Nous avons battu les Egyptiens. Entre le coup de sifflet final de la rencontre ayant opposé les «nôtres» aux «autres» et la gueule de bois avec laquelle chacun de nous s’est réveillé le lendemain, le sentiment de fierté nationale n’aura jamais été aussi légitimement revendiqué par nos compatriotes.
Il n’y a aucune honte à affirmer qu’il relevait du devoir national, et au-delà de toutes les divergences possibles qui puissent exister, de faire corps inconditionnellement avec Ziani et les siens au cours d’une communion nationale qui n’est à chaque fois atteinte qu’en des circonstances exceptionnelles, sinon conjoncturelles, et qui seraient de nature à remettre en cause la stabilité nationale et/ou sa cohésion.
Elle a souvent aussi été le fait de grands rendez-vous émotionnels d’un peuple avec ses ambassadeurs à Gijon ou Mexico.
Ce sont ces circonstances spatio-temporelles éternelles qui donnent la chair de poule et surtout contribuent à rapprocher entre eux dans un même délire de joie, de peine, de lutte les Algériens d’est en ouest et du nord au fin fond du Sud.
«Baad echeda dji l’fordja», chantait le regretté Guerrouabi, depuis que la date de la rencontre a été officiellement arrêtée, l’ensemble des Algériens appréhendaient cette rencontre même si notre équipe nationale reste sur le plan comptable celle au meilleur bilan (6 victoires, 5 défaites et 9 nuls).
L’appréhension était ailleurs, elle relevait d’une morosité générale accentuée par la qualité mitigée du Championnat national de football, la violence sur les terrains, des clubs nationaux notamment parmi les plus illustres et néanmoins délestés de leur habituelle fringance sur le plan continental ou intercontinental.
Il suffisait d’ailleurs que l’un d’eux avance avec plus ou moins de succès dans une compétition internationale pour qu’il y ait un phénomène d’onde de choc dont l’épicentre reste évidemment la région d’où est issue l’équipe concernée.
L’exemple de l’Entente sétifienne est typique, par excellence, de cette onde de choc et de l’adhésion nationale autour d’elle à telle enseigne que de tous les coins du pays les supporteurs affluent vers Sétif et franchissent régulièrement les frontières.
Là encore, le constat est plus qu’éloquent en ce sens que, dès qu’il s’agit de l’honneur national (auquel s’identifient naturellement nos compatriotes), un club, quel qu’il soit, fédère l’engouement général, mettant sous le boisseau toutes les différences… Si tant est qu’il en existe.
«Baad echeda dji lfordja», cette confrontation était crainte de nos compatriotes non pas en raison du résultat qui en découlerait, Algérie-Egypte ne pouvant être autre chose, en réalité, qu’un match de football, mais un succès viendrait confirmer qu’un vent nouveau a soufflé sur l’EN et qu’il n’est lui-même que la conséquence d’un renouveau de structures nationales dont la réputation de dévoiement a dépassé les frontières (affaire RCK).
Partant de ce constat, ce serait donc l’image positive d’un secteur que les nouveaux responsables sont parvenus à faire bouger par de nouvelles compétences d’abord et aussi et surtout parce que, par leur présence, les pouvoirs publics ont, on ne peut mieux, manifesté l’intérêt accru de l’Etat à une réalité nationale fédérative et fédératrice qu’est le sport en général et le football en particulier.
Le lien des jeunes Algériens avec les couleurs nationales, l’emblème, n’auront jamais été autant réaffirmé que dimanche dernier et autour d’une équipe nationale dont les éléments, transfigurés eux aussi, se sont transcendés.
L’Algérie n’a pas que les harraga même si ce phénomène ne peut malheureusement être occulté.
Et rien que pour la leçon donnée à Blida, Jijel, Tissemsilt, Ouargla, Mila, Ghardaïa, etc. par ces millions de jeunes, garçons et… filles, les responsables algériens sont conviés, voire tenus de les respecter et de leur donner les moyens d’aspirer à une vie, nous ne dirons pas meilleure, mais tout simplement normale en rapport avec leurs besoins essentiels, leurs capacités et ce que leur confèrent le droit et l’égalité des chances.
Sur les différents plateaux des télévisions arabes, tous bords confondus, les analystes égyptiens, tout en déniant à l’équipe nationale algérienne toute supériorité technique autant collective qu’individuelle, n’ont pas moins reconnu le mérite aux compagnons d’Antar Yahia d’avoir joué la rencontre en, excusez le terme belliqueux, «guerriers», voire en «Hommes».
Et des hommes, l’Algérie n’a jamais manqué d’en avoir et dans les moments que l’histoire exige d’elle.
Rarement preuve de solidarité nationale n’a été autant prouvée que dimanche dernier.
Téléviseurs dehors à profusion pour permettre à ceux qui avaient des difficultés à rentrer chez eux, écrans géants improvisés par des groupes dans les cités populaires, processions incessantes de véhicules surchargés, emblème à toutes les fenêtres, youyous à chaque réalisation algérienne et overdose de joie au coup de sifflet final.
C’est ça l’Algérie et c’est ce qu’elle sera à chaque fois que l’histoire l’exigera de ses enfants.