Le fief de Daech en Libye, la ville de Syrte, est en passe de tomber sous les assauts des forces loyalistes libyennes, soutenues par des raids aériens américains. Il ne restait hier dans cette zone, située sur la côte méditerranéenne à environ 450 km à l’est de Tripoli et à 300 km des premiers rivages européens, que quelques portions encore aux mains des terroristes, dont les jours, voire les heures, sont comptés, selon les forces militaires rattachées au gouvernement libyen d’union nationale, le GNA.
Les terroristes sont désormais acculés dans un secteur de moins de 2 km² dans la ville qui était devenue leur fief libyen. Un millier de soldats les encerclent après avoir lancé, dimanche, ce qui est considéré comme «l’ultime bataille» pour reconquérir totalement Syrte. Les forces loyales ont indiqué s’être «emparées d’un peu plus de la moitié du quartier n°3 et de 70% du quartier n°1», deux secteurs mitoyens où les terroristes s’étaient retranchés et à partir desquels ils ont lancé contre les soldats libyens au moins 12 voitures piégées conduites par des kamikazes, selon le centre de presse des forces du GNA.
DES COMBATS VIOLENTS
Les combats de dimanche ont coûté la vie à 38 membres des forces loyalistes et blessé 185 autres, selon un dernier bilan de l’hôpital de campagne de Syrte et de l’hôpital central de Misrata, ville située à quelque 200 km à l’ouest et siège du commandement des opérations.
Le bilan des pertes dans le camp de Daech n’est pas encore établi. «Nos soldats tentent aujourd’hui (lundi) de protéger les positions en se redéployant dans les secteurs repris dimanche et en les ratissant», a expliqué à l’AFP Reda Issa, porte-parole des forces pro-GNA.
Ces dernières veulent éviter au maximum les pertes humaines. Depuis le début de l’offensive sur Syrte, le 12 mai dernier, plus de 400 combattants loyalistes ont été tués et environ 2500 blessés. Parmi les principaux bâtiments repris par les forces du GNA figure la mosquée Qortoba, que les terroristes avaient rebaptisée Abou Mossab AlZarqaoui en prenant le contrôle de la ville, en juin 2015.
Ils rendaient ainsi hommage au chef terroriste jordanien tué dans un raid américain en Irak en 2006 après avoir contribué à fonder Daech. Ils avaient mis le feu à la bibliothèque de cette illustre mosquée, tué l’un de ses imams et converti son esplanade en arène de «torture et d’exécution de plusieurs habitants de Syrte», selon le centre de presse des forces pro-GNA. La ville comptait 120 000 habitants avant sa prise, le 9 juin 2015, par Daech. Mais la plupart d’entre eux ont réussi à fuir et la ville a été «complètement vidée», indiquait à la mi-août le général Mohamad Al-Ghassri, porte-parole des forces progouvernementales.
Seules y demeuraient, selon lui, les familles des terroristes. Le drapeau noir de Daech flottait sur les bâtiments publics de la ville et des terroristes en véhicule tout-terrain sillonnaient les rues pour vérifi er que les hommes respectaient les heures de prière et que les femmes ne s’aventuraient pas dehors sans accompagnateur.
La reprise totale de Syrte serait un revers pour Daech, déjà en grande difficulté dans les territoires qu’il contrôle en Syrie et en Irak. Toutefois, elle n’écarterait pas immédiatement la menace terroriste en Libye et pourrait même ouvrir une phase encore plus violente, avertissent des experts.
Avant l’offensive sur Syrte, des sources françaises et américaines faisaient état de 5000 et 7000 terroristes qui combattent pour Daech. Mais à la mi-août, le porteparole adjoint du Pentagone, Gordon Trowbridge, estimait qu’il ne restait que «quelques centaines de terroristes à Syrte» et à peine «1000 à quelques milliers» dans tout le pays.
Il n’en demeure pas moins qu’une reprise de Syrte représenterait une victoire pour le gouvernement d’union qui tente d’imposer son autorité sur un pays déchiré par les luttes entre autorités et milices rivales. Les forces loyalistes combattant à Syrte sont principalement composées des différentes milices de l’ouest du pays, notamment de Misrata, ayant combattu dans le passé le régime Kadhafi .
Elles ont récemment profité des raids de l’aviation américaine pour lancer leur dernier assaut alors qu’elles peinaient depuis juin à dé- loger les terroristes de leur fief. Les Etats-Unis effectuent depuis le 1er août des frappes aériennes contre des cibles djihadistes à Syrte, apportant leur assistance aux troupes loyalistes. Et depuis mardi dernier, ils utilisent des hélicoptères d’attaque de type AH-1W SuperCobra des Marines qui apportent de nouvelles capacités pour les bombardements de précision.
D’ailleurs, depuis le 1er août, les Etats-Unis, sur ordre du président Obama, ont opéré plusieurs frappes aériennes contre des positions de Daech à Syrte. Selon un officiel américain cité par le Wall Street Journal, depuis cette date, «les avions de chasse américains ont effectué 41 missions sur Syrte, frappant des dizaines de cibles au sol». Hier, le Libya Herald a fait état de 100 frappes aériennes américaines menées par des chasseurs ou des drones et, plus récemment, par des hélicoptères. Il rapporte que dans la nuit de dimanche à hier, «il y avait davantage d’attaques aériennes, très probablement menées par des avions de chasse, pour affaiblir les terroristes avant l’assaut de lundi».
Les terroristes de Daech avaient même tenté une contre-attaque mais elle a été avortée. Entre-temps, les Américains, à bord de l’USS Wasp, soutiennent un blocus maritime pour empêcher toute fuite des terroristes de Daech par la mer.
C’est le 22e corps expéditionnaire de Marines qui conduit les raids aériens en accord avec le GNA libyen. A ce titre, le Premier ministre du gouvernement d’unité de la Libye, Fayez Al Sarraj, avait rencontré il y a tout juste une semaine le nouveau commandant de l’Africom, le général Thomas D. Waldhauser, et Jonathan M. Winer, l’envoyé spécial pour la Libye, au siège de l’Africom à Stuttgart, en Allemagne, pour discuter de l’appui du gouvernement américain ; plus précisément, les discussions avaient porté sur un accord de partenariat dans la lutte contre le terrorisme, et la volonté du GNA de se faire assister par les Etats-Unis pour améliorer les capacités militaires de la Libye.