Face à la montée inquiétante du trafic de carburant et ses conséquences sur l’économie algérienne, les walis des villes frontalières ont donné des instructions aux propriétaires des stations-service de ne pas dépasser les 40 litres d’essence par véhicule, alors que les chauffeurs de camions sont autorisés à faire le plein jusqu’à 180 litres seulement.
Le but de l’instruction est d’éviter que le trafic de carburant ne se multiplie, d’autant que les contrebandiers n’hésitent pas à faire le plein de leurs véhicules et à remplir des jerricans qui seront acheminés vers le Maroc. Depuis quelques semaines, les villes frontalières algériennes connaissent une pénurie de carburant sans précédent au niveau des stations-service. Des files interminables de véhicules sont enregistrées depuis déjà plusieurs semaines dans les stations-service, une situation provoquée par la montée du trafic de carburant. La ville de Tlemcen a enregistré une inquiétante augmentation de ce phénomène en 2011, où plus d’un million de litres d’essence, carburant et mazout, ont été saisis par les gendarmes, alors que ce chiffre faisait la moyenne de l’ensemble des prises dans toutes les villes frontalières algériennes. Du coup, les trafiquants marocains et les propriétaires des stations-service des villes d’Oujda sont les premiers à bénéficier de ce trafic à grande échelle. Dans son bilan annuel, le groupement de la Gendarmerie nationale de Tlemcen a révélé que ses éléments ont arrêté en deux ans plus de 330 contrebandiers spécialisés dans le trafic de carburant, 145 en 2010 et 188 en 2011. En outre, plus de 1 000 tentatives d’acheminement de carburant par les contrebandiers ont été déjouées par les gendarmes au cours d’opérations ayant visé des convois de contrebande de carburant algérien, rapporte un bilan de la GN de Tlemcen. Mieux, les gendarmes ont récupéré l’année passée plus d’un million de litres de carburant prêts à être livrés à des trafiquants marocains.
1 000 tentatives d’acheminement de carburant vers le Maroc déjouées par les GGF
Dans les villes frontalières marocaines, le carburant algérien fait les beaux jours de nos voisins. Grâce aux centaines de milliers de litres de carburant algérien, les trafiquants marocains arrivent facilement à vendre l’essence et le mazout aux propriétaires marocains de stations-service contre des prix exorbitants. Pis encore, le bilan révélé par le groupement de la Gendarmerie nationale de Tlemcen fait peur, dans la mesure où il a battu le record de ces vingt dernières années. D’habitude, les gendarmes enregistrent une moyenne nationale d’un million de litres volés par les contrebandiers, mais l’année dernière la ville de Tlemcen a malheureusement enregistré ce chiffre à elle seule. Il découle donc que le trafic de carburant a triplé durant cette année.
350 ânes chargés de jerricans interceptés en 2011
Face à cette inquiétante contrebande, la société algérienne spécialisée dans la distribution d’essence, Naftal, est la première victime. C’est le seul fournisseur de carburant de Tlemcen où, chaque année, elle alimente plus de 17 millions de litres de carburant et plus de 38 millions de litres de mazout. D’autres victimes de la contrebande, par contre, sont à signaler aussi. Il s’agit des propriétaires des stations-service situées à Tlemcen qui ont été lourdement touchés par le phénomène de la contrebande de carburant. Ils sont la cible préférée des contrebandiers où, dès la nuit, des tentatives de vol les ciblent. Lors de notre tournée dans la ville des Zianides, les images de files interminables de véhicules ont attiré notre attention. Lorsque nous ne sommes rapprochés des propriétaires des stations-service, ils nous ont révélé l’existence des contrebandiers qui ciblent leurs biens et sont à l’origine de la «pénurie» de carburant, d’autant qu’ils arrivent à voler des milliers de litres de carburant dans chaque station. Et pour cela, les contrebandiers utilisent des jerricans pour remplir le mazout et essence stockés dans les stations-service. En 2011, plus de 500 000 jerricans ont été récupérés par les gendarmes lors de plus de 4 000 opérations ayant visé les contrebandiers. D’autre part, la tranche d’âge des contrebandiers est située entre 18 et 40 ans, ce qui signifie que la plupart des trafiquants sont des chômeurs qui préfèrent voler du carburant et avoir un salaire, d’autant que la technique leur rapportent des sommes d’argent phénoménales, voire plus de 330 milliards de centimes, selon le bilan de la Gendarmerie nationale.
De notre envoyé spécial à Tlemcen Sofiane Abi