« L’intégration ou la mort », tel est le slogan scandé par les enseignants contractuels, qui étaient hier au deuxième jour de leur grève de la faim.
Les enseignants contractuels campent toujours devant le lycée Mohamed-Gouigah, à Boudouaou, et ce jusqu’à ce que leur soit proposé du concret. Un imposant dispositif de sécurité a été mis en place pour les empêcher d’avancer vers Alger.
« L’intégration sans condition dans la fonction publique et sans avoir à passer le concours national de recrutement » demeure la principale revendication de cette catégorie de travailleurs. « Nous resterons ici, à Boudouaou, jusqu’à l’intervention du président de la République. Nous n’avons rien à perdre. Ce sera l’intégration ou la mort », nous a déclaré Bachir Saidi, coordinateur national des enseignants contractuels.
« Nous sommes là pour exiger l’intégration et le respect de la dignité des enseignants ». Sous la pluie, les enseignants, assis à même le sol, dans un état lamentable et déshonorant, tiennent toujours le coup et sont déterminés à atteindre leur objectif. « Ni la fatigue ni le mauvais temps ne fléchira votre volonté. Vous êtes ici pour vous battre pour votre dignité », a lancé Bachir Saidi en direction des enseignants afin de les encourager et de leur remonter le moral. Après avoir passé une nuit à la belle étoile, le froid glacial de ce mois d’avril a davantage affaibli leurs corps déjà abattus par leur grève de la faim. Déterminés à aller jusqu’au bout, ces courageux enseignants affirment que « rien ne va les arrêter pour arracher leur droit ». « Nous nous adressons au Premier ministre et au président de la République, auxquels nous demandons de nous rétablir dans nos droits en tant que citoyens algériens », nous a souligné Bachir Saidi. « On veut juste travailler. On veut garder nos postes de travail et que les années que nous avons accomplies ne soient pas gâchées », a-t-il déclaré. Notre interlocuteur regrette le fait que les pouvoirs publics les aient empêchés de continuer leur marche. Notre mouvement était et reste pacifique. De quoi ont peur les pouvoirs publics ? », s’interroge Bachir Saidi. A l’heure où nous mettons sous presse, le mouvement de protestation s’élargit un peu plus au niveau national. Face à la position de la ministre de l’Education nationale, il se voit renforcé par d’autres actions. Les enseignants contractuels et vacataires de la wilaya de Tizi Ouzou ont en effet entamé hier une grève générale illimitée. Evoquant les enseignants contractuels qui n’ont pu rejoindre le mouvement, Bachir Saidi a salué leur courage et a fait savoir que ces derniers campent devant les différentes directions de l’éducation au niveau national. Pour sa part, Idir Achour, porte-parole du Conseil des lycées d’Algérie (CLA), se désole de la situation dans laquelle se retrouvent les enseignants contractuels. « C’est honteux ! », s’exclame ce syndicaliste l’air très fatigué. « Au-delà de notre revendication première qu’est l’intégration, nous luttons pour un statut moral de l’enseignant, qui doit être respecté en tant qu’éducateur des générations à venir », a-t-il affirmé.
Les parents d’élèves se solidarisent avec les contractuels
L’Organisation nationale des parents d’élèves demande l’intervention du président de la République et du Premier ministre pour l’intégration directe des enseignants contractuels. Dans un communiqué rendu public hier, cette organisation a apporté son soutien aux préoccupations des enseignants contractuels, qu’elle qualifie de « légitimes ». « Nous avons reçu plusieurs rapports de nos représentants de différentes wilayas du pays qui confirment que les enseignants contractuels n’ont pas rejoint leurs postes de travail respectifs alors que nous sommes au troisième jour de la rentrée des classes du troisième trimestre », lit-on dans le même document.
« L’Organisation des parents d’élèves a attendu 10 jours pour que la ministre de l’Education nationale trouve un terrain d’entente concernant les préoccupations de cette catégorie de travailleurs, mais malheureusement, c’est toujours le statu quo », a déploré la même source. Cette organisation a également interpellé les pouvoirs publics pour qu’ils interviennent et trouvent une solution à leurs préoccupations, le troisième trimestre de l’année scolaire étant déjà entamé.
Des syndicats leur tendent la main
Au moment où les contractuels se battent pour leur intégration, des syndicats leur ont exprimé leur solidarité. Les représentants du Cnapeste à Bouira, Boumerdès et Béjaïa dénoncent « l’attitude des pouvoirs publics envers les enseignants contractuels à Boudouaou ». « Des conférences régionales sont en train de se tenir pour répondre à l’attitude musclée des pouvoirs publics qui ont encerclé nos camarades avec des forces anti-émeute. Nous allons aussi mener des mouvements de protestation à travers le territoire national en soutien aux contractuels », nous a déclaré un représentant du Cnapeste de la wilaya de Bouira. De son côté, le Syndicat national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (Snapest) a déploré le fait qu’ »au lieu de procéder au règlement définitif de la situation des enseignants contractuels, la tutelle a instruit les directeurs de l’éducation à préparer une nouvelle liste d’enseignants qui devront remplacer ceux qui sont en grève de la faim ». Ce syndicat dénonce avec force cette procédure qui pourrait, selon la même source, conduire le secteur vers le pourrissement. Pour preuve, a-t-il dit, « les enseignants veulent entreprendre des rassemblements de protestation et des grèves ouvertes en signe de solidarité avec les contractuels ». Dans un communiqué rendu public, le Snapest apporte son soutien aux enseignants contractuels et met en garde les responsables concernés par cette situation, qui risque de conduire le secteur vers le pourrissement. Il les a appelés « à ne pas verser de l’huile sur le feu en optant pour des procédures qui pourraient influer négativement sur les examens du troisième trimestre ». Cette entité syndicale a donc appelé le ministère de tutelle et les pouvoirs publics à procéder à l’intégration directe de cette catégorie de travailleurs.
Une commission mixte pour la prise en charge de leurs revendications
Une commission mixte a été installée lundi soir au ministère de l’Education nationale pour prendre en charge les préoccupations des enseignants contractuels protestataires, notamment la régularisation des salaires et de certaines primes.
« La ministre a reçu pour la deuxième fois, et pendant plus de trois heures, les représentants des enseignants contractuels. Elle a décidé de l’installation d’une commission mixte (conformément à ses engagements) pour régler, entre autres, les retards de paiement de salaires et de certaines primes », a déclaré à l’APS le secrétaire général du ministère, Abdelhakim Belabed, au terme de la réunion.
Concernant la principale exigence des enseignants contractuels, à savoir l’intégration sans condition, Mme Nouria Benghebrit a rappelé l’impossibilité du recrutement direct, mettant toutefois en exergue, le nombre d’années d’expérience qui leur servira de bonification. Elle a indiqué, à ce propos, que la décision de valorisation de l’expérience professionnelle des enseignants contractuels par « bonification des points » était un « énorme effort » consenti par la fonction publique.