Les voyagistes et le tourisme: Un métier en voie de disparition

Les voyagistes et le tourisme: Un métier en voie de disparition

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Voilà un peu plus d’une année qu’un nouveau décret régissant l’activité des agences de voyages a été promulgué. Un décret qui a libéré, facilité l’accès au métier de voyagiste avec une outrecuidance inouïe.

Désormais, tout diplômé universitaire est potentiellement admissible à l’exercice du métier de voyagiste. Une opportunité que prés de 500 universitaires de toutes filières n’ont pas manqué de saisir. En une année seulement, en effet, le nombre d’agences de voyages s’est accru de 25%. C’est-à-dire que le quart des agences de voyages existant depuis près de 30 ans a été créé en une seule année. Et le processus continue. Architectes, médecins et autres diplômés des universités se retrouvent des vertus de voyagistes. C’est l’année, remarquera-t-on, de tous les scandales et dont les théâtres touristiques tunisiens, turcs et égyptiens ont été les tristes témoins. Des scandales où des touristes algériens ont subi de mauvais traitements et où l’image de l’Algérie a été vivement écorchée.

En cause, l’appât du gain facile que l’ouverture d’une agence suggère, la cupidité de certaines agences et leur manque de professionnalisme. Où est l’image de l’agent de voyages qui planifie, qui anticipe, qui négocie les contrats, qui prémunit ses clients, s’engage pour eux et dont la satisfaction passe avant le gain et, est au sommet de la pyramide des besoins? Pendant de nombreuses années et même pendant les années les plus terribles qu’a connues le tourisme algérien, ce profil du voyagiste a prédominé la scène du voyage et la corporation des voyagistes. Tous comportements qui s’éloignaient des règles, du reste peu nombreux, étaient rapidement pointés du doigt et sujets à remise à l’ordre. Ce décret a augmenté, en peu de temps, et de façon substantielle le nombre d’agences, mais il en a écorné l’âme. Une pléthore sans précédent. Examinons quelques chiffres par-delà les frontières.

10 millions de touristes et 240.000 lits au Maroc pour un millier d’agences de voyages, soit un rapport d’une agence pour 10.800 touristes et 254 lits. Prés de 6 millions d’entrées de touristes en Tunisie pour environs 600 agences, soit une agence pour 10.000 touristes et une agence pour 400 lits, les capacités étant d’environ 240.000 lits. En France, avec 6000 agences et 85 millions d’entrées de touristes, ce sera une agence pour 14 .200 touristes et une agence pour 850 lits. La comparaison avec l’Algérie sera déconcertante. Avec 2500 agences et 2,5 millions d’entrées de touristes, on aura un rapport d’une agence pour 1000 entrées seulement. Autant dire qu’en Algérie, les agences de voyages se marchent sur les pieds.

Mais ce n’est pas tant la pléthore qui constitue le problème majeur. C’est plutôt du côté de la désertion du professionnalisme, en processus de remplacement par l’esprit de rente qu’il faut chercher l’erreur. La facilité et la rapidité avec lesquelles a été décrétée cette démarche d’agréments de nouveaux voyagistes sont également déconcertantes. Le mépris affiché à l’égard des métiers du tourisme et leur dévalorisation constatée depuis de nombreuses années, expliquent en grande partie la désinvolture avec laquelle on a fait fi des doléances ou des protestations de la corporation. Il n’est un secret pour personne que le professionnalisme dans le tourisme est en net recul par rapport aux années de gloire du tourisme algérien. Les instituts de formation, à tous les niveaux répondaient aux besoins de l’époque.

L’activité prolifique aidait à consolider les connaissances et la maîtrise de métiers. Le recul de l’activité touristique dès le début des années 90, la désertion de la destination touristique par la clientèle étrangère ont eu un impact néfaste sur le professionnalisme et l’exercice des métiers de façon générale. L’expérience du terrain ne se cultivant pas, en raison de l’absence de touristes, les programmes de formation des instituts et écoles hôtelières étant obsolètes, les portes sont alors grandes ouvertes pour des non-initiés issus d’autres secteurs de la formation et de l’enseignement. Il en a résulté une dépréciation des métiers du tourisme, considérés désormais comme à «la portée de tout le monde».

D’où cette facilité par laquelle il est permis à tous d’accéder à la fonction d’agent de voyages, contrairement aux grandes nations touristiques qui posent comme première exigence la qualification professionnelle à l’exercice de ces métiers et les formations spécialisées de haut niveau pour accéder aux sésames des agences de voyages.