Les terroristes changent de tactique Une autre guerre au Mali ?

Les terroristes changent de tactique Une autre guerre au Mali ?

Malgré l’avancée spectaculaire des armées française et malienne, la guerre au Mali n’est donc pas près de se terminer. Les terroristes n’ont pas réellement été vaincus, ils ont été refoulés et «dilués» dans cette vaste zone désertique sahélienne. C’est le début d’une guérilla comparable à l’Afghanistan.

Un commando de terroristes a affronté dimanche des soldats maliens à Gao, la plus grande ville du nord du Mali. Le premier acte de guérilla urbaine dans une ville reprise par les soldats français et maliens, cible de deux attentats suicide en 48 heures.

Les terroristes, pilonnés par des frappes aériennes françaises, chassés quasiment sans combats des villes du nord du Mali qu’ils occupaient depuis près de dix mois, multiplient depuis plusieurs jours les actions : attentats suicide, pose de mines le long des routes et désormais opérations armées en pleine ville.

Les échanges de tirs entre soldats et islamistes ont éclaté en début d’après-midi au coeur même de la ville, près du commissariat central, qui était le siège de la police islamique quand les jihadistes occupaient Gao. L’attaque a été revendiquée par le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), l’un des groupes armés qui occupait depuis des mois Gao et le nord du Mali, y multipliant les exactions.

Il a aussi revendiqué l’attentat suicide visant dans la nuit de samedi à dimanche un poste de contrôle de l’armée malienne à l’entrée nord de Gao, qui aurait mis en fuite les militaires maliens et permis l’infiltration du commando. «Beaucoup de terroristes» auraient été tués lors de ces combats, selon un officier de l’armée malienne, pour l’instant l’information n’a pas été confirmée. «Des terroristes se sont retranchés dans le commissariat.

Quand des soldats maliens sont arrivés, ils leur ont tiré dessus. Des renforts maliens sont arrivés et ont été pris à partie par des islamistes dissimulés dans les bâtiments alentours », a expliqué un témoin à l’AFP qui a assisté au déclenchement de l’attaque. Une source de sécurité a évalué à «plusieurs dizaines» le nombre d’assaillants.

La fusillade a vidé les rues de Gao, contraignant les habitants à se terrer chez eux. L’armée française a par ailleurs indiqué avoir évacué une cinquantaine de journalistes du centre de Gao. En milieu d’après-midi, les tirs ont quasiment cessé autour du siège de la police islamique dans le centre de Gao, mais ils ont repris ensuite au gouvernorat, à environ 800 mètres plus au sud-est, vers le fleuve Niger.

Des détonations d’armes légères, de mitrailleuses lourdes et l’explosion de roquettes étaient nettement audibles depuis le centre-ville, avant de décroître en intensité à la tombée de la nuit, alors que la ville, sans électricité, était plongée dans le noir. Des militaires français patrouillent au côté de soldats et gendarmes maliens, très nerveux.

Ils mettent en garde les habitants contre la possible présence de tireurs embusqués, tandis qu’un hélicoptère français d’attaque Tigre survole la zone.

SCÈNES DE GUÉRILLA URBAINE

La progression des forces française et malienne au nord- Mali a permis de faire éclater le groupe ennemi : le «noyau dur» s’est réfugié dans l’Adrar des Ifoghas, tandis que le «second cercle» moins combatif est retourné vers son lieu d’origine, s’est fondu dans la population.

L’enjeu majeur est donc d’empêcher la remobilisation de ce second cercle. La tête des groupes terroristes tente aujourd’hui de passer à un nouveau mode d’actions, composé d’attentats-suicide, d’embuscades et de pièges contre les armées française et africaine en minant des voies de communication.

Si les premières attaques venaient à faire plusieurs dizaines de victimes dans les rangs maliens (armée déjà très fragile), africains ou français, le déploiement de nouvelles forces internationales, déjà difficile à obtenir, serait mis en danger. Les opinions verraient également d’un oeil beaucoup moins bienveillant l’intervention en cours. Un scénario d’Afganisation et d’enlisement français deviendrait alors plausible. Ce n’est pas le cas à ce jour.

UNE GUERRE LONGUE COMME EN AFGHANISTAN

Malgré l’avancée spectaculaire des armées française et ma-lienne, la guerre au Mali n’est donc pas prête de se terminer. Il y a un risque d’enlisement très important : seule la France est en première ligne, la Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) n’est pas encore arrivée au nord-Mali.

Cette guerre ne se fera pas rapidement d’autant plus que les problèmes politiques au Sud ne sont pas résolus. Les forces africaines arrivent au compte- gouttes au Mali. Toutes ces forces, qui ne sont pas formées ou pas suffisamment, devront faire face à des terroristes mieux formés et armés que prévu, qui maîtrisent en outre ce genre de territoire désertique.

Comment empêcher que la guerre recommence le jour où les troupes françaises et africaines repartiront ? Il faut d’abord reconstruire l’armée malienne. Avec l’aide des donateurs qui se sont réunis à Addis- Abeba, le 29 janvier, Bamako espère pouvoir exécuter une loi de programmation militaire ambitieuse : 1,37 milliard d’euros sur cinq ans.

Mais surtout, il faut trouver une solution politique à la question du Nord. Un État fédéral ? Dioncounda Traoré n’y croit pas : «Le Mali est un et indivisible. » Une large autonomie du Nord ? «Ce n’est pas parce que cette région pose problème qu’elle doit avoir des privilèges, répond-il. Le Mali est une mosaïque de minorités.» Le président malien préfère parler de décentralisation.

M. A. M.