La crainte est grande de voir les ouvrages de propagande islamiste envahir les rayons ,Les filtrages opérés par la Douane seront-ils suffisants pour venir à bout de la littérature intégriste?
Le Salon du livre qui se tiendra dans quelques jours à Alger n’est pas dénué de nouveautés. Certaines heureuses, comme la participation de pays comme la Russie et le Liban, d’autres le sont moins comme celle de l’Egypte. Non que le Salon serait amoindri par la présence d’une nation quelconque mais la crainte est grande de voir les ouvrages de propagande islamiste envahir les rayons. D’ores et déjà, on annonce la présence de plus de 90 éditeurs égyptiens. C’est la plus grande délégation qui participera à cette édition. La superficie qui leur est dédiée est également importante. Cela tranche franchement avec le petit stand vide de l’Egypte en 2010. Cette année, il n’est pas écarté que toute la littérature subversive produite sur les bords du Nil par des islamistes soit livrée à des Algériens. Depuis les éditions successives des différents salons, il est constaté que des barbus ne trouvent aucune gêne à remplir des cartons entiers en exemplaires de livres religieux au contenu peu orthodoxe pour les proposer à des clients dans les librairies.
Certaines sources ont assuré qu’un filtrage minutieux est effectué. Il y a d’abord la liste des ouvrages qui parvient à Alger avant que les conteneurs ne soient, eux aussi, vérifiés et contrôlés. Le ministère des Affaires religieuses, les Douanes et les services de sécurité délèguent leurs fonctionnaires pour accomplir cette tâche qui n’est jamais de trop. D’ailleurs, cette vigilance ne date pas d’aujourd’hui puisque même au début des années 1990, des interdictions d’importation d’impression et de vente de livres subversifs était décrétée en Algérie. Il n’est un secret pour personne que les démagogues égyptiens sont les plus prolifiques dans ce genre de littérature islamiste il y a déjà plus d’un demi-siècle. Sayid Qotb avec Maâlim aâla ettrariq (Signes de piste) avait ouvert la voie à ce genre littéraire. Les méthodes du djihad armé y étaient décrites avec force détails.
Mais on a beau mettre des barrières, il y aura toujours des exemplaires de livres peu recommandables qui franchiront les frontières et qui tomberont entre les mains de tous ceux qui sont en mal de sensations fortes.
D’où le salut peut-il alors venir? Paradoxalement, ce sont les Egyptiens, eux-mêmes, qui militent en faveur d’un coup de balai dans cette jungle. Selon Al Masry Al Youm, un groupe d’intellectuels a pris l’initiative de concevoir une charte pour lancer ce qu’ils appellent une Constitution culturelle pour s’opposer «aux forces obscurantistes».
Parmi les signataires de l’appel, on retrouve des hommes de théâtre, des romanciers, des poètes mais aussi des critiques et des artistes-peintres. L’Egypte a souffert du terrorisme et de l’intégrisme au même titre que l’Algérie, comme en témoignent les attentats commis dans des sites touristiques ou les assassinats d’hommes politiques. Les salafistes, les Frères musulmans et les djihadistes sont dans le collimateur des intellectuels égyptiens.
Cette position, si elle arrivait à produire ses fruits, ne pourrait être que salutaire pour purifier le paysage culturel en Algérie. A condition, bien sûr, que le relais ne soit pas repris par d’autres nations étrangères ou par les Algériens eux-mêmes. A la faveur des révoltes arabes, de nombreux observateurs ont décelé une absence des islamistes dans la conduite de ces évènements et c’est sur cette même vague que les démocrates veulent surfer pour faire prévaloir des valeurs porteuses de plus de tolérance.
Certains y voient une opportunité pour mettre en exergue des éléments composant l’identité des peuples du Moyen-Orient autres que ceux basés sur l’Islam. Ce sont toutes ces nouvelles demandes qui constituent une véritable chance pour l’Algérie afin de réduire l’étendue du courant intégriste. A l’école, la diversité et l’ouverture sur d’autres cultures doivent être des credo.
A l’époque où Mohamed Hardi était ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales (de 1992 à 1993), il avait proposé que les préceptes des autres religions soient enseignés à l’école pour sortir de l’enfermement identitaire sans que cette recommandation ne soit jamais appliquée sur le terrain. Avant de bloquer des livres à l’aéroport, il y a de nombreuses manières de faire échec à l’intégrisme et au terrorisme.
L’endoctrinement et l’embrigadement ne peuvent pas être combattus si l’intellectuel est bridé. C’est à lui qu’il appartient de combattre les idées obscurantistes à travers sa production.