Les Verts font naufrage, lui surnage : Il est temps de virer El Hadj Raouraoua de la FAF !

Les Verts font naufrage, lui surnage : Il est temps de virer El Hadj Raouraoua de la FAF !

Le 11 octobre 2010, nous nous interrogions sur la part de responsabilité du président de la FAF, Mohamed Raouraoua, 65 ans, dans les mauvais résultats des Verts. Neuf mois plus tard, nos interrogations sur le maintien de cet homme à la tête de la FAF prennent encore plus de sens avec la défaite de l’EN 4 à 0 contre le Maroc. Faut-il virer El Hadj Raraoura de la FAF ? Ce que nous écrivions en octobre 2010, nous le maintenons encore aujourd’hui.

“La défaite dimanche 10 octobre des Verts contre la Centreafrique remet sur le tapis autant la qualité de jeu des joueurs de la sélection nationale que le management de la FAF, dirigée depuis 2009 par Mohamed Raouraoua. Homme de réseaux, prospère en affaires, cumulant plusieurs casquettes, le président de la FAF est l’objet de vives critiques de la part des supporteurs algériens. Faut-il ou non le maintenir à son poste ? La question fait débat.

Ce qui pourrait désormais être appelée «la débâcle de Bangui» confirme que la sélection algérienne de football a repris sa (re)descente en enfer après une brève «éclaircie d’hiver». Il serait injuste, voire naïf, d’expliquer cette humiliation par la qualité de jeu médiocre des joueurs. La responsabilité de la fédération algérienne de football (FAF), celle de son patron Mohamed Raouraoua, sont-elles entièrement engagée?

Retour sur la scène footballistique mondiale

On croyait que le football algérien avait mangé son pain noir après un «retour sur la scène footballistique mondiale», marqué notamment par une participation «honorable» à la CAN 2010 et une qualification au dernier Mondial Sud-africain après 24 ans d’absence, mais il n’en est rien.

Les prémices de ce retour à la case de départ ne maquaient pas, même aux plus forts moments de l’euphorie qui s’est emparée du peuple et des dirigeants algériens.

Souvenons-nous. Défaites contre le Malawi (0-3), l’Egypte (0-4), la Serbie (0-3), l’Eire (0-3), la Slovénie (0-1), les USA (0-1), le Gabon (1-2) et enfin celle de ce 10 octobre 2010 contre la Centre-Afrique (0-2).

Depuis leur succès contre la Côte d’Ivoire le 24 janvier 2010 (3-2), les Verts ont inscrit… trois buts dont un par penalty. Côté efficacité, les statistiques sont tout simplement effarantes.

Difficile d’endosser la responsabilité d’un tel bilan au staff technique, aux joueurs. C’est que la prééminence du boss de la FAF sur tout ce qui touche à la sélection algérienne est si incontestable qu’il en porte une large part de responsabilité. Raouraoua doit-il ou non rendre le tablier ? Son maintien à la tête de la fédération fait désormais débat.

Le président de la FAF est un homme puissant

Pur produit du système algérien dont il fréquente tous les arcanes, l’homme est puissant, on le dit trop puissant même. Sa puissance, il l’exerce d’abord autour de la sélection de football. Celui que l’on surnomme El Hadj, nommé à la tête de la fédération en février 2009, aime s’immiscer dans tout.

Du choix des joueurs à celui du staff technique et médical jusqu’au choix des lieux des stages, il n’hésite pas à dicter sa volonté à ses subalternes qui n’ont d’autres choix que de lui obéir. Les exemples sont légions.

Raouraoua ne manque de reprocher à ex-sélectionneur Rabah Saâdane d’avoir choisi les hauteurs de Crans Montana pour la préparation du mondial sud-africain. Mais Saâdane fera vite de lui rendre la monnaie, preuves matérielles à l’appui.

L’ex-sélectionneur, aujourd’hui consultant à Canal+, a reproché à Raouraoua le choix du camp de base de l’EN en Coupe du monde, lui mettant sur le dos la responsabilité de toutes les mésaventures vécues par l’équipe algérienne en raison de ce choix.

Contrairement à toutes les équipes mondialistes, l’Algérie est la seule à avoir raté sa première séance d’entraînement le jour même de son arrivée à Durban. Du coup, les joueurs sont contraints d’annuler la séance de la veille du match face à la Slovénie sur le terrain principal à l’heure du match. Anecdotique? Pas vraiment.

Saâdane conteste les choix de Raouroua mais abdique

Les griefs de Saâdane contre son ex-boss ne s’arrêtent pas là. Bien que cornaqué par Raouraoua, Saâdane s’est montré circonspect devant le choix de Raouraoua du staff médical de la sélection ainsi que la gestion des dossiers médicaux de certains joueurs. Pas efficace selon Saâdane.

La gestion du cas de Mourad Meghni est révélatrice à plus d’un titre. Pris en charge par le président de la FAF, le joueur est envoyé à la clinique Saint Raphaël où il passe 6 semaines avant que l’on se rende compte que ce choix n’était pas le bon. Meghni est alors transféré, sous les hospices toujours de Raouraoua, à Aspétar (Qatar) où il séjourne plusieurs semaines pour soins. Pour enfin louper le Mondial.

Saâdane, ayant compris que le service médical s’est trompé dès le départ mais impuissant qu’il est devant les desiderata de son omnipotent supérieur, n’a que ses yeux pour pleurer le jour où il annonce la défection de Meghni. Anecdotique? Pas vraiment…

Même la gestion de l’effectif

Raouraoua ne se contente pas de s’immiscer dans le choix des lieux du stage ou du staff technique, des domaines que certains pourraient considérer comme relevant de ses compétences. Mais est-ce raisonnable de la part d’un président de la fédération de se mêler de la gestion de l’effectif et du choix des joueurs?

Certes, depuis des lustres, hauts responsables, ministres, cadres du ministère, dirigeants de la fédération ont toujours mis un point d’honneur à composer l’effectif de la sélection de football, mais on croyait que cette ère était finie.

Peu de temps avant que la liste des «23» pour le Mondial ne soit connue, les confrères de la presse sportive algérienne ont évoqué le véto de Raouraoua pour la sélection de Rafik Saïfi et de Lounès Gaouaoui, pour ne parler que de ces deux-là. Saâdane tient tête, mais lâche du lest sur d’autres cas. Anecdotique? Pas si sûr…

Benchikha «empêché» d’avoir son propre staff

Ayant enfin réussi à avoir à l’usure Rabah Saâdane dont il voulait obtenir la tête, le président de la FAF continue à exercer un ascendant sur le nouveau sélectionneur national, Abdelhak Benchikha.

Arrivé avec sa philosophie de travail, celui-ci souhaite choisir le staff technique pouvoir atteindre les objectifs qui lui sont fixés. Loupé. Avançant l’argument de la stabilité, Raouraoua impose le maintien des adjoints de Saâdane, Zohir Djelloul et l’entraîneur des gardiens Belhadji.

Anecdotique? On peut multiplier les exemples pour accréditer la thèse que le président de la FAF est le véritable patron de l’équipe nationale de football.

Directeur de l’ENTV et de l’ANEP

Homme de réseaux, à l’entregent reconnu, affairiste notoire, naviguant entre le public et le privé, Raouraoua s’est construit au fil des ans une réputation de personnage incontournable sur la scène du football algérien et africain. Mais pas seulement.

Né en 1946, Raouraoua fut fonctionnaire dans l’ex-ministère de l’Information après l’Indépendance. Introduit dans le monde politique depuis le début des années 1970, ce natif du quartier de la Casbah, à Alger, gravit les échelons pour atteindre le poste de directeur au sein du même ministère.

Dans les années 1980, il dirige coup sur coup deux institutions réputées pour être des annexes du pouvoir : La télévision nationale et l’ANEP, la régie publicitaire de l’Etat. Ces deux passages à la tête de deux empires, audiovisuel et publicitaire, lui confèrent la stature d’un homme qui compte dans le sérail.

Au cours des années 1990, Mohamed Raouraoua se retire du secteur public pour entamer une carrière dans le privé qui le verra bâtir une fortune non négligeable. L’intermède dure jusqu’en 2001, année ou il élu président de la FAF. Son élection à la tête de la fédération est d’ailleurs un épisode aussi cocasse qu’édifiant sur les réseaux dont il dispose au sein des cercles du pouvoir.

Rafik Khalifa : on est obligé de soutenir Raouraoua

Lors du procès Khalifa qui s’est tenu en mars 2007, un des prévenus, Djamel Guelimi, révèle que l’élection de Raouraoua s’est décidée dans le bureau du milliardaire Rafik Khalifa, à l’époque grand pourvoyeur du sport algérien en matière de sponsoring.

Devant la barre, Guelimi raconte avoir rencontré Raouraoua dans l’appartement de Khalifa, à Paris, en présence d’Ighil Meziane, ex-entraineur des Verts. Guelimi : «Ighil devait se présenter candidat à la FAF, il y a eu des négociations entre Raouraoua et lui ce jour-là, j’étais témoin… C’est lors de cette rencontre que Moumen a proposé de l’argent à Ighil pour qu’il renonce à sa candidature en faveur de Raouraoua…»

Lorsque Guelimi demande à Rafik Khalifa les raisons d’un tel revirement alors qu’il s’était engagé à soutenir Ighil, l’ex-milliardaire répond : «On nous a obligé à le faire…»

Bilan contrasté

Président de la FAF, Mohamed Raouraoua est désigné en 2003 commissaire de l’Année de l’Algérie en France. A l’époque, ce cumul de mandats, ce chevauchement dans les responsabilités, ne fait pas grand scandale. C’est que Raouraoua doit sa nomination comme commissaire au président Bouteflika en personne.

Le fiasco de l’Année de l’Algérie en France, sensée relancer les relations entre Paris et Alger, ne l’empêche pas d’être maintenu à son poste à la fédération jusqu’en 2006. Son bilan ? Contrasté.

Certes, l’Algérie s’est qualifiée à la Coupe d’Afrique de 2004 en Tunisie (elle est éliminée en quart de finale par le Maroc), mais elle échoue à se qualifier à celle de 2006 et surtout à la Coupe du Monde 2006 organisée en Allemagne.

La roue tourne encore une fois en sa faveur en 2009. La situation urge. Une éventuelle absence de l’Algérie à la Coupe du Monde de 2010 aurait été préjudiciable pour l’image du pays.

Il revient à la tête de la FAF grâce à des pressions amicales

En février 2009 donc, des «pressions amicales» permettent à Mohamed Raouraoua de retrouver le fauteuil de président de la FAF, trois ans après son départ. Ayant obtenu carte blanche, il chamboule les méthodes de fonctionnements de la FAF.

Recours massif aux sponsors, management à l’occidentale et professionnalisation du football dès la saison en cours, Raouraoua nourrit l’ambition de remettre le football algérien en scelle et de réconcilier les Algériens avec leur sélection nationale.

Avec Rabah Saâdane comme sélectionneur, il réussit le pari de qualifier les Verts à la Coupe d’Afrique en Angola, puis à la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud. Point d’orgue de cette épopée, ce fameux match disputé à Khartoum contre la sélection égyptienne le 18 novembre 2009 qui a valu à l’Algérie un ticket à une phase finale de mondial après 24 ans d’absence.

Sanctifié à l’instar des joueurs, de l’entraineur, Raouraoua devient un héros national. Ceux qui osent émettre des doutes sur ses compétences, ceux qui osent critiquer les Verts sont alors qualifiés d’anti-nationalistes.

Comment peut-on critiquer un président de la fédération qui a réussi à faire qualifier l’Algérie au mondial après 24 d’absence? Tout simplement impensable…

Deux défaites, un nul, zéro but marqué, le fiasco sud-africain

Mais voila. La participation des Fennecs au mondial sud-africain a été tout sauf une réussite. Un véritable échec.

Deux défaites, un nul, une attaque stérile, le bilan est désastreux. Désastreux? Pas pour tout le monde.

Alors qu’il fallait tirer les conséquences de cet échec, s’autoriser des critiques, faire table rase du passé pour repartir sur de nouvelles bases, les responsables se sont gargarisés de cette participation. Il fallait être en Afrique du Sud, le reste compte peu, ou si peu.

Raouraoua est maintenu à son poste, mais pas Rabah Saâdane. Au premier faux-pas, celui-ci est contraint à la démission. Raouraoua, lui reste.

Mohamed Raouraoua cumule aujourd’hui les fonctions de président de la FAF, de président de l’Union nord-africaine de football et de vice-président de l’Union des associations de football arabe autant qu’il siège aux instances exécutives de la CAF et de la FIFA. Pour combien de temps encore? ”