Dinar en difficulté : l’euro et le dollar s’envolent sur le marché parallèle. Les spécialistes expliquent un phénomène devenu central dans l’actualité économique.
L’euro continue de bousculer les équilibres monétaires en Algérie. Après avoir frôlé les 290 dinars début décembre, la devise européenne reste à des niveaux exceptionnellement élevés sur le marché parallèle, alimentant inquiétudes, analyses et spéculations. Ce mercredi 10 décembre 2025, l’euro s’échangeait encore à 278 dinars à l’achat et 280 dinars à la vente, des valeurs qui restent historiquement hautes malgré un léger repli. Le dollar, lui, oscillait entre 238 et 242 dinars.
| Devises | Officiel / achat | Officiel / vente | Marché noir / achat | Marché noir / vente |
|---|---|---|---|---|
| Euro (€) | 151.38 | 151.42 | 278.00 | 282.00 |
| Dollar US ($) | 129.98 | 129.99 | 238.00 | 242.00 |
| Livre Sterling (₤) | 173.15 | 173.22 | 309.00 | 314.00 |
| Dollar CAN ($C) | 93.81 | 93.84 | 169.00 | 172.00 |
| Dirham Émirati (AED) | 35.38 | 35.44 | 64.00 | 66.00 |
Pour de nombreux économistes, cette flambée est le résultat d’un mélange explosif : une demande qui grimpe à toute vitesse et une offre trop faible pour suivre. L’écart avec le cours officiel dépasse désormais les 100 %, selon le Pr Brahim Guendouzi, professeur d’économie à l’Université de Tizi-Ouzou, qui parle d’un phénomène devenu « la principale actualité économique du moment ».
Un dinar sous pression : les causes profondes
Les spécialistes s’accordent sur un constat : le déséquilibre est structurel.
Pour Sofiane Mazari, expert financier et directeur de la division finance islamique au CPA, la hausse découle aussi d’une perception persistante d’un dinar vulnérable, ce qui encourage la spéculation.
Il rappelle que l’accès aux devises à travers les banques reste limité. Beaucoup de citoyens et d’opérateurs économiques se tournent donc vers le marché informel pour contourner les restrictions, malgré le règlement strict de la Banque d’Algérie qui plafonne l’exportation de devises à 7 500 euros par an et par personne.
Ce manque d’accès entretient un cercle qui se referme toujours sur le même résultat : plus de pression sur le dinar et plus d’espace pour le marché noir.
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Une demande qui explose et des besoins diversifiés
Le Pr Guendouzi explique que plusieurs groupes tirent cette demande vers le haut.
1. Les commerçants et importateurs
Ils utilisent le marché parallèle pour financer certaines opérations :
- achats de marchandises dans le commerce informel (cabas),
- importation de véhicules neufs, notamment depuis la Chine,
- approvisionnement en pièces détachées et services.
2. Les PME
Beaucoup financent leurs approvisionnements ou paiements techniques en dehors des circuits bancaires.
3. Les ménages
Une tendance forte se confirme :
- transferts pour études supérieures à l’étranger,
- préférence croissante pour l’épargne en devises.
« C’est la demande qui s’est emballée alors que l’offre ne suit plus », résume le Pr Guendouzi.
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Stabilisation en vue ? Les experts restent prudents
Malgré la flambée, plusieurs économistes jugent la hausse conjoncturelle. Le Pr Guendouzi estime que le marché parallèle finira par retrouver son équilibre naturel : « l’offre finit toujours par s’ajuster ». Mais il rappelle aussi la difficulté d’agir sur un marché informel qui fonctionne selon des règles propres, tacites et très éloignées des mécanismes institutionnels.
Face à cette situation, certains experts suggèrent de repenser en profondeur la politique de change.
Pour les enseignants-chercheurs Ziad M’hamed et Moutassem Dahou, il faut :
introduire davantage de flexibilité entre le dinar, l’euro et le dollar ;
- libéraliser progressivement certains mouvements de capitaux ;
- baser le taux de change sur des modèles quantitatifs et des indicateurs économiques solides ;
- réduire le recours aux décisions strictement administratives.
Selon eux, ce nouveau cadre permettrait de réduire l’écart entre les deux marchés et de contenir durablement les tensions sur le dinar.
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