En marge du festival panafricain, organisé à coups de milliards, des centaines de travailleurs ne trouvent rien à manger.
Et leur entreprise risque de disparaître. Il s’agit des travailleurs de l’entreprise nationale des travaux publics, Sonatro.
Ils sont 320 travailleurs représentant les 11 unités de l’entreprise implantées dans différentes wilayas du pays, à venir, chaque matin, protester devant l’accès principal du siège de la Sonatro.
Ils contestent leur licenciement abusif et la faillite programmée de leur entreprise.
Cela dure depuis plus de trois mois. Et aucune autorité n’a daigné répondre à leurs cris de détresse.
« Nous ne demandons que notre droit. Nous voulons travailler et être payés en conséquence. Monsieur le Premier ministre, nous attendons votre intervention pour sauver notre seule source de revenu », lancent les contestataires que nous avons rencontrés hier devant le siège de la Sonatro à Réghaïa (est d’Alger).
Ils reviennent quotidiennement sur les lieux.
Ils attendent, sous un soleil de plomb, l’arrivée d’une décision qui fera revivre en eux un espoir dissipé depuis plusieurs mois.
Mais les jours semblent se suivre et se ressembler pour eux.
Ni les responsables de la Société de gestion des participations (SGP) dont dépend l’entreprise ni le ministère des Travaux publics, encore moins la centrale syndicale UGTA, qui est censée défendre les intérêts suprêmes des travailleurs, ne se sont manifestés pour, au moins, apaiser leur douleur.
« Est-il juste de mettre à la porte un travailleur qui a, à son actif, 26 ans de service ? » interroge Belkhiri Tahar, conducteur de poste à l’unité de Sonatro dans la wilaya de Tizi Ouzou.
Des larmes aux yeux, ce quinquagénaire exhibe la décision de son licenciement reçue en mai dernier.
Comme lui, de nombreux travailleurs qui ont servi dans l’entreprise de 20 à 34 ans ont reçu le même document.
Pour les remercier, ils ont été congédiés. « Nous avons été licenciés parce que nous avons dénoncé la mise à l’arrêt de l’entreprise », lance Goudjil Maâmar, travailleur à l’unité de Blida (26 ans de service).
« Depuis 1962 à ce jour, on n’a jamais licencié 300 personnes à la fois. Notre affaire va rester dans les annales », tonne pour sa part un autre contestataire.
Les licenciés ne comptent pas baisser les bras.
Du pain sec et de l’eau pour tenir debout
En dépit de leurs conditions lamentables, ils se disent prêts à poursuivre la lutte, tout en espérant la relance « de la mère des travaux publics » en Algérie qui est la Sonatro.
Leur seule arme est la résistance malgré un régime alimentaire très maigre : du pain sec et de l’eau de robinet.
« Nous ne demandons pas à être payés sans rendement. Il faut nous laisser travailler. Mais à chaque fois que nous demandons cela, les responsables réagissent violemment en recourant à des mesures de sanction », explique Benhellal Abdennour, père de 6 enfants (20 ans de service).
Les travailleurs demandent également à savoir qui veut la liquidation de la Sonatro.
Qui privilégie le privé au détriment des entreprises publiques ?
La question ne trouve aucune réponse pour le moment. Mais il y a une réalité.
De nombreux chantiers autoroutiers sont lancés, mais la Sonatro n’a été chargée de la réalisation d’aucun d’entre eux.
L’entreprise est à l’arrêt depuis 2006, alors qu’elle dispose d’un matériel très coûteux.
Il ne reste aujourd’hui qu’un seul recours aux travailleurs : l’interpellation du président de la République.
« Il ne reste ni dignité ni prospérité. Pour créer de nouveaux postes d’emploi, il faudra d’abord protéger ceux qui existent déjà », affirment les contestataires.