Au terme d’un nouvel accord entre Islamabad et les islamistes, un cessez-le-feu a été conclu vendredi. Mais ce pourrait n’être qu’une trêve «tactique».
Ils sont partis comme ils étaient venus. Au terme d’intenses négociations entre le gouvernement de la Province de la Frontière du Nord-Ouest (NWFP) et Sufi Muhammad, le chef religieux qui avait négocié l’accord de Swat, conclu en février, les talibans ont commencé vendredi à se retirer du district de Buner.
«Nos hommes ont entamé un retrait progressif de Buner», a confirmé Muslim Khan, le porte-parole des talibans de Swat. Les autorités de la NWFP assurant pour leur part que la région où les combattants islamistes étaient entrés par surprise le 6 avril serait «libérée» avant la fin du jour.
On sait bien peu de chose de ce nouveau «deal» entre le gouvernement régional et Sufi Mohammad. Mais ce dernier revirement du chef religieux, qui n’a rien d’un «taliban modéré», a de quoi laisser perplexe.
Il y a quelques semaines encore, Sufi Mohammad haranguait les foules à Mingora, dans la vallée de Swat, affirmant que la démocratie n’était pas compatible avec la charia, la loi islamique. Et vendredi, le voici qui fait le voyage jusqu’à Buner, en compagnie de membres du gouvernement, pour aller demander aux combattants islamistes de quitter les lieux. Quant à Muslim Khan, n’affirmait-il pas, la semaine dernière encore, qu’«al-Qaida trouverait un refuge sûr dans tous les territoires tenus par les talibans» ? Buner est à moins de 100 kilomètres d’Islamabad.
Une minorité qui «terrorise» la population
De quoi donner des frissons à une communauté internationale effrayée de voir les talibans et leurs amis d’al-Qaida se rapprocher de la capitale, et donc du bouton nucléaire. Critiqués de toutes parts, les Pakistanais se disent prêts à reprendre leurs opérations militaires à Swat s’il le faut. «Seule une nouvelle offensive de l’armée peut encore sauver le pays des talibans», affirme l’ex-général Mahmoud Durrani. Mais, souligne-t-il, «il faut que ce soit le gouvernement civil qui en prenne la responsabilité. Tout le monde s’attend à ce que l’armée entre dans le jeu pour reprendre le pays en main, mais ce serait une grosse erreur.»
La faiblesse du gouvernement d’Islamabad repose-t-elle sur la crainte de s’aliéner l’opinion publique pakistanaise, dont on dit qu’elle se «talibanise» à grands pas ? «Avec tout ce que font les talibans, j’ai le sentiment que la population commence à se réveiller, juge Durrani. Les talibans sont une minorité, mais ils terrorisent les Pakistanais, cela ne veut pas dire qu’ils font des émules.»
Vendredi matin, le général Ashfaq Kayani, le chef des armées, a justifié l’accord de Swat, le qualifiant de «pause tactique». «La pause observée dans les opérations ne doit pas être vue comme une concession aux militants, mais comme une chance donnée aux efforts de réconciliation» nationale, a-t-il dit. Ajoutant, dans la foulée : «L’armée est déterminée, à tous les niveaux, à éliminer les talibans qui mettent en danger la paix des citoyens et défient l’autorité de l’État.»
Reste à savoir ce que mijotent les talibans. Ceux de Swat, qui font grand bruit en ce moment, sont à la solde du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP) de Baitullah Mehsud. Du Sud-Waziristan, où il a sa base, Mehsud dirige des attaques tous azimuts. Il travaille main dans la main avec les djihadistes du Pendjab, à l’Est, dont la vocation première était de monter des attaques au Cachemire indien. S’ils continuent de vouloir «saigner l’Inde de mille plaies», ils se sont aussi reconvertis dans la lutte contre l’État pakistanais.
Enfin, Baitullah Mehsud envoie des combattants en Afghanistan, pour y lutter contre les forces de l’Otan. Bref, le retrait de Buner pourrait, lui aussi, être «tactique» pour les militants islamistes. Depuis 2004, date des premières grandes offensives de l’armée pakistanaise dans les Zones tribales, les talibans sont familiers des allers-retours entre guerre et paix.