Personne ne peut nier que le peuple tunisien a réussi à mettre fin à une dictature qui a duré 23 ans mais à un prix très cher, le sang des citoyens assoiffés de liberté et de démocratie.
Cependant, le risque et la crainte de l’incertitude d’avenir et l’insécurité sont bien réels, notamment à cause des données politiques internes. La classe politique tunisienne, en d’autres termes, est carctérisée par l’absence d’un leader d’opposition de poids et les enjeux internationaux car les puissances mondiales sont en train de suivre attentivement ce qui se passe. Ainsi, la vision reste floue sur les chances d’instaurer une démocratie en Tunisie. D’ailleurs «des échanges de tirs se sont produits hier devant le siège d’un parti d’opposition, le Parti démocratique progressiste (PDP) à l’issue desquels plusieurs personnes ont été arrêtées, dont deux étrangers», a indiqué à l’AFP un des responsables de cette formation. Au niveau institutionnel, le Premier ministre Mohamed Ghannouchi a entamé hier des consultations avec des partis politiques «opposants au régime Ben Ali». Suite à ces consultations, il sera procédé à l’installation d’un gouvernement d’union nationale. Cependant, il est indiqué que ces consultations seront limitées à «tous les partis politiques dits légaux, représentés au Parlement ou non, mais pas le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) de Hamma Hammami qui est interdit ni les islamistes de Ennahdha de Rached Ghannouchi qui vit en exil à Londres». Une situation qui pourrait avoir des conséquences sur la poursuite du renouveau après 23 ans de dictature.
Selon Maya Jribi, secrétaire générale du Parti démocratique progressiste (PDP, opposition légale) dans une déclaration à l’AFP, la réunion relative à la proposition du gouvernement d’union nationale devrait décider de la mise en place «de trois comités : l’un chargé de proposer des personnes pour former un gouvernement d’union nationale, un autre pour examiner les exactions et dérives sécuritaires qui ont fait des dizaines de morts pendant un mois d’émeutes, et le dernier sur les accusations de corruption de l’ancien régime». Selon Mustapha Ben Jaffar, chef du Forum démocratique pour le travail et les libertés, «il s’agit de jeter les bases d’un véritable processus démocratique».
Des membres de la famille de Ben Ali et Ali Seriati arrêtés
Sur le terrain et après la fuite du président Ben Ali, la situation sécuritaire n’est pas encore stable à cause notamment «des hommes armés fidèles (milices) à Ben Ali» qui ne ratent aucune occasion pour «semer la terreur». D’ailleurs, l’un d’eux, Imed Trabelsi a été «poignardé». Dans ce cadre, il a été rapporté par l’agence TAP que «le chef de la sécurité présidentielle de Ben Ali, Ali el Seriati, avait été arrêté hier après avoir été formellement accusé d’être le responsable des exactions de ces derniers jours contre la population». Par ailleurs, il a été rapporté que Mohamed Ghannouchi a confirmé que «des membres de la famille de Ben Ali avaient été arrêtés, sans préciser leur identité». Toutefois, l’armée tunisienne essaye de contrôler la situation à travers la vérification du respect du couvre-feu et éviter d’autres martyrs. Selon plusieurs agences mondiales «il y a un retour au calme». Une source officielle tunisienne a annoncé hier que les mesures de l’état d’urgence en Tunisie ont été allégées.
La réaction «timide»des Arabes
Du côté du monde arabe, certains pays ont réagi. Dans ce cadre, le gouvernement soudanais a salué le peuple tunisien pour son choix «de déterminer lui-même son avenir politique», estimant que ce changement populaire «est une occasion de réaliser la liberté, la prospérité, la sécurité et la stabilité». Le Koweït, à travers son chef de la diplomatie, a exprimé son respect pour le choix du peuple tunisien et espère le voir surmonter la «délicate situation». En Palestine, les partis et formations politiques «se sont félicités samedi du soulèvement populaire» en Tunisie. Pour l’Egypte, le ministère des Affaires étrangères a appelé à l’unité du peuple tunisien, se disant confiant que «la sagesse des frères tunisiens les incitera à la retenue et empêchera le pays de plonger dans le chaos».
La sortie d’El Kaddafi
Alors que plusieurs pays du monde parlent du droit du peuple tunisien de vivre enfin dans la démocratie, le guide libyen Mamamar El Kaddafi, a fait, samedi soir, un discours contre la révolution tunisienne. Il aurait même eu «un long entretien téléphonique» avec le président déchu Ben Ali.
Le soutien de l’Occident au peuple tunisien
Il est à rappeler que l’Italie, l’Allemagne et les Etats-Unis affichent leur «soutien déterminé» au peuple tunisien et appellent à l’instauration «d’une vraie démocratie» en Tunisie. Du côté de la France, dont le régime a soutenu jusqu’au bout Ben Ali, le président français Nicolas Sarkozy a déclaré hier que la France a pris «les dispositions nécessaires» pour que d’éventuels «mouvements financiers suspects concernant des avoirs tunisiens en France soient bloqués». Dans une interview à paraître dans le Journal du Dimanche, l’AFP a rapporté que la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, a estimé que «l’aspiration des Tunisiens à plus de démocratie et à plus de liberté ne pourra être satisfaite que si des élections libres sont organisées dans les meilleurs délais».
Il est à noter qu’aucun de ces pays n’avaient critiqué le régime de Ben Ali avant qu’il ne tombe. Ainsi, les enjeux des prochaines étapes sont très importants.
Synthèse Nacera Chenafi