Des centaines de personnes se sont rassemblées, hier, sur la place des Martyrs, au cœur de Tripoli, pour les funérailles des victimes de la veille.
Des dizaines de jeunes ont scandé des slogans contre les milices et appelé à la reconstruction de l’armée. «Même les brigades de Kadhafi (l’ancien dirigeant libyen) n’avaient pas tiré sur des manifestants avec cette sauvagerie», s’est indigné Hamouda, la quarantaine. Selon un photographe de l’AFP, la route longeant la mer vers l’est depuis le centre-ville a été fermée à la circulation. Des combattants de Tripoli juchés sur des pick-up munis de canons anti-aériens étaient rassemblés à l’entrée est de la capitale.
Leurs chars étaient également postés sur les principaux carrefours. Le gouvernement a appelé à un cessez-le-feu entre les milices, qu’il peine à contrôler, faute de police et d’armée professionnelles. Le Premier ministre, Ali Zeidan, a appelé «à la retenue et à l’arrêt des combats». Selon lui, «la situation se compliquera davantage si d’autres groupes armés entrent dans la capitale». Il a fait état de tentatives de négociations pour convaincre les groupes armés de Misrata de rebrousser chemin. «Les prochaines heures et jours seront décisifs dans l’histoire de la Libye et dans la réussite de sa révolution», a indiqué le gouvernement dans un communiqué. Dans l’après-midi, des miliciens venus de Misrata (environ 200 km à l’est de Tripoli), à bord de véhicules équipés de mitrailleuses ou de canons, ont tenté d’avancer vers la capitale, pour venger leurs camarades après l’incendie de leur QG la veille. Selon des témoins, des affrontements ont eu lieu à Tajoura, banlieue est de la capitale, entre ces miliciens et d’autres milices rivales. Les hommes de Misrata ont reculé par la suite de quelques kilomètres, selon les mêmes sources. Ces heurts interviennent moins de 24 heures après des violences ayant fait, selon le gouvernement, au moins 43 morts et plus de 450 blessés.
Ils ont commencé très tôt samedi quand des milices de Misrata, une ville à environ 200 km à l’est de Tripoli, ont attaqué en banlieue une caserne de l’armée occupée par des ex-rebelles de Tripoli, faisant un mort et huit blessés, selon le commandant de cette brigade qui dépend officieusement du ministère de la Défense, le colonel Mosbah al-Harna. Selon ce commandant cité par l’agence libyenne Lana, les milices de Misrata ont pillé la caserne, et sont parties avec des véhicules, armes et munitions.
R. I. / Agences
Grève générale de trois jours
Les autorités locales de Tripoli ont appelé les Tripolitains à observer une grève générale. «Une grève générale de trois jours a été décidée dans tous les secteurs publics et privés (…) à partir de dimanche (aujourd’hui)», a annoncé le Conseil local de Tripoli (équivalent d’une mairie) dans un communiqué publié tard dans la soirée. Cette grève générale se déroulera «en signe de deuil» et de solidarité avec les familles des victimes de vendredi, selon le communiqué. Si la tension était vive dans la capitale, où la plupart des commerces sont restés fermés pendant la journée, la situation semblait être redevenue calme en soirée.
L’ombre de la guerre civile
Alors que les affrontements de vendredi et samedi font craindre une guerre civile dans un pays où de nombreuses milices se sont constituées sur une base régionale, comme celle de Misrata ou sur des bases idéologiques comme c’est le cas pour les salafistes d’Ansar al-Chariaa, la mission de l’ONU en Libye a condamné fermement ces violences meurtrières, appelant dans un communiqué à la «cessation immédiate» des hostilités. Ces groupes d’ex-rebelles sont accusés de s’adonner à toutes sortes de trafics et de pratiquer tortures, enlèvements et détentions arbitraires au secret. Le Congrès général national (CGN), la plus haute autorité du pays, avait décidé l’été dernier d’évacuer toutes les milices de la capitale, mais le gouvernement a été incapable d’appliquer cette mesure.