Liassine Cadamuro Bentaïba : «Halilhodzic m’a dit qu’il voulait des guerriers en Gambie. J’ai reçu son message»

Liassine Cadamuro Bentaïba : «Halilhodzic m’a dit qu’il voulait des guerriers en Gambie. J’ai reçu son message»

Lorsque nous avons sollicité Liassine Cadamuro Bentaïba pour un entretien, le joueur nous avait donné rendez-vous entre les deux matchs, celui de Coupe du Roi face à Majorque et le déplacement à Valence.

La lourde défaite (6-1) en coupe a chamboulé tout notre programme. Par décence vis-à-vis de son club, le futur international algérien nous a demandé de repousser un peu la date pour après le match de Valence. A la suite de la victoire de Mestalla, Cadamuro était à l’aise. Tellement à l’aise qu’il est venu lui-même à notre hôtel pour répondre à nos questions. Mieux, on l’a trouvé à la réception en train de nous attendre. Après un petit tour à la belle plage de la Concha pour prendre des photos, nous sommes retournés au hall de l’hôtel pour réaliser l’interview. Durant notre balade, Cadamuro était très content d’accueillir un compatriote à San Sebastian, à tel point qu’il n’arrêtait pas de parler de l’Algérie et de l’Equipe nationale. Du match de la Gambie, à la chaleur du public algérien en passant par le match héroïque d’Oum Dorman, tout y était. Cadamuro parlait avec une telle passion qu’il semblait impatient d’y être. En Gambie, c’est certain, on aura besoin de joueurs comme lui, même si Cadamuro n’oubliait jamais de rappeler «si l’entraîneur me convoque» à chaque fois qu’il parlait de l’Equipe nationale. C’est clair, on avait devant nous un joueur très humble qui veut mériter sa sélection. Vous allez vous en rendre compte tout au long de cet entretien.

«Le sélectionneur sait que je peux jouer à tous les postes de la défense et il me l’a dit»

Lorsque votre collègue est venu, j’ai profité de l’occasion pour dire haut et fort que je voulais jouer pour l’Algérie. J’étais déjà content qu’un journaliste s’intéresse à moi, parce que cela voulait dire qu’on allait désormais me connaître en Algérie. Et c’est à partir de là que tout s’est déclenché, parce que beaucoup ne savaient pas que j’étais algérien aussi. Mais sincèrement, je ne m’attendais pas à ce que les choses aillent aussi vite. Je ne pensais pas que les gens allaient s’intéresser aussi vite à ma personne.

Finalement, 2012 débute bien pour vous…

(Il enchaîne sans nous laisser terminer la question) Effectivement. J’ai commencé l’année de la meilleure des façons, avec du temps de jeu. J’espère seulement que les choses continuent comme ça avec la Real et que le sélectionneur en prennne note.

Il n’y a pas que la Real. En 2012, vous avez désormais le passeport algérien. M. Raouraoua, le président de la fédération, vous a appelé, et M. Halilhodzic, le sélectionneur, est même venu vous superviser. C’est de bon augure tout ça, non ?

C’est de très bon augure oui, mais comme ils l’ont bien précisé, c’est à moi de mériter tout cet intérêt en jouant souvent, mais surtout en jouant bien. Je travaille tous les jours pour ça, pour être titulaire dans mon club parce que je sais qu’une éventuelle sélection passe par là.

Sincèrement, Liassine, pensez-vous être sélectionnable ?

C’est difficile de répondre à cette question, car il y a un sélectionneur qui sait mieux que moi qui est sélectionnable et qui ne l’est pas. Moi, je fais tout pour honorer ma première sélection et j’attends.

On dit que le président de la fédération sait trouver les mots qu’il faut pour convaincre les bi-nationaux à opter pour l’Algérie. Quels sont les mots qu’il a utilisés avec vous ?

Il m’a juste demandé de continuer à travailler dans mon club et les choses se passeront de la meilleure des façons.

Il vous a sans doute dit de ne pas rendre public le contenu de votre discussion …

(Il sourit) Non, pas du tout ! C’est ce qu’il m’a dit. Et puis, il savait déjà que je voulais jouer pour l’Algérie, il n’a donc pas eu beaucoup de mal à me convaincre. Il m’a demandé d’être performant, de jouer, après c’est au sélectionneur de voir si je pouvais être utile à mon pays.

Ne nous dites pas que le sélectionneur vous a tenu le même discours…

Exactement la même chose. Il m’a aussi félicité pour ma prestation qu’il a jugée bonne face à Osasuna. Vous savez, il n’y a pas eu un discours spécial dans mon cas. Tout le monde sait que pour mériter une sélection, je dois être performant en club et c’est ce à quoi je m’attelle à faire tous les jours.

Il vous a quand même dit qu’il avait besoin de vous comme arrière latéral…

Il ne me l’a pas dit comme ça. Il m’a dit qu’il aimait ma polyvalence en défense. Après, c’est à moi de m’adapter, sur les côtés ou au centre de la défense.

Si Halilhodzic a aimé votre prestation face à Osasuna, il a dû apprécier davantage votre match contre Valence…

(Visiblement gêné de parler de lui-même) Après notre lourde défaite à Majorque, on devait coûte que coûte réaliser un grand truc à Valence pour notre orgueil, pour la confiance, pour nos supporters aussi. C’est pour ces raisons qu’on a tous été bons face à Valence avec au bout une belle victoire qui nous fera beaucoup de bien.

Cette belle prestation est aussi un clin d’œil pour le sélectionneur, non ?

Je sais que les matchs de la Liga sont retransmis en Algérie. Dans un coin de ma tête, je me dis que je dois aussi me défoncer pour les Algériens qui me suivent, surtout pour le sélectionneur pour lui dire que je suis là. Savoir que le sélectionneur me suit est une source de motivation permanente.

Dites-nous Liassine, lorsque vous avez reçu votre passeport, qu’avez-vous ressenti ?

Il y a eu un mélange de fierté et d’émotion, surtout que ce jour-là, j’étais en compagnie de ma mère et d’un de mes oncles. Je me suis dit, voilà aujourd’hui, je peux prétendre légitimement à une sélection avec l’Algérie. C’était un moment fort, vraiment !

Tout à l’heure, vous étiez gêné qu’on vous demande si vous étiez sélectionnable ou pas. On va donc reformuler la question : pensez-vous être prêt à jouer en Gambie ?

Oui, je suis prêt à jouer ce match. Au risque de me répéter, la décision finale revient au sélectionneur.

On vous dit ça parce que ce n’est peut-être pas le meilleur match pour quelqu’un qui débute en sélection…

Pourquoi donc ?

Il y aura un match officiel sur un terrain hostile, dans des conditions difficiles avec une seule séance d’entraînement et un stage de trois jours…

Je suis conscient de tout cela, le coach m’en a fait part. Il m’a dit qu’il voulait des guerriers en Gambie. Je dois dire que j’ai reçu son message. S’il fait appel à moi, je jouerai moi-aussi comme un guerrier.

Avez-vous discuté avec des joueurs de l’Equipe nationale, histoire de préparer le terrain à une éventuelle convocation face à la Gambie ?

Je n’ai pas eu l’occasion de leur parler. Le seul avec qui j’ai plus ou moins bien discuté, c’est Hassen Yebda. C’est lui qui est venu vers moi pour me dire quelles étaient mes intentions avec la sélection. Lorsqu’il a su que j’étais partant pour la sélection algérienne, il m’a encouragé à le faire et m’a dit beaucoup de bien de la sélection.

Vous n’avez pas encore discuté avec Boudebouz ?

Eh bien non ! Mais cela ne m’empêche pas de suivre son parcours. Je suis très content de tout ce qu’il lui arrive. Lorsqu’on était au centre de formation à Sochaux, on savait tous qu’il allait faire du chemin. Je suis content aussi qu’il ait  gagné le Ballon d’Or.

Justement, vous étiez convié à assister au Ballon d’Or, mais ça ne s’est pas fait. Pourquoi ?

Ah ce jour-là ! Je ne l’oublierai pas de sitôt. J’ai sollicité le directeur sportif pour m’absenter une journée et il était d’accord. Je me lève à 5h du matin pour aller à Bilbao pour prendre le vol de Barcelone où je devais rallier Alger. J’arrive à 6h du matin à l’aéroport et là, on me dit que pour des problèmes techniques, l’avion en partance pour Barcelone allait accuser du retard. Il m’était impossible d’arriver à temps pour prendre le vol d’Alger. C’est vrai que ç’aurait été une chance extraordinaire de visiter Alger pour la première fois, de parler avec les joueurs. C’est le destin, mais j’étais très en colère de ne pas pouvoir faire ce voyage et assister à la fête du Ballon d’Or.

Que vous avez sans doute vu à la télé…

Et comment ! J’ai vu Cannavaro, j’ai apprécié les gestes techniques de Ryad avec les freestylers. Mais ce n’est que partie remise. L’année prochaine, je serai avec vous, inch’Allah.

Vous dites que vous n’avez pas parlé avec beaucoup de joueurs, il va falloir le faire surtout si vous serez sélectionné pour la Gambie…

Ah oui ! Si je suis sélectionné, la première chose que je ferai, c’est de prendre mon téléphone et de parler avec les joueurs. Je veux m’informer sur la sélection pour me préparer à y être, même si mentalement j’y suis déjà.

Dimanche dernier, vous avez joué contre Feghouli. Comment ça s’est passé entre Algériens ?

On est allés l’un vers l’autre avant le match pour se saluer. Sur le terrain, il était l’attaquant le plus dangereux de Valence, très actif, travailleur et techniquement fort. J’aurais aimé discuter avec lui en fin de match, mais avec la blessure et la défaite à domicile, ç’aurait été indécent de lui prendre un peu de son temps. On s’est quand même échangé nos maillots. J’espère le revoir bientôt en sélection.

Si on vous demandait de qualifier en un mot les trois autres joueurs algériens de la Liga, que diriez-vous ?

Techniques. Ce sont tous des techniciens. Yebda joue très simple, mais quelle sobriété, quelle élégance ! Lacen est un mélange de technique et de puissance. Feghouli sait tout faire. La technique, c’est la caractéristique du joueur algérien.

Ce serait dommage d’aller en Gambie en guerriers avec des joueurs aussi techniques, non ?

Vu les conditions du match, il faut des guerriers, mais il faut aussi marquer. Et pour marquer, il faut faire parler sa technique.

A 23 ans et quelques semaines après avoir signé votre contrat pro, vous jouez contre deux des meilleures équipes du monde : le Real et le Barça. Quelle est l’équipe la plus difficile à jouer ?

Il y a aussi Valence que je mettrais juste derrière le Real et le Barça, des équipes difficiles à jouer avec des styles complètement différents. Les joueurs de Barcelone essayent de te faire courir derrière le ballon pour te fatiguer. Pour eux, la conservation du ballon est essentielle. Ils prennent tout leur temps pour ensuite tenter des incursions balle au pied. Le jeu du Real est plus direct avec des passes rapides en profondeur. Dans tous les cas, les deux équipes sont difficiles à jouer. Je me considère comme un joueur chanceux pour avoir eu le privilège de jouer contre ces deux équipes. Contre le Barça surtout, car c’était mon premier match avec la Real Sociedad et ma famille était dans les tribunes.

Quand on entre sur le terrain et qu’il y a le Barça ou le Real en face, à quoi on pense ?

C’est vrai qu’il y a une montée d’adrénaline unique. Maintenant si on se laisse impressionner, on est morts. Il vaut mieux oublier tout ça une fois sur le terrain en se disant qu’après tout, ce n’est qu’un match de football, même si en face il y a les meilleurs joueurs du monde.

Messi ou Cristiano. Là, on vous demande de faire un choix !

Ce sont deux très grands joueurs avec des qualités différentes, mais moi qui aime la technique, j’ai un faible pour Messi.

Le fait d’être quatre joueurs algériens en Liga, n’est-ce pas valorisant pour le football algérien ?

Oui, on nous connaît davantage maintenant, car il n’y a pas si longtemps, il n’y avait que Lacen en Espagne. C’est valorisant pour notre football.

Depuis la première interview avec Le Buteur, avez-vous appris des mots en arabe ?

J’avoue que j’ai du mal à apprendre l’arabe, mais je fais de mon mieux. Je dois même prendre des cours. Peut-être qu’en sélection, j’apprendrai un peu plus.

Allez, dites-vous une phrase en arabe que vous aimez bien entendre pour clore cet entretien ?

(Il se marre vraiment) C’est une phrase que ma grand-mère me répète tout le temps, même à mon âge. Elle me dit souvent : «Aâtini boussa !»

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«Est-ce que je peux garder les drapeaux»

Lors de notre entretien avec Cadamuro, nous lui avons remis un drapeau algérien et un châle aux couleurs de l’Equipe nationale qu’il a enroulé fièrement autour de son cou pour se faire prendre en photo. A la fin de la séance, le joueur de la Real Sociedad nous demandera très gentiment : «Est-ce que je peux garder les drapeaux s’il vous plaît ?» «On vous fera cadeau d’un deuxième châle supplémentaire si vous voulez», lui a-t-on répondu. «Le drapeau, je l’emmènerai à Toulouse pour l’accrocher chez ma mère, et les deux autres, je les garderai ici à San Sébastien», a-t-il ajouté.

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Cadamuro aime les surprises

En marge de l’entretien qu’il nous a accordé hier, Le Buteur a offert un cadeau à Cadamuro. Un tableau bien emballé que l’intéressé n’a pas voulu toucher, avant de rentrer chez lui. «Je préfère laisser le tableau comme il est. Je le découvrirai à la maison, car j’aime bien les surprises», nous a-t-il dit. Pour notre part, nous ne souhaitons pas révéler à nos lecteurs le contenu de ce cadeau.

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Il connaît tout sur Bousmaïl

En nous rendant à la plage Concha pour prendre des photos, Cadamuro n’a pas manqué de faire le parallèle avec Bousmaïl, la ville natale de sa mère. «Concha, ça doit être comme Bousmaïl, n’est-ce pas ?», a-t-il fait remarqué. Bien qu’il ne l’ait pas encore visitée, Cadamuro sait beaucoup de choses de Bousmaïl, son ancien nom colonial, qu’elle abritait jadis le festival du rire annuel. Il nous semblait très fier de ses origines.

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Il n’a pas cessé de parler de l’Algérie

Avant de commencer l’entretien, Cadamuro n’a pas cessé de parler de l’Algérie, de l’Equipe nationale et de l’engouement qu’elle a suscité en 2010. Il avait tellement envie de tout connaître sur l’Algérie qu’il nous a bombardé de questions sur les Verts et son prochain déplacement en Gambie. Cadamuro ne cache pas son désir de rejoindre les Verts et de réaliser son rêve de défendre les couleurs de l’Algérie.

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Le défilé à Bab El Oued à l’issue de la qualification au Mondial l’a impressionné

A travers ses propos, Cadamuro semblait très impressionné par l’engouement populaire suscité par la qualification de l’Algérie en Coupe du monde 2010. Mais ce qui l’a impressionné particulièrement est la vidéo du défilé à Bab El Oued et la manière avec laquelle les joueurs ont été conduits de l’aéroport Houari-Boumediène jusqu’à la Présidence.

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Il connaît bien «One, two, three, viva l’Algérie»

Même s’il est loin de l’Algérie, Cadamuro est bien informé concernant l’actualité de l’Equipe nationale. Une photographe espagnole, qui était présente lors de notre entretien avec lui, nous a demandé de lui expliquer ce qui était écrit sur le châle qu’on lui a remis. C’est là que le joueur est intervenu pour le lui expliquer lui-même en précisant que «One, two, three, viva l’Algérie» est le fameux slogan de l’Equipe nationale cher à tous les Algériens.»

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Gentleman, ce Cadamuro

Constatant la présence de la photographe espagnole parmi nous, le joueur de la Real Sociedad a préféré s’adresser à nous en espagnol pour qu’elle puisse comprendre, un geste qui honore notre gentleman.