Le Temps d’Algérie : 14 partis politiques algériens estiment que l’amélioration des relations algéro-françaises passe obligatoirement par la reconnaissance des crimes coloniaux. Que pensez-vous ? | Mohamed Corso : Oui, je pense que c’est quelque chose de positif que des partis politiques s’expriment en ce sens. Je regrette que cette démarche ne soit pas dénouée de toute pensée partisane. Je me pose la question : pourquoi ne se sont-ils pas exprimés avant avec autant de force et de vigueur ?Les relations bilatérales sont-elles autant définies par des questions mémorielles ?
Oui, la question reste un élément fondateur de l’Etat algérien. La Révolution algérienne fait partie intégrante de l’Algérie de maintenant.
L’Algérie devrait-elle formuler une demande de reconnaissance des crimes coloniaux à la France ?
Tout à fait. C’est son devoir. Cela permettrait d’éclaircir les relations entre les deux pays et de se regarder les yeux dans les yeux. Cela pousserait également la France à ne plus nous regarder comme étant des indigènes ou une colonie bananière.
Vous êtes donc partisan du «devoir de mémoire», un principe qui divise…
Libre à ceux qui ne le sont pas de penser le contraire. Mais à me lire et m’entendre, je suis clairement un partisan du devoir de mémoire.
On attend de M. Hollande un geste fort en ce sens, lui qui a reconnu la responsabilité de l’Etat français dans les massacres du 17 octobre 1961. A-t-il intérêt à le faire ?
Il se trouve devant un examen de conscience, un examen d’histoire très important, aussi bien pour lui en tant que président de la république mais aussi pur la France en tant que l’une des puissances de l’Europe mais l’une des puissances coloniales également.
Pourquoi la France qui se revendique pays des droits de l’homme a-t-elle autant de mal à reconnaître ses crimes et encore plus de mal à condamner le fait colonial ?
Non seulement la France n’a pas condamné mais elle a fait le contraire avec l’adoption de la loi du 23 février 2005 sous Chirac portant sur le rôle positif de la colonisation ou encore avec le discours de Sarkozy au Sénégal. Le néocolonialisme est toujours présent et continue d’exister.
Si une reconnaissance et une condamnation de ces faits historiques tardent à venir, nous devrions nous poser la question : qu’avons-nous fait pour ? D’un autre côté, il faut reconnaître le fort poids des différents lobbies qui sont une force considérable pendant les élections présidentielles.
Il faut rappeler qu’aussi bien Giscard d’Estaing que François Mitterrand surtout, ont remporté les élections notamment grâce aux voix de la droite revancharde, de l’OAS, des harkis, des nostalgiques de «l’Algérie française». Ces derniers usent de tous leurs pouvoirs pour peser sur la vie politique en France. Il n’y qu’à voir les différentes réactions à la veille de la visite de M. Hollande.
Des nostalgiques de «l’Algérie française» existent-ils en Algérie aussi ?
Comme ça physiquement je n’en vois pas, mais sur le plan culturel, la France est présente ne serait-ce qu’à travers les questions que vous me posez et les réponses que je vous donne.
S’exprimer en français fait-il de nous des nostalgiques de l’Algérie française ?
Je dis seulement que la langue française est toujours là malheureusement. C’est un des méfaits du colonialisme. Loin d’être un méfait tragique bien entendu. Mais la France continue d’être pour beaucoup d’Algérien un point de repère.
La France tente-elle de les préserver ?
C’est de bonne guerre. La France fait tout pour avoir quelques indignes représentants en Algérie d’autant que le bakchich, la tchipa et la corruption sont présents. Les français comme tous ceux qui ont intérêt à avoir des marchés en Algérie n’hésitent pas à mettre la main dans la poche pour dévoyer des responsables algériens afin de préserver leurs intérêts, notamment ceux d’ordre économiques.
Mehdia Belkadi