Leur seconde marche sur Alger a été encore une fois empêchée,Les gardes communaux n’abdiquent pas

Leur seconde marche sur Alger a été encore une fois empêchée,Les gardes communaux n’abdiquent pas

Le sort réservé à leur marche sur Alger, ce jeudi, n’est pas de nature à entamer la détermination des gardes communaux pour qui le mot «marche arrière» n’existe pas dans leur glossaire.

Ils avertissent quant à la vanité de toute guerre d’usure, mettant en avant le fait qu’ils n’ont «absolument rien à perdre», eux qui ont perdu ce qu’ils ont de plus cher, leur dignité qu’ils tentent justement de recouvrer via ce mouvement.



Pour la seconde fois en dix jours, les gardes communaux ont été empêchés de rejoindre la capitale. Et si elle n’a pas été émaillée d’incidents à l’inverse de la toute première, cette seconde tentative a été caractérisée par le fait que les marcheurs n’ont pu franchir le territoire de la wilaya d’Alger, tenus en respect qu’ils étaient à hauteur de Boufarik. En effet, les gardes communaux qui ont entamé, par milliers, leur périple à 6h de la matinée de jeudi, à partir du siège de la délégation de wilaya de Bilda face à laquelle ils étaient en sit-in permanent depuis le 26 juin dernier, ont juste eu le temps de «s’échauffer» puisque au bout d’un parcours de près d’une dizaine de kilomètres, ils ont dû s’arrêter. C’était vers les coups de 11h, à hauteur de la base aérienne de Boufarik, quand ils feront face à un impressionnant cordon sécuritaire déployé sur les lieux. Une véritable muraille érigée par des éléments de la Gendarmerie nationale, fortement outillés et visiblement décidés à en découdre et mettre ainsi à exécution l’ordre implacable : ne pas laisser les gardes communaux poursuivre leur chemin. Et à la vue de ce cordon vert, Aliouat Lahlou, un des coordinateurs nationaux des gardes communaux, eut sur-le-champ cette réflexion : «Ils croient que nous allons en découdre avec eux, façon subtile de vérifier le caractère pacifique de notre mouvement. Qu’ils se détrompent», nous lâchera-t-il, avant d’inviter ses pairs à faire preuve davantage de maîtrise de leurs nerfs et ne pas répondre aux provocations. Ce qui fut exécuté aussitôt puisque les gardes communaux qui avançaient en file indienne le long de la bande de l’arrêt d’urgence de l’autoroute Blida-Alger, sans gêner outre mesure la circulation automobile, se sont immobilisés. Et au bout d’assez long palabres avec un officier de la Gendarmerie nationale, les gardes communaux et au vu de l’impossibilité pour eux de continuer leur marche au risque de provoquer des affrontements, décidèrent de camper sur les lieux. Et ce qui semble être une ferme, juste en face de la base aérienne, était tout indiqué pour eux pour y installer leurs «quartiers». Et c’est ainsi qu’en un temps record, d’innombrables huttes et des tentes ont vu le jour, conférant aux lieux des allures d’un camp indien. De petits abris de fortune où les milliers de gardes communaux ont élu «domicile » par groupes de cinq à six. «Nous marquons une halte devenue inévitable pour éviter tout dérapage que l’on nous collera après, déjà qu’ils ont bloqué la circulation dans les deux sens dans le but évident de remonter les usagers de l’autoroute contre nous», soutiendra Aliouat. «Nous ne voulons pas entendre parler de perte humaine d’un côté comme de l’autre. On campe sous des tentes et il est fort probable qu’on passe le Ramadan dans ce lieu en cas de persistance du blackout », affirmera Hakim Chouaïb, un autre coordinateur national de la garde communale. Et les gardes communaux ont dû se résigner, en toute fin de journée, à passer leur première nuit sur les lieux, eux qui ont décliné «l’offre» faite par un officier de la gendarmerie de partir par groupes de quatre ou dix. «Ce que nous avons refusé car déterminés à rester à Boufarik, dans l’attente de rejoindre tôt ou tard Alger», affirmera Aliouat. Hier encore, au premier jour du Ramadan, le «camp» respirait sérénité et calme. Les gardes communaux n’étaient pas en aussi grand nombre comme la veille, certains ont dû rendre visite aux leurs au premier jour de ce mois de piété. «Nous ne sommes quand même pas loin de 10 000 à demeurer sur les lieux dans l’attente que d’autres collègues nous rejoignent», dira Hakim Chouaïb qui nous a reçus dans sa hutte qui lui sert de «bureau» en compagnie de ses autres collègues coordinateurs et agents. Et à notre interlocuteur de nous prendre de vitesse en faisant remarquer de prime abord que les gendarmes sont loin d’avoir décampé. «Ils sont toujours stationnés dans les alentours et prêts à intervenir au moindre de nos mouvements», soutiendra- t-il. Et de justifier cette journée de répit observée par la fatigue de la veille et surtout l’effet du premier jour de Ramadan. Aussi il relèvera le fait que nombre de ses collègues ont dû rejoindre les leurs pour une visite avant de revenir prochainement. Pour cet ancien gendarme de 46 ans qui s’est engagé dans le corps de la garde communale en 1995 dans la wilaya de Blida, «toutes les nouvelles promesses quant à la prise en charge de notre retraite sont humiliantes à l’encontre de ceux qui ont passé leur vie au maquis pour la sécurité du pays». Et de poursuivre : «Notre combat est celui de la dignité car nous voulons un statut digne de ce nom et surtout l’implication officielle du président de la République.» Une exigence qui fera presque sourire un agent de la wilaya de Médéa pour qui cette revendication n’a aucune chance d’aboutir en ce sens, osera-t-il, «le président n’est pas libre de ses mouvements et a les mains et les pieds liés». Et de s’interroger sur le silence de la classe politique et des autres entités associatives, notamment celles émargeant au chapitre des droits de l’homme, osant une autre fois un autre constat : «Tous les partis, exception faite peut-être du RCD, sont à la solde du pouvoir, même le FFS a fini par rentrer dans les rangs.» Un autre agent de la wilaya de Tipasa mettra le doigt sur l’arrière-pensée politique de leur sort. «Comment voulez-vous que nous nous taisions quand nos ennemis d’hier nous narguent. Eux qui se sont vu offrir des déclarations d’induction en erreur, que nous propose-t-on, nous ?», s’indignera-t-il, relevant, dans ce sillage «qu’une veuve d’un garde communal tombé au champ d’honneur touche presque quatre fois moins que celle d’un terroriste tué». Ce qui constitue, entre autres, les facettes cachées de la réconciliation nationale qui a consacré, dira notre interlocuteur, «cette inversion des rôles».

Le président de la République interpellé

L’Internationale des services publics (ISP) a réagi à l’interdiction de la marche des gardes communaux du 9 juillet dernier avec tout ce qui l’a entourée comme dépassement avec la mort d’un manifestant. «Une fois de plus, l’ISP appelle le gouvernement algérien à prendre les mesures nécessaires au bon respect des droits fondamentaux au travail, y compris les droits syndicaux et les libertés civiles. Nous l’appelons aussi à entamer les négociations sociales avec les gardes communaux», lit-on dans la lettre envoyée ce jeudi à Abdelaziz Bouteflika. L’organisation revient sur la manifestation du 9 juillet dernier, rappelant «la violente répression policière» contre les gardes communaux, la mort de Lasfer Saïd, les blessés et les arrestations. «Les policiers leur ont confisqué les certificats médicaux prouvant qu’ils ont subi des sévices corporels», pouvons- nous lire encore dans cette missive qui fait mention des «personnes arrêtées et convoquées pour comparaître devant le tribunal le 24 du mois courant». «Elles sont accusées d’avoir bloqué les voies publiques. Parmi les manifestants détenus, quatre sont portés disparus et leurs familles s’inquiètent de leur sort», ajoute encore l’ISP.

M. K.