Les rebelles targuis étaient arrivés, hier, à Tombouctou, poursuivant leur fulgurante avancée au nord du Mali, en mettant à profit le grand amateurisme et aventurisme politique des officiers subalternes qui ont pris le pouvoir, le 22 mars dernier à Bamako.
Moins de dix jours après la prise du pouvoir par l’autoproclamé Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE), Tombouctou, troisième grande ville du nord du pays, après Kidal et Gao, était hier, en passe de tomber entre les mains de la rébellion targuie.
Et cela se passe encore une fois, pratiquement sans combat, l’armée malienne, dont la chaîne de commandement paraît complètement perturbée par le coup d’Etat des officiers subalternes, choisissant de se replier sans livrer bataille.
C’est à la suite d’une journée de «combat» que les deux camps militaires de Gao sont tombés entre les mains des différentes factions de la rébellion. Le chef des putschistes affirme avoir «ordonné» à l’armée malienne «ne pas prolonger les combats» à Gao.
En réalité, les putschistes en sont réduits à essayer de donner une apparence de retraite ordonnée à une déroute en bonne et due forme. Principale ville du Nord Mali encore sous contrôle des forces gouvernementales, à environ 1.000 km au nord-est de Bamako, Gao abritait l’état-major de l’armée pour toute la région septentrionale. Il s’agit d’une grosse prise pour la rébellion. Les premiers témoignages sur l’entrée dans Tombouctou des membres de la rébellion confirment que les choses se passent sans résistance notable.
Le MNLA, Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) avait annoncé, hier matin, dans un communiqué qu’il cernait Tombouctou pour en «déloger le reste de l’administration politique et militaire malienne (…)». La seule résistance, faible, est venue des milices «arabes », mais sans faire le poids face aux rebelles. Le chemin de Tombouctou avait été pratiquement ouvert à la rébellion après que les forces régulières aient abandonné, dans la précipitation, le camp de Nyafunke situé à une centaine de kilomètres.
LE MNLA DIT ENTAMER LA «MISSION DE DÉFENSE
De repli en repli, les troupes régulières abandonnent le Nord et semblent converger vers des points de regroupement avant de prendre le chemin de Bamako où la confusion politique règne. La chute de Tombouctou est une étape importante pour la rébellion qui étend désormais ses positions sur l’ensemble du nord est du Mali.
Dans un communiqué publié, hier après-midi et signé par Bakaye Ag Hamed Ahamed, chargé de la Communication, des Informations et relais avec les médias, le MNLA annonce avoir «mis fin à l’occupation malienne dans la région de Tinbouctou», selon l’orthographe choisie par le mouvement. Il annonce que le drapeau de l’Azawad «flotte partout dans la région de Tinbouctou, de Ber à Léré, et assure son contrôle et administration ».
Les rebelles targuis qui avaient l’objectif «de libérer l’Azawad» ne devraient pas, à moins de changement de stratégie, pousser leur offensive plus au sud. Le communiqué laisse entendre que la rébellion entre dans une phase de consolidation des acquis territoriaux et souligne que « l’état-major entamera sa mission de défense et de sécurisation du territoire de l’Azawad, pour le bonheur de son peuple».
Le MNLA précise «une fois de plus, qu’il n’est lié à aucune organisation islamique comme le fait savoir une certaine presse et que l’objectif reste l’Azawad, son peuple et sa liberté». Il demande à la Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) qui a menacé d’intervenir à faire preuve de «plus de retenue face à son message d’ingérence militaire dans l’Azawad, et l’invite à jouer pour l’option politique afin de rétablir la paix».
LA JUNTE DE BAMAKO AUX ABOIS
Les rebelles targuis passant en mode défensif, les militaires en débandade pourraient se retrouver à Bamako pour une explication qui risque d’être violente avec des putschistes aux abois. Ceux-ci ont annoncé, hier, le rétablissement immédiat de la Constitution et les institutions et des consultations «avec les forces vives du pays» dans le cadre d’une transition, sans aucune précision sur son contenu et sa durée. Les propos du capitaine Amadou Sanogo, chef de la junte, ne semblent pas prendre en compte du fait que les choses évoluent, dans le sens de la dégradation pour le pouvoir central de Bamako, d’heure en heure.
Il a ainsi annoncé des consultations pour la «mise en place d’organes de transition en vue de l’organisation d’élections apaisées, libres, ouvertes et démocratiques auxquelles nous ne participerons pas». Le nord du pays perdu et une armée en déroute qui revient sur Bamako. Les heures qui viennent seront difficiles pour une junte militaire qui a perdu trois grandes villes en quelques jours… Le Mali a perdu le nord…
Salem Ferdi