La pénurie de médicaments continue de noircir les pages de la presse nationale, mais surtout d’assombrir les lendemains déjà incertains de milliers de malades atteints de cancer.
Les médicaments acquis au prix fort sont détournés pour alimenter le marché noir.
Les pouvoirs publics ne semblent pas s’inquiéter de cette situation qui met en péril hommes, femmes et enfants, alors que les services des hôpitaux pourtant sont tenus de procurer le médicament au malade quelle que soit la situation, comme le précise une circulaire du ministère de la santé datant du début des années 2000.
La commission des marchés qui a siégé avant-hier n’a visiblement pas pris en considération les besoins réels des hôpitaux. «Nous n’avons jamais eu la quantité que nous demandons, c’est à se demander pourquoi», s’interroge un médecin.
Et de poursuivre : «nous sommes alimentés au compte-gouttes ; nous avons effectivement reçu des médicaments destinés aux cancéreux mais le stock ne dépassera pas les deux mois, c’est-à-dire qu’au mois de décembre, nous aurons une autre pénurie».
Mêmes explications chez un responsable de la pharmacie centrale des hôpitaux qui confirme les dires du médecin : «le ministère nous a informés que d’ici le mois de décembre, nous aurons un autre lot de médicaments, c’est-à-dire une avance sur le stock de 2011.
Mais nous allons buter sur une autre pénurie au mois de mars prochain». Pourtant, des milliers de cas attendent une place ou la disponibilité d’un traitement surtout que le cancer est une maladie lourde et le malade doit être pris en charge dans les plus brefs délais.
C’est ce qu’a tenu à expliquer le Dr M. C., spécialiste en oncologie : «déjà que le cancer est dépisté à un état avancé, alors si vous tardez encore pour l’attaquer, vous compliquez davantage le cas du malade».
Le manque de médicaments n’est pas le seul point noir de la santé publique algérienne, mais le déficit en moyens matériels est aussi très ressenti par les patients.
Pour une séance de radiothérapie, il faut attendre jusqu’à janvier 2011 ! «Oui, monsieur, mon fils a eu son rendez-vous pour la mi-janvier 2011, et je vous signale qu’à Constantine, les listes sont pleines et le rendez-vous le plus proche dépasse le premier mois de l’année prochaine», nous a fait savoir la mère d’un enfant malade.
Il faut savoir que 123 milliards de centimes sont déboursés pour l’achat de médicaments annuellement rien que pour le centre Pierre et Marie Curie d’Alger, ce qui représente environ 10 milliards par mois,
chiffre révélé par un cadre du ministère de la santé. Ce montant destiné à la prise en charge médicamenteuse des cancéreux est débloqué à 100% du trésor public. Un chiffre énorme selon un responsable de l’hôpital Mustapha, mais qui ne satisfait pas les malades parce que des détournements sont constatés.
Quand l’hôpital alimente le marché noir !
«Des infirmiers et des médecins subtilisent les doses de Methotrexat normalement destinés aux malades subissant une chimiothérapie. Ils partagent une seule dose entre deux malades, l’autre dose est revendue au marché noir. Le prix du flacon de Methotrexat est de plus de 10 000 DA»,
fait constater un responsable qui a requis l’anonymat. «Le malade ne connaît pas ses droits et puis, même si c’est le cas, dans l’état dans lequel il se trouve, il ne peut pas réagir à de telles pratiques», ajoute-t-il. C’est ce qui encourage des infirmiers et autres agents à profiter de la situation, sans omettre de citer l’absence de contrôle et de suivi au niveau des services.
A cela s’ajoute le manque de vigilance du citoyen qui doit savoir que le médicament susmentionné est destiné aux hôpitaux et ne peut en aucun cas se vendre en pharmacie.
«Le citoyen a sa part de responsabilité, il adhère à la logique mercantile et malsaine de ces gens qui n’ont rien d’humain», commente-t-il encore.
Contactée par nos soins, la présidente de l’association de lutte contre le cancer «Nour Doha», Mme Gasmi, nous a donné son point de vue sur cette situation.
«Nous recevons des milliers de malades qui viennent nous voir à cause de ce manque de médicaments que nous attribuons à la mauvaise gestion des responsable. Le pire, c’est la mauvaise programmation des séances de radiothérapie. C’est une catastrophe !»
Il faut ajouter que les services d’oncologie au niveau des hôpitaux n’arrivent pas à faire face à la forte demande. En dépit de cette situation, les pouvoirs publics n’ont pas encore autorisé les cliniques privées à traiter les cancers, pénalisant ainsi les milliers de malades existants et les milliers d’autres nouveaux cas qui surviennent chaque année.
Par Elias Melbouci