Un constat accablant. Le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, Frank La Rue, s’est livré dimanche 17 avril à Alger à une critique en règle du régime algérien. Au terme d’une visite en Algérie de 7 jours, du 10 au 15 avril, le rapporteur a livré ses premières conclusions. Accablantes.
Au cours de sept journées passées en Algérie, le rapporter de l’ONU a rencontré différents interlocuteurs. Il a eu des entretiens avec des membres du gouvernement, des journalistes, diné avec certains patrons de presse, rencontré des représentants de syndicats autonomes, des responsables de partis politiques.
Bref, le représentant de l’ONU aura eu le temps de se faire une idée plus ou moins précise de la situation qui prévaut aujourd’hui en Algérie. Son rapport doit être présenté devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en 2012.
L’usage de la force
« J’exhorte le gouvernement à ne plus faire usage de la force contre les manifestations pacifiques », affirme M. La Rue. Dans les conclusions préliminaires de sa mission d’évaluation, M. La Rue a indiqué avoir vu plusieurs manifestations pacifiques contenues par des dispositifs policiers « massifs ». « J’ai pu observer une marche des étudiants qui a été violemment dispersée par les forces de l’ordre », a-t-il dit.
L’état d’urgence
Selon M. La Rue, la levée de l’état d’urgence en février 2011, est un « signe positif ». « Mais, le cadre légal existant est toujours restrictif (et) viole le droit à la liberté d’opinion et d’expression ». « Il est important que la liberté de manifester pacifiquement soit complémentaire avec la liberté d’opinion et d’expression qui doit être garantie par l’Etat »
L’état d’urgence qui a été abrogé sur instruction du chef de l’Etat était en vigueur depuis février 1992. En dépit de l’abrogation de cette loi, les autorités algériennes continuent d’appliquer l’interdiction
Médias et publicité
« Elle ne doit pas être utilisée à des fins politiques par le pouvoir, c’est pour cela que j’ai proposé la création d’une instance indépendante chargée de réglementer le travail des médias audio-visuels », a précisé M. La Rue.
Les médias audio-visuels restent sous le monopole de l’Etat qui exclut pour l’instant de les ouvrir au privé.
Alors que l’Etat est le plus important annonceur dans le pays, M. La Rue a plaidé pour répartition « équitable » de la publicité par l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP, publique).
« Elle ne doit pas privilégier les journaux qui ont des positions favorables au gouvernement », a-t-il dit reprenant une critique récurrente de la presse indépendante.
Délit de presse
M. La Rue a également plaidé en faveur de la dépénalisation du délit de presse, annoncé vendredi par le président Abdelaziz Bouteflika. « C’est une intimidation à l’égard des journalistes qui les pousse à l’auto-censure », a-t-il dit au sujet des sanctions pénales et surtout des peines d’emprisonnement, prévues dans le code pénal.
Celui-ci a été amendé en mai 2001 pour y introduire deux articles, le 144 et le 144 bis, particulièrement répressif à l’égard des journalistes et des journaux.
Voila donc un premier rapport qui ne fera pas sourire les autorités algériennes.