Le phénomène d’expulsion des familles prend des proportions alarmantes en Algérie. Il est appelé à devenir un fléau social si les pouvoirs publics ne réagissent pas afin de mettre fin au traitement abusif et inhumain des citoyens.
Des familles entières, dont des écoliers, des femmes et même des bébés, sont aujourd’hui jetées à la rue. Au total, il a été recensé
647 familles expulsées sur le territoire national depuis le mois de juillet 2009, date de la création du comité SOS expulsions.
Une conférence de presse a été organisée hier au siège de la ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme.
La rencontre a été animée par le porte-parole du comité, Hakim Salmi, et maître Chamma, en présence de quelques représentants de familles expulsées.
Les conférenciers ont interpellé les pouvoirs publics sur ce phénomène qui porte atteinte à la dignité des citoyens et qui détruit des familles entières. Les conférenciers dénoncent ainsi toutes les expulsions abusives de certaines familles algériennes et font appel au président de la République pour geler toutes les décisions d’expulsion.
Ce qu’ils trouvent particulièrement écœurant, c’est que les familles en détresse ne trouvent pas la moindre oreille attentive. «Personne ne répond aux doléances des citoyens», regrettent-ils,
avant d’interpeller le chef de l’Etat pour intervenir dans ce dossier car, expliquent-ils, «c’est la mafia de l’immobilier qui est derrière ce phénomène. Certaines personnes détiennent plusieurs logements, alors que d’autres n’ont même pas un toit pour leurs enfants».
Certains vivent dans de petites loges insalubres ou alors dans des baraques dépourvues de toutes commodités. Les écoliers sont les premiers à payer le prix, ayant dû renoncer à leurs études ;
de vieux retraités qui ont longtemps servi leur pays sont réduits à la situation de SDF. En vérité, le chiffre de 647 dossiers déposés au niveau du comité «ne reflète pas la réalité, le nombre doit être plus important, puisqu’il existe certainement des centaines d’autres familles qui ignorent l’existence de ce comité», a précisé le porte-parole, précisant que «seuls deux cas ont été régularisés».
Ce dernier a évoqué les 350 familles expulsées récemment de la cité Roumanie, dans la wilaya de Constantine, qui viennent ainsi se greffer à la liste déjà effrayante de familles livrées aux aléas de la rue.
Ces familles ont été exclues d’une opération de relogement effectuée le 11 avril par la wilaya, et ce, en dépit des actes de propriété en leur possession. Il ne s’agit pas là d’une opération de démolition des habitats précaires ou des bidonvilles. Il est question d’un projet de destruction d’immeubles afin de récupérer une parcelle de terrain pour cause d’utilité publique. Les familles ne sont ni indemnisées ni relogées dans une autre cité.
Un juge d’exécution est indispensable
De son côté, maître Chamma a tout d’abord tenu à interpeller les autorités sur le mécanisme d’expulsion, et surtout sur le non-respect des délais qui sont de six mois accordés par le juge en cas de prononciation d’expulsion. «90% des délais ne sont pas respectés et les familles sont souvent expulsées au bout d’une vingtaine de jours.» Il recommande ainsi à ce que le mécanisme soit revu, et qu’un juge d’exécution des décisions soit mis en place dans le secteur de la justice.
«Ce dernier pourrait aller au fond du conflit», ajoute-t-il. Il demande également à ce que les lois régissant le secteur soient modifiées et révisées, car «elles ne sont pas convaincantes et ne protègent en aucun cas le citoyen». L’avocat maître Chamma a même saisi les parlementaires sur cette question.
Le conférencier a évoqué les statistiques communiquées officiellement. «Il s’agit de chiffres erronés qui ne reflètent en aucun cas la réalité», a-t-il indiqué, ajoutant que «les imperfections dans le secteur de la justice se sont aggravées». Il a également évoqué le fait que les magistrats sont formés dans des domaines différents de ceux qu’ils traitent, et ont donc du mal parfois à trancher une affaire d’expulsion.
Des familles dans le désarroi
Les familles victimes d’expulsion, présentes à la rencontre, ont raconté chacune son cas. Des situations pour le moins dramatiques vécues par certaines ont été évoquées. C’est le cas de 17 familles qui se trouvent actuellement à la rue après avoir été expulsées des habitations qu’elles occupaient à l’intérieur de l’ex-centre de rééducation pour mineurs, à Birkhadem.
Le représentant de ces familles explique que certains foyers ont habité les lieux depuis 1965 et d’autres depuis le début des années 1970. Le secrétariat d’Etat à la Communauté nationale à l’étranger, qui a hérité de cette structure, ne veut pas écouter les doléances de ces familles.
Cinq autres ménages occupant des logements de fonction au sein de l’Ecole nationale des douanes à Koléa sont menacés d’expulsion. il s’agit d’officiers des douanes logés par la Direction générale des douanes en 1986.
En 1987, l’école a été reconvertie en institut national des finances. Au mois de septembre et la veille du jour de l’Aïd, les cinq familles en question ont reçu un huissier de justice les invitant à se présenter au tribunal de Blida pour motif de devoir quitter les lieux. L’affaire est en justice et ces familles risquent de se retrouver à la rue.
Par Nassima Bensalem