Tentative de coup d’Etat au Qatar. La rumeur balancée depuis deux jours sur les réseaux sociaux a connu un semblant de crédibilité quand elle a été reprise pendant un moment sur le site de la chaîne saoudienne Al-Arabiya avant d’être retirée. La chaîne saoudienne accuse la «chebiha électronique syrienne» d’avoir piraté son site pour y diffuser l’information.
Ce n’était qu’une rumeur sur les réseaux sociaux que les grands médias se sont abstenus de reprendre. Mais quand l’information est apparue sur le site d’Al-Arabiya, elle a fait frémir la toile. La nouvelle en question affirmait qu’un groupe de hauts gradés de l’armée qatarie a tenté de renverser l’Emir Hamad Ben Khalifa Al- Thani, lequel aurait eu la vie sauve grâce à l’intervention de l’armée américaine.
L’Emir et son épouse, indique le récit, ont été exfiltrés en hélicoptère vers un endroit sécurisé alors que des accrochages et des échanges de tirs ont eu lieu entre la garde royale et les auteurs de la tentative de coup d’Etat. L’information publiée sur le site d’Al-Arabiya donne même le nom de l’auteur du coup d’Etat manqué: le commandant de la garde royale, Hamad Ibn Attiya.
Certaines informations évoquent néanmoins une simple collision entre deux camions de transport de carburant à proximité du palais de l’Emir qatari, Hamad Ben Khalifa Al-Thani, qui a produit une énorme explosion. La zone en question aurait été fermée contraignant les automobilistes à emprunter des voies secondaires
Ce serait ces mesures autour du palais qui auraient donné naissance à la rumeur de coup d’Etat. Sur les réseaux sociaux où l’Emir du Qatar et la chaîne Al-Jazeera n’ont pas que des amis, la nouvelle diffusée par Al-Arabiya a été promptement reprise. Certains sites ont brodé dessus en exprimant très ouvertement le souhait que cela soit vrai. Un groupe sur facebook, nommé «La révolution qatarie contre Cheikh Hamad et Mouza», a annoncé la mort du général Hamad Ibn Attiya «tombé en martyr en défense de la terre, de l’honneur et de la dignité».
La chaîne saoudienne, qui mène campagne contre le régime syrien -tout comme sa «concurrente » qatarie Al-Jazeera-, a accusé «l’armée électronique syrienne» ou la «chebiha» d’avoir attaqué le site et d’y avoir diffusé des informations sur un «soi-disant coup d’Etat au Qatar»
Car il y a effectivement un fort soupçon de manip autour de ce coup d’Etat présumé dont on a parlé avec beaucoup de force au cours des deux derniers jours… Mais certains sites électroniques avaient déjà parlé, à la fin du mois de février dernier, d’une tentative de coup d’Etat. En mars également. Il faut dire que cela fait partie de l’histoire du Qatar. En 1995, c’est par un coup d’Etat que Hamad a déposé son paternel qui était en voyage à l’étranger.
COMME SUR AL-JAZEERA !
Le dernier coup d’Etat annoncé est, selon toute vraisemblance, une fausse information. Mais est-elle vraiment le fait des Syriens qui paraissent très naturellement intéressés à diffuser ce genre de nouvelles contre le Qatar dont les responsables appellent à «armer l’opposition» et ont transformé la chaîne Al-Jazeera en instrument de propagande hostile? C’est une possibilité.
Mais cela n’exclut pas l’hypothèse que les Saoudiens, qui ne tiennent pas l’émir du Qatar en haute estime, aient saisi une opportunité de lui faire savoir que le «Printemps» peut aussi le toucher. Au point où il en est, le régime syrien peut être accusé de tous les maux… Sans mentionner directement ces rumeurs de coup d’Etat, Mohamed Krichen, journaliste tunisien vedette d’Al-Jazeera, a publié, hier, sur le journal Al- Quds Al-Arabi un article sur le «mensonge électronique».
Il s’étonne que les fausses informations publiées sur les réseaux puissent trouver des gens pour les croire et les diffuser. Mohamed Krichen s’est abstenu de contextualiser son point de vue. Et on peut le comprendre, écrire qu’il réagit à la rumeur du coup d’Etat contre l’émir-patron aurait promptement fait réagir des lecteurs par un renvoi à la pratique journalistique, plus que contestable, d’Al-Jazeera.
Les libertés que la chaîne qatarie et son homologue Al-Arabiya se sont autorisées sur les règles basiques du journalisme relèvent du même mode de la manipulation. Et bien entendu, quand les médias entrent en guerre, tous les coups sont permis. La déontologie est un luxe dont ils se passent. Mais au fait… Y a-t-il eu coup d’Etat ou non? Qu’est devenu le commandant de la garde royale, Hamad Ibn Attiya… ? La partie de guerre médiatique n’est pas près de finir.
Salem Ferdi