Les tuyaux de Guy Roux «Jouez le 5-3-2 au Caire»

Les tuyaux de Guy Roux «Jouez le 5-3-2 au Caire»

Guy Roux est un connaisseur du football algérien, non seulement pour avoir eu deux excellents joueurs sous sa coupe, Saïb et Tasfaout, mais aussi pour être le formateur de Hassen Yebda et Rafik Djebbour. Et c’est à ce titre que nous l’avons sollicité pour, notamment, mieux cerner le profil du joueur de Portsmouth et donner son avis de technicien sur cette équipe d’Algérie et sur ses chances d’aller au Mondial. Aux lecteurs de Compétition, il donne quelques tuyaux pour revenir avec la qualification. Mieux, Guy Roux est convaincu que l’EN marquera au Cairo Stadium.

Bonjour M. Guy Roux, c’est Compétition et on vous appelle d’Algérie…

Ah! l’Algérie, j’aime beaucoup ce pays. Nous, les Français, on a tous quelque chose d’Algérien à l’intérieur de nous. Alors votre coup de fil, c’est pour quoi ?

On aimerait bien avoir votre avis de technicien sur le match qui se déroulera au Caire face à la sélection égyptienne…

J’aurais aimé pouvoir vous dire que l’Algérie l’emporterait, j’aurais aimé aussi vous jurer que ça sera une partie de plaisir pour vous, et que vous allez passer facilement. Mais non, je ne peux pas. Je ne le ferai pas parce que ce match sera très difficile pour les deux équipes.

Vous connaissez donc les deux équipes ?

Je connais les joueurs, mais pas les équipes. J’aurais souhaité voir les matchs de l’Algérie. Vous savez, ici en France, ce n’est pas évident.

Vous dites que vous connaissez les joueurs. Qui au juste ?

Je connais Djebbour, Ziani, Yebda, Meghni, Antar Yahia, Bougherra, Belhadj… Oui, je connais la plupart des joueurs algériens.

Alors parlez-nous un peu d’eux, et de préférence, un par un.

Je commencerai par Yebda que j’ai eu à Auxerre, c’est un garçon très honorable. Il m’a marqué par son sérieux et surtout sa bonne éducation. Il était très respectueux, et tout le monde l’aimait bien. Je pense qu’il doit sa réussite à ses parents qui l’ont bien élevé, lui ainsi que tous ses frères et sœurs. Vous savez qu’il est le seul dans sa famille à n’avoir pas fait des études supérieures ? Ça doit être à cause du football, il aimait beaucoup taper dans un ballon.

Pourquoi n’a-t-il pas réussi à Auxerre ?

Vous savez, à l’époque, il y avait beaucoup de bons joueurs dans le milieu de terrain. Les objectifs du club étaient un peu gros, ce qui ne nous permettait pas de lancer des jeunes issus du centre de formation. Mais en vérité, il était bon.

Il y a un débat autour de lui en Algérie concernant son poste au milieu de terrain. Vous le voyez où, vous ?

Le poste de Hassan a toujours été un sujet de débat. Même quand il était chez nous, on ne savait pas où le mettre. On l’a même fait jouer comme ailier droit. Et c’est ça peut-être qui a fait qu’il n’a pas réussi à l’AJA. Personnellement, je le vois bien en tourneur de jeu. Il est un peu mou pour être un meneur de jeu. Et pas assez agressif pour être un récupérateur. Dans un 4-3-3 classique, Yebda serait un bon 8.

Un peu comme Saïb ?

Oui, c’est ça. Vous avez trouvé le bon exemple. Yebda est comme Moussa. C’est la dynamo. En d’autres termes, je dirais que ce joueur est celui qui fait monter le ballon, et fait jouer ses coéquipiers. C’est lui qui fait tourner l’équipe, quoi.

Pourquoi vous ne l’avez pas récupéré ?

Je vais vous faire une confidence : j’ai beaucoup regretté ce joueur par la suite…

Parlez-nous de Djebbour…

Djebbour est un attaquant puissant. Il connaît très bien les buts, et il est le genre d’attaquants qui pèse sur les défenses adverses. L’Algérie a de la chance de l’avoir comme attaquant.

On croit savoir que vous vouliez avoir Ziani à un certain moment, c’est vrai ?

Oui, c’est exact. Je me souviens de lui quand il avait 17 ans. A l’époque, Karim jouait à l’ESTAC. La première fois que je l’ai vu jouer, je lui ai prédit un avenir radieux. C’est un grand joueur, et il peut jouer dans n’importe quel club européen. Je ne me souviens pas pourquoi je ne l’ai pas recruté, mais une chose est sûre, je l’ai regretté lui aussi, même plus que Yebda.

Connaissez-vous Abdoun ?

Oui, c’est ce petit milieu de terrain qui joue actuellement à Nantes. Il est venu un jour tenter sa chance à Auxerre, malheureusement, je ne l’ai pas pris. Non pas parce qu’il n’était pas bon, mais parce qu’à cette époque, il y avait à l’AJA beaucoup de bons joueurs au milieu de terrain. Je pense qu’il est bien à Nantes, et je suis heureux pour lui.

On ne va pas parler de tous les joueurs algériens, mais puisque vous les connaissez tous, dites-nous ce que vous pensez en général de cette équipe d’Algérie…

Vous avez de très bons joueurs, c’est tout ce que je peux dire. L’équipe, je ne la connais pas. Donc, je ne peux vous aider sur ce point. Je ferai tout pour suivre le mach du 14 novembre.

Mais vous connaissez la situation du groupe ?

Oui, bien sûr. Je veux savoir si l’Algérie ira au Mondial ou pas. Il faut que l’Egypte vous marque deux buts, c’est ça ?

Oui, c’est exact…

-Je pense qu’il leur en faudra plus…

Et pourquoi ?

Parce que vous allez marquer au moins un but là-bas.

Expliquez-nous comment…

Je pense que l’Algérie marquera en Egypte. Avec Saïfi, Djebbour, Ghezzal et Meghni, c’est sûr que vous allez leur mettre au moins un but.

Vous êtes sûr de vous ?

Oui, et je vais vous dire pourquoi…

Si l’Algérie laisse passer l’orage, c’est-à-dire, si elle n’encaisse pas dans le premier quart d’heure, voire les 20 premières minutes, je suis sûr qu’elle réussira à marquer par un contre ou une balle arrêtée. L’Algérie a la chance d’avoir des joueurs qui jouent dans de grands championnats européens. Ils sont tous des techniciens et ils peuvent être décisifs à n’importe quel moment du match. Les individualités peuvent faire la différence dans ce match.

Saâdane, le sélectionneur algérien, a joué jusque-là en 3-5-2. Que pensez-vous de cette tactique ?

Je préfère appeler ça le 5-3-2. C’est une bonne tactique pour défendre. L’utiliser en Egypte pourrait être une bonne chose. Qui joue dans les

couloirs ?

Matmour et Belhadj.

Belhadj je le connais, il peut très bien assumer ce rôle. Matmour, par contre, je ne le connais pas très bien. Le 5-3-2 est une tactique bonne pour défendre, mais aussi pour attaquer, et tout dépend des deux joueurs de couloir. Je pense que Saâdane doit garder la même tactique, mais avec des consignes différentes pour ces deux joueurs.

Pouvez-vous nous dire ce que vous diriez aux joueurs si vous étiez à la place de Saâdane ?

Non, désolé. Par respect à votre entraîneur, je ne dirais rien. Et puis, je ne suis pas bien placé pour dire des choses pareilles. Comme je vous l’ai dit, je n’ai pas vu cette équipe d’Algérie se produire depuis une année. Tout ce que je vous ai dit, je l’ai fait par apport aux données que j’ai, et de manière générale. Et je l’ai déclaré aussi, parce que je me sens concerné par ce match.

Parce que vous aviez eu Saïb et Tasfaout dans votre équipe ?

Non, mais parce que l’histoire nous lie. On ne peut pas rester indifférent à ce qui se passe en Algérie. Vous m’avez rappelé un joueur qui m’a beaucoup marqué, Abdelhafid. Tasfaout était un garçon très religieux. Et comme l’AJA est aussi un club religieux, très catholique même, on respectait beaucoup les croyances de nos joueurs. Concernant Moussa et Hafid, on a fait venir un imam de la mosquée spécialement pour nous expliquer comment il faut faire, et surtout ce qu’il fallait exiger de ces joueurs en période de jeûne. Tasfaout insistait toujours pour qu’on le fasse jouer, malgré le Ramadhan, et il ne m’a jamais déçu. Quant à Moussa, ce n’est même pas la peine que je parle de lui, car il fait partie des meilleurs joueurs que j’ai eu à entraîner, j’ai tout fait pour le garder, mais lui, il voulait jouer en Espagne, il voulait aussi plus d’argent. Ce fut un grand joueur.

On vous remercie pour votre patience. Pour finir, quel est votre pronostic pour ce match ?

Vous allez perdre 2-1.

C’est le cœur qui parle ?

– Oui, et c’est aussi l’instinct d’un vieux routier.

A. B.