Les tables interactives s’installent dans les bureaux

Les tables interactives s’installent dans les bureaux

Plateau de jeu, catalogue numérique, support éducatif : les tables interactives s’installent dans les bureaux et les magasins avant d’intégrer nos salons.

Posez deux doigts sur la table, écartez-les et voici l’image de la Terre qui s’agrandit. Faites glisser une main vers la droite, et la planète se met à tourner. Écartez encore les mains pour localiser votre ville, puis attrapez la fenêtre qui apparaît au coin de l’écran pour afficher les informations historiques et touristiques à son sujet. De la science-fiction ? Pas vraiment. Cette démonstration de Google Earth, qui rappelle les manipulations sur écran de Minority Report, le film de Spielberg, illustre les capacités des tables interactives, qui mobilisent de plus en plus d’industriels. À vrai dire, l’idée de ces supports ne date pas d’hier. Le MIT travaille depuis plusieurs années à ce concept et le projet Surface de Microsoft, l’un des pionniers en la matière, a vu le jour en 2001, suivi d’un premier prototype en 2003.

En 2006, c’était au tour de Philips de présenter l’Entertaible, une table de jeu tactile de 30 pouces de diagonale (76 cm) qui reproduisait le plateau d’un jeu de société sur lequel on déplaçait des pions réels et on sélectionnait des cases au doigt . Plus récemment, d’autres constructeurs se sont pris au jeu, comme Intuilab, Circle Twelve, Panasonic ou Mitsubishi Electric . Dans la majorité des cas, le principe est le même. On se trouve face à une sorte d’iPhone géant, avec un large écran positionné à l’horizontale – la surface de la table – et une interface qui permet de manipuler des éléments au moyen de gestes de la main. Caractéristique principale de l’écran, il est multitactile : plusieurs utilisateurs peuvent en même temps manipuler des éléments affichés à sa surface avec un ou plusieurs doigts. « L’un des bouleversements de l’écran horizontal, c’est la suppression des notions de haut et de bas : des utilisateurs face à face n’ont qu’à tourner un document du bout du doigt pour le positionner face à eux», note Vincent Encontre, directeur général d’Intuilab, une société toulousaine spécialisée dans le développement d’applications pour tables interactives .

En y regardant de plus près, on s’aperçoit que la table interactive dissimule un rétroprojecteur sous sa surface. C’est lui qui affiche les informations que l’utilisateur manipule à l’écran. Plusieurs caméras infrarouges sont également placées sous l’écran pour détecter la pression des doigts et leurs mouvements. Le tout est relié à un ordinateur qui analyse ces informations pour gérer les applications et les données affichées. À l’avenir, des tables intégreront certainement des écrans tactiles mais la technologie actuelle ne le permet pas encore.

Exercices scolaires et commandes personnalisées

Pour l’instant, une majorité des applications sont encore à l’état de projet ou de démonstration. Parfois bluffantes. Mais de plus en plus d’éditeurs se mettent à imaginer des usages professionnels ou grand public : aide à la vente, éducation, communication, loisirs. Pour Vincent Encontre, «on n’a pas encore trouvé la killer application des tables interactives, celle que l’on ne pourrait utiliser sans ce dispositif et qui s’imposerait comme une évidence, comme le tableur l’est devenu sur le PC».

La table interactive intéresse le monde de l’éducation. Elle donnerait la possibilité aux élèves de travailler en groupe, chacun apportant son écot au projet commun, ce qui n’est que rarement le cas avec un ordinateur unique partagé par plusieurs enfants. Répartis autour d’une table interactive comme celle du projet Smart, les élèves manipuleraient divers éléments (photo, texte, vidéo, etc.) et les positionneraient à volonté, chacun intervenant à son rythme. Dans une salle comprenant plusieurs tables, l’enseignant pourrait diffuser à partir de la sienne les exercices à réaliser, surveiller à distance les activités de chaque groupe et intervenir sur leurs travaux.

La table interactive commence également à s’imposer dans les salles de réunion pour réaliser des présentations sur lesquelles plusieurs participants peuvent intervenir directement. À l’usage, pointer du doigt un élément se révèle plus pratique que de l’évoquer oralement. On prévoit aussi son développement dans les magasins : le client l’utiliserait alors pour feuilleter le catalogue, trier et comparer des produits. Il pourrait également personnaliser sa commande : en quelques mouvements de doigt, il choisirait un modèle dans le catalogue d’un constructeur automobile, le visualiserait dans les diverses teintes disponibles avec telle ou telle option. Dans une boutique d’ameublement, il disposerait les meubles dans une représentation virtuelle de son habitat ou même élaborerait en détail sa cuisine ou sa salle de bains. « Lorsque vous avez participé à la création de votre projet, vous êtes plus prompt à l’acheter » souligne Vincent Encontre. On voit aussi des tables interactives s’installer dans des bars et des restaurants pour donner au client la possibilité de passer sa commande en sélectionnant les images des plats, de jouer en attendant d’être servi puis de régler sa note en pianotant du doigt.

Visualiser le contenu d’un mobile

D’autres tables interactives, plus évoluées, pourront dialoguer avec des objets du monde réel. Dans les magasins, certaines pourront lire les informations contenues dans la puce RFID d’une carte de fidélité pour afficher sur leur écran des promotions ciblées. Mieux : il existe des tables exploitant la technologie NFC (Near Field Communication), qui fait communiquer directement deux appareils électroniques posés l’un contre l’autre. Placez un téléphone portable sur la surface de la table pour afficher ses caractéristiques et le comparer à d’autres modèles posés côte à côte. Chez Panasonic, la table permet de visualiser, de déplacer ou d’effacer toutes les données contenues dans un téléphone portable . Et aussi de programmer différents appareils domestiques : chauffage, climatisation, téléviseur, enregistreur, etc. Une autre application transfère sur une table des photos pour les trier, les agrandir, les imprimer ou encore les transmettre par Internet. Le même type d’application existe pour la musique ou la vidéo. On est facilement séduit par ce principe qui donne l’impression de manipuler de vraies photos avec, en plus, la possibilité de les agrandir à loisir et de les tourner en tous sens.

Même si des tables interactives sont déjà utilisées professionnellement (notamment dans la chaîne de bars restaurants uWink), il faudra attendre encore un peu pour les voir dans notre quotidien : actuellement, le prix d’une table seule, sans application, démarre autour de 10 000 €. Mais, rappelle Vincent Encontre, « il existe déjà des tables dual touch (où l’on peut utiliser seulement deux doigts, NDLR), aux applications plus limitées, qui ne coûtent « que » 3 500 à 4 000 €. Et l’on connaît le sens de l’histoire : les produits vont s’améliorer en même temps que les prix vont baisser ». Patience, donc.