions de dialogue, la rencontre est prévue en milieu de semaine prochaine au Maroc. Les deux Parlements rivaux avaient tenu le 11 février à Ghadamès, dans le Sud libyen, des discussions «indirectes» sous l’égide de l’ONU, les premières du genre entre les deux assemblées depuis le lancement du dialogue national fin septembre 2014. Le chef de la Manul, Bernardino Leon, avait tenu des réunions séparées avec les délégations et qualifié le dialogue de «positif et constructif».
R. I./AFP
Un pays aussi dangereux que la mer pour les migrants
Les récits de migrants secourus par l’Italie au large de la Libye témoignent des violences inouïes qu’ils ont subies dans un pays plongé dans la guerre, a rapporté hier l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Certains ne sont restés que quelques jours en Libye, d’autres y ont passé deux ans, mais tous «décrivent une situation de vraie guerre. Tripoli elle-même est attaquée, et beaucoup de migrants racontent qu’il est maintenant trop dangereux d’essayer de rester dans la ville», a expliqué l’OIM dans un communiqué. «Les témoignages confirment que les passeurs sont de plus en plus violents avec les migrants, à l’embarquement mais aussi dans les ‘’maisons de connexion’’ où ils les font attendre des jours ou des semaines» dans des conditions sordides, a ajouté Federico Soda, directeur de l’OIM pour la Méditerranée. Parmi les dizaines de migrants interrogés par les équipes de l’OIM à Lampedusa ou en Sicile, une Somalienne arrivée avec sa fille de 3 mois née dans une «maison de connexion» en Libye, raconte l’horreur d’un voyage à travers le désert, où elle a vu mourir des gens dont le corps a été laissé à l’abandon. Un adolescent gambien a raconté son périple à travers le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, jusqu’à la Libye où il a été exploité pendant trois mois sur un chantier, victime de fréquentes agressions, avant d’assister au meurtre de trois de ses camarades par leurs exploiteurs. Un autre Gambien de 17 ans a lui travaillé pendant un an en Libye, qu’il a fuie pour échapper à l’augmentation des violences et des extorsions.
Un nouveau foyer djihadiste qui inquiète
Aux portes de l’Europe, le nouveau foyer djihadiste qui se développe en Libye alimente les pires craintes du Vieux continent mais inquiète aussi les voisins immédiats du pays, qui craignent un renforcement de leurs propres groupes radicaux, soulignent les experts. «La Libye est aujourd’hui le plus grand foyer terroriste au monde», affirme Mazen Chérif, expert tunisien en questions militaires et stratégiques. Contrairement à l’Irak ou la Syrie où une coalition internationale mène des raids aériens contre le groupe de l’Etat islamique (EI), sa branche en Libye a le champ libre, profitant du chaos généralisé, note-t-il. Quatre ans après le début du soulèvement contre le pouvoir du colonel Mouammar Kadhafi, qui tenait le pays d’une main de fer, le riche pays pétrolier est livré aux milices rivales. La filiale libyenne du groupe de l’EI est déjà bien implantée dans plusieurs villes, de Derna à l’est à Sabratha à l’ouest, en passant par Syrte dans le centre. Un autre groupe djihadiste, Ansar Sharia, est implanté à Benghazi, deuxième ville du pays. L’EI dispose en outre en Libye d’un accès à la mer, dans un pays qui constitue la source principale de l’immigration clandestine vers les côtes européennes, et notamment l’Italie.
Trouver une solution politique La difficile mission de l’ONU
La communauté internationale cherche à réconcilier les rivaux politiques en Libye pour lutter plus efficacement contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI), mais cet objectif semble difficile à atteindre vu la complexité du conflit, selon les experts. L’Italie a averti que le temps était compté pour une solution politique face à la montée en puissance de l’EI en Libye, à 350 km de ses côtes, et au risque d’un exode massif de migrants depuis ce pays plongé dans le chaos. «De nombreux obstacles» rendent «la perspective de dialogue et d’un gouvernement d’union presque impossible», estime l’analyste libyen Mohamed El-Jareh. Et entretemps «la menace de l’EI est appelée à s’aggraver considérablement». Plus optimiste, Claudia Gazzini, experte de l’International Crisis Group, estime qu’une solution politique est «difficile mais pas impossible». Les espoirs d’une telle solution reposent sur le représentant de l’ONU Bernardino Leon pour qui «mettre en échec le terrorisme en Libye ne pourra se faire que par la détermination politique d’un gouvernement d’unité».