L’Etat ne semble pas prêt de faire la guerre au commerce informel en Algérie tant il peine à moderniser l’économie algérienne.
Le ministre de l’Intérieur Daho Ould Kablia, qui avait notamment insisté sur la sécurité des personnes et des biens, a opéré, au lendemain des dernières émeutes survenues en Algérie, une volte-face troublante en déclarant que l’Etat n’a jamais dit qu’il allait faire la chasse aux vendeurs à la sauvette, qui n’ont d’autres ressources pour se nourrir que le commerce informel.
Des milliers de jeunes squatteront la rue aussitôt, assimilant la déclaration de Ould Kablia à un quitus, y compris pour commettre des abus en tous genres. Indubitablement, l’impertinence du discours officiel a mis l’Algérie dans une situation d’anarchie chronique.
D’autant que par son incapacité à proposer des solutions pérennes aux aspirations citoyennes, le pouvoir risque également par sa résignation avérée d’être confronté à des conséquences plus graves, en ce sens, que les ingrédients d’une implosion sociale sont désormais réunis. Citons, à ce titre, la situation qui prévaut dans l’une des plus importantes villes d’Algérie : Constantine. Des dizaines de commerçants dûment établis dans leurs locaux, depuis des lustres pour certains, et des locataires à gros budget pour d’autres, viennent de brandir la menace de baisser rideau et d’investir la rue, à partir de ce samedi, pour dénoncer le laisser- aller et l’impuissance des pouvoirs publics à rétablir l’ordre dans la cité.
Il s’agit plus précisément de l’ex-rue de France, devenue en l’espace de 15 jours le lieu de toutes les dérives, impossible à traverser et où l’air est devenu irrespirable. Et pour cause, des centaines de jeunes et de moins jeunes se disputent, dès l’aurore, la moindre petite parcelle de trottoir ou de chaussée, barricadant indifféremment les accès des magasins et des immeubles. Agressions, vols et scènes de violence y sont légion. Plus frappant encore, il ne s’agit plus de petits revendeurs de pacotille, mais de vrais « magnats » de l’informel qui acheminent leurs gigantesques ballots de marchandises dans des fourgons, avant de les étaler sur des lits de camp ou à même le sol. On y a même vu des tentes de camping érigées à l’entrée même des magasins, des étals de plus de 20 mètres, parfois, obstruant les entrées de deux à trois commerces et des bijoutiers qui n’osent plus exposer leur vermeil en vitrine. Par crainte de représailles, les commerçants légaux n’osent rien dire et passent leur journée au seuil de leur portillon à « apprécier » ce spectacle de désolation. Un « no man’s land » que ni le wali de cette métropole, ni son chef de sûreté, auprès desquels les habitants et commerçants de la rue du 19-Juin se sont plaints, n’osent s’en approcher.