Les terrasses de la Casbah et les terrasses d’Algérie… Plus qu’un réduit pour sécher le linge, des lieux de vie et des témoins de l’Histoire de l’Algérie. « لو نخلّي سطوحي يحكيو ويدويو نعمّر ألف كتاب »
Entre »boqalat », échanges de confessions, »tqar3ij » (sympathique exercice de voyeurisme et de médisance à l’algérienne), les terrasses d’Algérie ne savent plus quelle »neghma » entendre, quelle chanson écouter.
Auteur de ce beau partage, notre confrère et ami Mohamed Balhi, connait la dimension sociale de la terrasse . Le « stah » est loin d’être un réduit où on y accède pour sécher son linge et prendre quelques rayons de soleil. L’Ami Balhi « post » des toiles en connaissance de cause. À Biskra, sa ville natale et la ville de mes aïeux, la terrasse était plus qu’un lieu d’évasion. La nuit venue, c’était un lieu de vie, témoin et expression de tout un imaginaire social.
Si les terrasses de la Casbah, de Biskra, de Souika (Constantine), d’El-Hamri (Oran), des montagnes du Djurdjura et des autres contrées d’Algérie se mettaient à raconter les histoires et les conclaves dont elles étaient les témoins, elles rempliraient »alf ktab » et se raconteraient en mille livres. Avec une encre pas forcément »noire »!
Parce qu’elles culminent haut dans les cieux de la ville et se déploient comme un balcon naturel sans pareil sur la Méditerranée, les terrasses de la Casbah -joliment »racontées » dans ces photos- ont servi de superbe cadre d’inspiration pour les artistes. Ici sur ces terrasses, de belles »qacidates », de succulents poèmes ont été écrits par les maîtres. Et d’un trait de main! Au grand bonheur du « melhun » et du patrimoine musical algérien.
Autre facette importante, ces terrasses sont le témoin d’une séquence importante du mouvement national: Le « nidhal » et la « mouqawama » à Alger. Les architectes et urbanistes qui ont pensé et conçu la Casbah et ses « stiwhates » ont collé les terrasses les unes aux autres. Sociabilité et culture familiale obligent. La conception de l’architecture mauresque a été salutaire pour la « moukawama ».
De Ali La Pointe à Debbih Cherif, de Boualem Abbaza à Omar Hamadi, de Djamila Bouhired à Djouher Akrour, que de « khawa » et de « khawates » ont réussi à échapper aux tortionnaires des Massu, Bigeard, Le Pen en sautant de terrasse en terrasse. À l’image de Debbih Cherif, Ali La Pointe, Ramel, Hassiba Ben Bouali, de nombreux militants sont tombés dans les mailles de la plus répressive et la plus « sophistiquée » des techniques de l’anti-guerilla et de la guerre urbaine.
Un des Chahids de la révolution n’est pas tombé au « champ d’honneur » de la Casbah, mais ailleurs dans une de ces « villas » de « LA QUESTION » érigées par la IV République. Avant de mourir, le Biskri Larbi Ben M’hidi aimait venir à la Casbah, prérogatives sur la Zone Autonome d’Alger obligent. À ses passages clandestins à la Casbah, « Si Hakim » aimait, la nuit venue, s’installer quelques minutes sur une des terrasses de la citadelle. Pour prendre un bol de « nesma » nocturne, se libérer des pesanteurs de la clandestinité. Et papoter un peu avec Ali Le Pointe, le temps de dire au battant de Miliana: « Khouya Ali le chemin de la ‘Moukawama’ reste encore long et semé d’embûches. Et l’après indépendance ne sera pas de tout repos. Des complications vont se faire jour Khouya Ali! »