Les universitaires algériens s’intéressent enfin au football et « refont les matchs »

Les universitaires algériens s’intéressent enfin au football et « refont les matchs »

Parent pauvre de la recherche académique et des colloques thématiques, le sport franchit la porte de l’université algérienne et des instituts de recherche. Le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle d’Oran (CRASC) abrite, mercredi 3 et jeudi 4 décembre, un colloque international dédié au football sous sa dimension sociologique.

Des spécialistes du Centre se sont associés à des homologues français et algériens du laboratoire « Temps, espaces, langage, Europe Méridional Méditerranée » (Université d’Aix-Marseille) pour passer au crible de la recherche un corpus à la dimension sportive, sociale et politique.

Pendant deux jours, les participants débattront des circulations migratoires entre l’Algérie et la France dans le domaine du football et leur perception dans les discours médiatique et sociétal.

Première initiative dans ce registre, le colloque international d’Oran promet de labourer un champ footballistique digne d’intérêt. Perçue et remise en perspective au miroir de la relation entre l’Algérie et la France, la thématique retenue par la CRASC et le laboratoire TELEMME de l’Université d’Aix-Marseille est novatrice par ses angles d’attaque. En témoignent les intitulés des interventions des conférenciers.

Le programme du colloque et les thématiques soumises à débat promettent de faire sortir le football algérien – et au-delà le fait sportif dans son ensemble – des stades et des cafés maures et pousser à son irruption sur le terrain de l’Université. Pays à fort vécu de foot, l’Algérie érige, depuis toujours, les sujets de la balle ronde au premier rang des causeries populaires.

Et pour cause ! Le foot constitue un pan important de l’imaginaire sociétal algérien. Mais le débat – nourri au verbe de la passion et de la polémique – reste confiné dans le registre du récit factuel de la compétition et son lot d’échanges terre-à-terre.

En dépit d’une chronique sportive et footballistique intimement liée à l’histoire du pays et de ses évolutions sociologique et économique, le football et le sport ont du mal à se jouer sur le terrain universitaire. Les colloques thématiques brillent par leur absence et les universitaires ‘’refont rarement le match’’ dans les amphithéâtres et forums académiques.

Un « forfait » surprenant

Ce ‘’forfait’’ du sport sur le terrain académique est d’autant plus surprenant que le football – pour ne parler que de lui – est un terrain fertile pour la recherche et la réflexion académique. Qu’il soit abordé au miroir de l’histoire, de la sociologie, de l’économie, de l’identité ou de la politique, le foot se prête à une multitude de corpus d’étude.

On peut citer, entre autres, la place du foot dans l’histoire du mouvement national algérien, le rapport du foot à l’identité et aux imaginaires populaires, les tribunes footballistiques en tant qu’instrumentalisation électorale et de manipulation politique des foules, le stade érigé en tribune politique et militante, le foot en tant que vivier naturel de l’économie parallèle et de la ‘’chkara’’ (mercato à l’algérienne où les transferts sonnants et trébuchants se négocient à l’abri du circuit bancaire et officiel.

‘’Où qu’il se déploie, en Algérie comme partout ailleurs, le football, au-delà de sa dimension de jeu, à vocation à s’inviter en permanence dans le monde de la recherche’’, fait valoir l’historienne Naïma Yahi, directrice de l’association Pangée Network (Paris) et auteur de nombreux travaux sur le sport et l’immigration.

Des universitaires algériens – spécialistes des médias et du sport – déplorent le manque d’intérêt des pouvoirs publics et du monde académique pour le fait sportif en tant qu’objet de recherche. Le contraste est saisissant entre un phénomène sportif constamment en bouillonnement et un monde universitaire qui n’en finit pas de lui tourner le dos.

Et si le colloque international d’Oran était une première étape vers l’irruption du sport sur le front académique et le lancement d’un laboratoire de recherches dédié au corpus ‘’sport’’ ? Les chercheurs algériens réunis, mercredi et jeudi, à Oran l’appellent de tous les vœux.