Il est bien loin le temps où les services de sécurité et les marchands informels jouaient au chat et à la souris. La petite souris a grandi en devenant un rat qui bombe le torse devant le chat.
Au pays de l’anarchie, l’informel est roi. En Algérie, l’informel a dépassé la royauté en se fondant dans la masse. Comme vous avez dû le remarquer, il y a une recrudescence des vendeurs à la sauvette. La nature a horreur du vide, les vendeurs à la sauvette le comblent… À chaque coin de rue, un marché informel est créé par ces commerçants d’un autre genre. Au pays de tous les paradoxes qui est l’Algérie, le marché informel est devenu une culture qui se fait avec la complaisance des autorités. La petite commune du Hamiz dans la banlieue Est d’Alger, est le meilleur exemple. Dans cette petite bourgade, le pont qui traverse l’oued est tout simplement devenu un marché. La route a été coupée par des jeunes vendeurs de fruits et légumes qui proposent leurs marchandises rangées sur le plateau de leurs petites camionnettes chinoises. Ce marché, qui est perché sur un pont, provoque des heures d’embouteillage dans cette ville qui a toujours été connue par l’encombrement de ses routes. Gare à vous de passer aux heures de pointe moment choisi par ces commerçants pour «ouvrir» boutique. Mais le plus paradoxal dans l’histoire est la présence d’un barrage de gendarmerie qui s’occupe de réguler la circulation bloquée par ce nouveau marché et au passage…assurer leur sécurité. En effet, malgré le fait que ces embouteillages sont causés par le marché informel, les gendarmes ferment les yeux. Même constat dans les communes limitrophes. Après des heures d’embouteillage au Hamiz, on décide de continuer jusqu’à Rouiba. À l’entrée de la ville, le quartier résidentiel de la Cadat, plus connu sous le nom de Dallas, a vu des marchands informels, les uns à côté des autres vendant leurs fruits et légumes. C’est pareil pour les autres entrées de la ville où à chaque coin inoccupé, des marchands installent leurs étals. Cela sans parler de la route du marché couvert qui s’est transformée en annexe de ce même marché couvert. Les automobilistes n’ont plus par où passer. Et les riverains souffrent le martyre avec les nuisances sonores et les ordures générées par ces squatteurs de rue. Le plus désolant est le fait que cela se fasse avec la complaisance des autorités qui n’inquiètent plus ces marchands à la sauvette, comme c’était le cas il n’y a pas si longtemps. Un habitant de la ville nous raconte même une anecdote. «La semaine dernière, dans le quartier résidentiel de la Cadat un vendeur à la sauvette a tout simplement installé sa camionnette avec un petit chapiteau pour vendre ses fruits», nous raconte-t-il non sans préciser que ce commerçant s’est installé en face de la résidence dont les occupants ont été surpris en rentrant le soir de voir que leur maison était devenue l’entrée d’un marché. «Les services de sécurité sont passés par là et ont fait comme si de rien n’était. Les riverains les ont même interpellés. En vain», dénonce-t-il. Les vendeurs informels se sont donc, installés durablement à Rouiba. Mais pas seulement! D’ouest en est, du sud au nord, de la capitale c’est le même constat. Avec en prime, l’indulgence des autorités! Alors qu’il n’y a pas si longtemps, elles leur menaient une «guerre» sans merci et les chassaient à chaque fois qu’elles les voyaient. Mais les émeutes de janvier 2011 sont passées par là. Ayant peur d’une révolte, l’État a reculé devant toutes les décisions qu’il a prises pour éradiquer l’informel.
L’informel n’aime pas le vide…
Le marché de Bachdjarrah reflète parfaitement cette fuite en avant. Ce marché qui a été «déraciné» à la veille des émeutes de janvier 2011, après un dur combat mené pendant des décennies par les citoyens, est réapparu en force après celles-ci. Une simple virée au niveau de ce marché nous renseigne sur l’ampleur des «dégâts». Rues, ruelles et trottoirs sont complètement squattés par les vendeurs à la sauvette. À Bachdjarrah les «trabendistes» qui ont été chassés des trottoirs, ont carrément accaparé la…chaussée. Malheur à l’automobiliste qui veut emprunter cette route! Il risque un lynchage public. De même pour celui de la place des Martyrs qui est revenu de plus belle ou encore celui de Ben Omar de Kouba. Dans cette commune un autre marché informel est en train de prendre place. Doucement, mais sûrement la cité Maya transformée en marché. La route menant vers Haï El Badr, où une station de métro des plus modernes a récemment été inaugurée, est bloquée par de jeunes vendeurs à la sauvette. Ce qui provoque d’interminables bouchons dans cette route très fréquentée. L’État est, de ce fait, en train de fermer les yeux de peur de quelques «chahuts de gamins» Il leur a même rajouté des moyens de locomotion avec ces petites camionnettes acquises grâce au financement de l’Ansej. Le marché informel a donc de beaux jours devant lui, qui risque même de devenir «formel»… Il est ainsi bien loin le temps où les services de sécurité et les marchands informels jouaient au chat et à la souris. La petite souris a grandi en devenant un rat qui bombe le torse devant le chat…