Libre lecture d’isefra, l’album2014 de lounis aït menguellet : L’éveil paradoxal de zénon

Libre lecture d’isefra, l’album2014 de lounis aït menguellet : L’éveil paradoxal de zénon

Baudelaire disait «enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise», de lumière du jour, de la rivière qui coule, du bleu du ciel, enivrez vous de la brise qui caresse votre visage; de vin…et de poésie. C’est le vingt mai que la cuvée 2014 de Lounis Ait Menguellet vient nous griser d’une poésie concrète et capiteuse dont les incidences presque telluriques vont secouer notre imaginaire des jours durant.

Cette lecture donc est le fruit de cette ivresse et contient des divagations souvent hasardeuses mais foncièrement admiratives.

Pour mettre les choses au clair nous n’allons pas philosopher à la manière des grands maitres, pour cela nous conseillons la lecture de l’excellente contribution de notre ami Boukhalfa Laouari qui nous impressionnera toujours par la profondeur de ses idées et leur ancrage dans la pensée savante.

Ici il s’agira d’interprétation personnelle et… d’humour, fruit d’une exaltation sans bornes et de débats entre passionnés de poésies et fans du poète Lounis Ait Menguellet. Pour anecdote l’un de ses passionnés déclare que si l’envie lui prenait (à Lounis) de sortir un CD vierge, non seulement il l’achèterait mais écouterait les plages de silence avec délectation et assidument, il en discuterait aussi avec ses amis et mieux encore il en ferait une lecture qu’il publiera dans un quotidien national! LOL! comme disent les nouvelles amitiés numériques.

Sur la jaquette

Dés l’acquisition de l’objet, le voyage dans le temps s’annonce avec les retrouvailles de la première guitare; la caisse raisonnante auréolée de symboles comme les jarres d’huile d’autrefois, symboles tracés au couteau rougi à la braise au goût des artistes des années soixante-dix. La ressemblance des motifs sur la guitare avec ceux du meuble ancien, venu d’un autre âge, en arrière-plan est frappante, elle renseigne sur les penchants artistiques du jeune débutant et son inclinaison pour le style dans toutes ses expressions ainsi que son encrage dans un passé authentique.

Un autre symbole, ciselé aux couteaux ardents, est cette épée reproduite de part et d’autre et qui sonne déjà semblable à une alerte guerrière annonciatrice de joutes futures, luttes décrites particulièrement dans la Cinquième «Tis xemsa» et qui tient sa place de cinquième à bon escient. Ce classement nous renvoie a une composition ancienne carrément intitulée «Tis xemsa» dont le titre resta un mystère jusqu’à une relecture récente du poème antique de Mohand Agawa du village Tala N’tazert, sauvé de l’oubli par Hanotaux (1867) «…Tis xemsa seg lma3nat Aka wi llan d’a Yeffal Win yumnen swahbib yen Yat…»

En plus de la guitare, on trouve le texte de la huitième chanson fait main, il s’agit du poème intitulé: «Isefra n Iden» où deux fois le coeur est cité, une fois éclos, et une autre fois explosé comme le Big-bang, Début /fin de toute création.

Terminer une oeuvre sur la grande fission/fissure d’un coeur ému est le présage d’un renouveau bien expliqué par l’Astrophysique.

Dans cette explosion, une farandole de mots comme autant d’étincelles ou d’astres tournent autour de l’artiste, le courtisent et quémandent une place sur une feuille longtemps restée blanche, immaculée. Feuille photographiée pour décorer la couverture.

L’écriture, le paraphe, la calligraphie renseignent beaucoup sur le caractère de l’auteur. Sans prétentions nous pourrons relever les belles majuscules qui commencent chaque vers. Lettres comportant en haut comme une assise horizontale. Il parait que c’est, là, la caractéristique des penseurs qui se placent ainsi a l’aise sur un point de vue stratosphérique.L’idée semble dominée, vaincue, terrassée; l’horizontalité du trait est ici pour dire ce terrassement. Les autres mots, avec des traits obliques penchés légèrement à droite, où chaque lettre est séparée, placée en viseur vers le haut, vers les cieux. Le même alignement se retrouve dans la griffe, en plan incliné permettant la plus haute flèche en mouvement, vers l’apogée, malgré Zénon.

La date est aussi significative car le poème signé est aussi daté, du 07 janvier 2014, au «studio d’en bas». Là nous pouvons avoir un aperçu sur la complexité de l’art et de la déambulation surprenante du cerveau de l’artiste qui versifie le printemps en plein hiver. N’est-ce pas une excursion dans les saisons, une ballade dans le temps?

Dans chaque chanson nous nous retrouverons, en plein rêve éveillé, dans une sorte d’ivresse lucide, avec une confrontation des extrêmes et cette entente d’apparence impossible de deux instants, de deux âges, de deux thèses opposées. Chaque titre est supporté par une planche ou un portrait pour appuyer le propos et inspirer d’autres lectures peut-être inexplorées par l’auteur lui-même puisque l’ornement est laissé aux soins d’un autre artiste.

1-«Isefra»:

Dès l’incipit nous saisissons la détresse et la consternation de celui qui, en attendant l’aube, se retrouve subitement nez à nez avec le crépuscule, la fin.

«UrjaY/urgaY» l’attente dans le rêve. Passer sa vie à rêver ou la passer à attendre, revient à ne saisir d’elle que la fugacité du temps.

Ainsi, dés le début c’est déjà le soir et le souvenir que seule la douleur fait vivre.

Douleur elle-même insignifiante si elle n’est pas partagée. (tuntict) Une rétrospective depuis la naissance au milieu du siècle passé nous fait remonter le temps pour entrevoir le drame fondateur du début d’automne. Moins d’une année après la venue au monde a une première caravane partit laissant le poète avec le déchirement de l’abandon. Plus tard, la prise de conscience de la dette ontologique et l’obligation de payer même quand il n’y a pas eu consommation, (lehsab, lexlas win ur necci)».

L’évocation de la page blanche, des jours orphelins de poésies, de quand le mutisme emprisonnait les idées, pose La Question de savoir dire le silence, jusqu’à ce que la porte d’où arrive l’inspiration laisse passer les nouveaux maux. Les nouvelles douleurs qui prouvent que nous existons nous rappellent une devise du Moyen Âge que les horlogers, en parlant des secondes, plaçaient au-dessus des pendules et autres cadrans: «Toutes blessent, la dernière tue!»

La porte construite à la fin du poème reste une issue certaine puisque on la retrouve au début de la dernière chanson, l’eternel recommencement qui joue ici la note optimiste, la graine d’espoir. La porte de sortie devient porte d’entrée… En guise d’illustration, une feuille jaunie par l’attente, brûlée aux encoignures, où uniquement les paroles sont présentes pour signifier qu’il n’y a nul besoin de toiles devant la force du Verbe!

2- «Ddin amcum»:

Par étourderie j’ai cru entendre le poète dire: «Lqum itaba3 ahalqum.» (le peuple suit la ripaille), comprendre qu’il met à l’index une peuplade de consommateurs. La prononciation du 3 guttural à souhait est un exercice inconnu dans notre région et si on l’enlève le sens s’altère!

Eh non, ce n’est pas ça. C’est peut- être les successions des envahisseurs que le poète décrit. Envahisseurs envahissants avec leurs idées, doctrines, langues et religions.

Il est intéressant de souligner la singularité des Berbères qui sont les seuls êtres humains à avoir adopté toutes les religions monothéistes.

Effectivement, nous sommes les seuls à n’avoir nié ni Moïse, ni Jésus ni Mohammed QSSL)!

Eh non, encore une fois l’aède se joue de notre crédulité, et certaines homonymies notoires ne peuvent nous tromper. Ce poème serait consacré aux différents crédits de consommations et autres Ansej ou Cnac. Il met l’accent sur ce qui régente le monde actuel… le FMI. Foin de Nietzche, Heidegger et autres noms à l’orthographe impossible et à la prononciation approximative…LOL!

C’est un texte très simple, le jeu de mots est à la portée de tous. Nous considérons même que Lounis y a fourni des clés de compréhension «presque» au premier degré. A propos d’homonymies dans le même texte, l’auteur utilise plusieurs synonymes (Berru, Tlaba…) permettant d’éviter toutes équivoques, or le choix tomba sur celui dont la sonorité produit le juron blasphématoire le plus répandu en Kabylie. Il est à signaler aussi l’existence de cette dette et sa reconnaissance jusqu’à la mort puisqu’il y est chanté: «J’ai vécu jusqu’au jour où j’ai payé ma dette» DderY alarmi sawda Y.

Une dette que nous tentons d’acquitter par l’écriture et la poésie, une façon de survivre. Sur une succession de siècles qu’il plait à l’auteur de résumer en une strophe… comme quoi la compressibilité du temps ne pose pas de problème en poésie. Ce texte est agrémenté par un portrait de l’artiste de face dans une pause théâtrale que l’art de la mise en scène recommande lorsqu’il faut clamer des vérités aussi assommantes soit-elles.

3- «Tamettut»:

Cette chanson est une fleur offerte à toutes les femmes, exactement comme préconisé vers la fin du poème. Elle vient à cinq jours près de la Fête des mères (le 25 mai). Un bouquet parfumé qui chante la fille, la soeur, l’épouse, la mère, la grand-mère et la femme en général même l’étrangère précise Lounis. Fait exceptionnel, la femme voilée qui fait parie du lot! Nous pensons au cas malheureux où il est imposé, bien sûr. Des tableaux successifs des différents rôles de la femme sont peints avec justesse et douceur, précisant à chaque fois que c’est le moment d’ouvrir les yeux (Nellid Allen NeY).

C’est le moment, le temps presse car il y a urgence à réparer des injustices ancestrales, avant l’impérieuse nuit. On y trouve aussi un choeur qui reprend le refrain en un hymne à chanter quasiment au garde-à-vous! Une solennité en accord avec la voix douce, caverneuse et chaude pour suggérer l’immensité du coeur du poète.

Les portraits de femmes qui ornent le texte sont aussi captivants les uns que les autres. On pourrait y entrevoir peut-être dans un clair obscur savamment étudié; la face de la dulcinée à l’origine de tant de chefs-d’oeuvre. L’un d’eux suggère une telle bonté qu’on dirait La Madone, l’archétype de la mère aimante. Qui sont ces femmes?

Dans la chanson nous trouvons les réponses: ce sont nos filles, nos soeurs, nos épouses, nos mères, nos grands-mères et des étrangères à qui nous devons offrir des fleurs et qui mieux que Hnifa pour dire tout ca?

Hnifa qui joua tous les rôles à la perfection. Cette femme torturée, rebelle, trahie fut tour à tour la fille, la femme, l’amante, l’épouse, la mère et décéda étrangère. Elle a vécu douloureusement et distribua sa douleur (tuntict) dans une oeuvre monumentale d’esthétique et de tendresse. Hnifa La femme kabyle!

4- «Agefur»:

Au début le poète s’adresse à une femme, une femme de toute évidence décédée. Cet être cher, perdu depuis longtemps (depuis au moins Ixf itsrun,/ tiftilin idamca3len…) se réfère peut-être à cette part de féminité latente en chacun de nous et qui nous fait aimer les fleurs allant jusqu’à fabriquer le printemps en janvier!

Cette déesse capable de freiner les années, une sorte de fontaine de jouvence où s’abreuvent nos espoirs que le poète promet d’acheter, s’il le faut, pour fabriquer le renouveau à la saison qu’il faut pour renaître. Dans ce texte au pessimisme étouffant, il y a comme d’habitude, la graine d’espoir.

Habitué au serpent Ouroboros, qui se mange la queue et malgré l’orgue cathédral final il ne faut y entendre qu’un vide visuel.

Le poète veut y croire. Il espère, seulement, l’image que reçoivent ses yeux ne l’encourage pas dans cette voie. «Urwalant wallen», les yeux ne sont pourtant pas l’unique canal pour percevoir la réalité. La doctrine de Parménide qui nous invite à nous méfier des évidences même quand elles sont suggérées par tous les sens est ici de mise puisqu’un seul d’entre eux est mis à contribution: la vue.

Le coeur quant à lui espère, supplie… cette porte de sortie qu’est la mort d’être aussi porte d’entrée?

L’illustration vient ajouter une touche de noirceur au tableau malgré quelques lueurs lointaines. Un ciel écrasant prend presque la totalité de l’image qu’il envahit comme fait la tourmente du coeur de l’homme. Le poète sachant créer le printemps en plein hiver sait voir au-delà des nuages. Chose promise, chose due. Lounis y reviendra dans une explosion nucléaire à la huitième et dernière chanson.

La déprimante cyclothymie de cette composition n’est en réalité qu’un appel à cueillir le jour (Carpe diem= Fares).

La dualité entre WalaY et ZriY, entre ce que nous voyons et ce que nous savons, y est bien rendue aussi que le possible espoir.

5-3awaz:

Avec son «istixbar», à l’ancienne, elle évoque un vieux titre: Tibratine. C’est de missives qu’il s’agit? De missiles, sommes nous tentés de dire, puisque tous les «camarades» et «amis» passent au crible.

Les pacifistes et les pacifiés, les pas si fiers, les embusqués, et les embauchés sont dépeints avec délectation. Parfois même on sent le comédien jubiler quand par exemple il traine le «a» de «Tafunaaast».

Ou sent aussi de l’agacement dans le prononcé de «macci d yiwet». Les nuits passées à cogiter ne donnent pas la clé du mystère de cette mésentente entre guides qui ont les mêmes rêves et rêvent pour nous. (Aken netwali itwalad).

La cinquième position de cette chanson évoque aussi d’autres couplets carrément intitulés «Tis Xemsa» la cinquième et qui parlait de trahison, Plus douloureuse lorsqu’elle vient des frères, comme Sidna Youcef Lounis trouve les loups plus cléments que ses amis! (El diabu arham min ixwati, du célèbre poète Mahmoud Darwiche)

L’impuissance superficielle du poète est jugulée par sa persévérance, ainsi il apparait tel le paysan arrachant les mauvaises herbes inlassablement. Débroussailleur d’une jungle en continuelle régénérescence.

Comme illustration, ce texte reçoit un paysage que je pense reconnaître: C’est la ligne de crête de mon village Bouadnane vue d’IYil Bwamas au crépuscule.

Derrière les collines le soleil se couche dans un incendie rouge et annonce la longue nuit à cogiter les anciennes brouilles, à débrouiller les nouvelles et surtout à débroussailler la mauvaise herbe.

6- «Ruh a Zman Ruh»

La voix douce et sobre, des notes de guitare à l’ancienne mode et quelques fausses notes, nous susurre un ami musicien, le tout bien évidemment pour voyager dans le passé. Cette chanson plait beaucoup aux nostalgiques de Lounis des années d’or. Chez qui elle évoque la montagne, le magnétophone grésillant mangeur de bobine de K7, les piles rondes (Timeqranin), la musette où ballote un oignon et un morceau de galette. Ah la galette de ma mère!

Une vraie Madeleine de Proust qui est aussi un travail artistique d’une grande facture. L’illustration qui oppose deux portraits de l’artiste à deux âges éloignés est faite pour contribuer à ce voyage dans le temps. La fameuse ride du lion et celle plus prononcée dite sillon naso-génien soutenant la parallèle avec une paupière en sommeil paradoxal, trop habituée à rêver la vie, et en face, un jeune homme serein préoccupé seulement de vivre son rêve.

Le texte est composé de trois étapes.

-La construction

-La joie

-Le savoir

«Lebni bwawal»

Nous renvoie à l’effort physique.C’est de la maçonnerie que de placer chaque mot, de coller chaque idée et de suivre la rime. C’était l’apprentissage ou plutôt une douloureuse initiation puisqu’il fallait beaucoup de courage et de sueur pour «travailler».

«Asmi Sefruyegh tghnigh»

renvoie à une époque plus joyeuse, plus belle. La jeunesse, le succès, les amours où toute la poésie était jalonnée de prénoms aux douces sonorités d’antan: Louiza, Kaissa, Djamila, Tassadit…

«Asmi sneY ad sefruY».

C’est maintenant! Elle correspond le mieux aux deux derniers albums qu’a la période dite «politique». Période entamée avec «tawriqt tacebhant (la page blanche) et qui, nous l’espérons, annonce l’aube d’une nouvelle façon de composer.

7- «WalaY»

D’apparence simpliste, elle contient pourtant toutes les contradictions de la nature et de l’homme à qui il peut arriver d’exprimer ses troubles par des signes extérieurs contraires à ses émotions! C’est une invite à ne pas juger en s’appuyant sur un seul sens et spécialement la vue, ce qui nous renvoie à la 4eme: «Agefur». Il faut chercher la vérité plus profondément pour comprendre en passant aux stades de l’écoute et du dialogue.

Des conversations s’y engagent, des questions et des réponses y sont données.

Le marchand de rêves qui n’arrive à écouler que la discorde commandée par le chaland nous renvoie aussi à la 5eme 3 «awaz».

La rencontre avec l’amour, avec la belle. Madame La Marquise, courtisée, admirée et si méprisante ne mérite pas une capitulation aussi rapide; Corneille, traité d’homme âgé, argua de son statut de poète et promit la postérité à la marquise tout en lui montrant la fugacité de son charme et du temps présent.

«…Je fus ce que vous êtes Vous serez ce que je suis…»

L’illustration comme le titre renforce cette idée du regard éloigné. Casquette en visière, le regard au loin, col roulé relevé et le Djurdjura en arrière-plan. L’élévation du point de vue est bien rendue, le gris qui envahit l’image nie le manichéisme simpliste que bombarde cette composition. En tout il y a la chose et son contraire jamais rien n’est tout à fait blanc ni tout à fait noir

8- «Isefra n Iden»

Avec la sagesse vient le printemps! La nécessité des quatre saisons, l’importance de chacune y compris l’hiver qui habille d’un burnous/linceul pour mieux irriguer le printemps.

Ici la porte de sortie devient porte d’entrée puisque le coeur revit et arrive à dominer la mélancolie par le pouvoir des poèmes (Lukan macci d Isefra), cette poésie capable de signer le 07 janvier, un jour triste à se pendre, une chanson dansante parlant de fleurs sur une musique entrainante, joyeuse, avec basse et bendir chaud impose le respect. C’est une sorte de bond temporel que seule la magnificence du Verbe permet!

C’est le texte de cette huitième qui sert d’illustration à l’album, pour son importance car elle rétablit aussi l’automne, le triste automne du drame, qui, en somme, ne fait que préparer la terre pour accueillir la somme de nos atomes dont nous sommes endettés depuis la naissance. Et puisque rien ne se perd, nous deviendrons nous-mêmes les créanciers d’une autre, que sais-je? Ansej? Cnac? Ou mieux encore, comme les sauriens que nous exportons, du pétrole pour nos arrière, arrière petits-enfants!

Elle s’adresse aussi aux «amis» de la cinquième pour dire que nous pouvons changer, qu’un autre regard s’impose.

Elle est aussi la fête digne du retour des mots qui se bousculent aux portillons des pages blanches pour les noircir.

Un parterre de fleurs orne cette page avec un penchant pour un jaune tant aimé qui suggère un printemps magnifique que seul un poète peut fabriquer puisque ceux que nous vivons sont désormais noirs!

Le Voyage dans le temps.

Quelques détracteurs, sans concertation, s’appuyant sur le même proverbe ancien, disent la même chose: Lounis serine les mêmes chansons.

«Hanoun, Zanoun, Qim kan nig lkanun»

C’est un vieux proverbe d’une simplicité enfantine, lancé à la face des fainéants, des maris gênants, ceux qui ne sortent guère, ceux qui rodent à la maison à la recherche de poux dans les têtes et ne font que mesurer le degré de salinité des sauces.

A première vue il ne s’agit que de ça!

A première vue seulement…

Hannon (-630, -530) fut le plus grand voyageur de son temps c’est le premier à franchir les colonnes d’Hercule et à explorer les côtes atlantiques d’Afrique.

Ce Carthaginois était le Neil Armstrong de son temps, un manuscrit retrouvé dans un temple dédié à Baâl relate ses aventures et son ennui car comme le dit Baudelaire «là-bas aussi nous nous ennuyâmes souvent».

Zénon (- 490, -430) a démontré l’impossibilité de tout mouvement et défie le Grand Achille de rattraper une petite tortue. Zénon est considéré comme l’inventeur de la dialectique, une méthode de raisonnement qui cherche à établir la vérité en défendant successivement des thèses opposées.

En démontrant logiquement l’impossibilité du mouvement, aller d’un point A à point B, parcourir une distance, Zénon ne voulait pas nier la réalité mais simplement soutenir toutes les thèses contraires à la raison, comme le voyage dans le temps malgré les paradoxes. Le vieux proverbe est ici une synthèse pour dire que finalement le plus long périple d’Hannon est semblable à «l’immobilisme» de Zénon.

N’est-ce pas enivrant de dépoussiérer un proverbe banal pour le «voir» d’un autre point de vue que Lounis Ait Menguelet à déjà résumé en chantant:

«A wi run awi dsan kifkif tikwal ma zegd uYilif lehlak icuba ar helu.»

(Que l’on pleure, ou que l’on rit / parfois quand le mal exagère / la maladie ressemble à la guérison). Sacré Ouroboros!