Que le scénario d’une chute du régime syrien avant la fin du mois du Ramadan ait échoué (ce qui s’était produit dans le cas libyen) n’est certainement pas étranger aux menaces d’intervention militaire proférées lundi dernier par le président Barack Obama. Prétextant un possible usage d’armes chimiques par Damas, il a lancé un sévère avertissement au régime syrien. «Jusqu’ici, je n’ai pas donné l’ordre d’intervenir militairement (…)
Nous surveillons la situation de très près, nous avons mis sur pied un ensemble de plans (…) et nous avons fait savoir de façon claire et nette à toutes les forces de la région qu’il s’agissait d’une ligne rouge pour nous, et qu’il y aurait des conséquences énormes.» Tirant dès le début leurs propres conclusions du conflit, Washington comme Paris n’ont jamais manqué aucune occasion pour réitérer que toute solution politique en Syrie passait par le départ de Bachar al-Assad du pouvoir. Les deux capitales l’ont d’ailleurs rappelé au nouveau médiateur international, l’Algérien Lakhdar Brahimi, rejetant au passage l’idée d’un départ négocié du président syrien, idée proposée mardi dernier par le vice- Premier ministre syrien en visite à Moscou, sans doute avec l’aval de la Russie. De son côté, arguant de son impossibilité à faire face à l’afflux de réfugiés syriens sur son territoire, la Turquie a relancé l’idée de création d’une zone d’exclusion aérienne. Moscou et Pékin sont, bien sûr, d’un avis différent. Dans une mise en garde adressée à l’Occident, ils ont jugé que toute violation du droit international et de la charte des Nations unies était inacceptable. Qui plus est, le ministre russe des Affaires étrangères a fait savoir que «la réconciliation nationale est le seul moyen d’arrêter au plus vite l’effusion de sang et de mettre en place les conditions pour que les Syriens eux-mêmes s’asseyent à la table des négociations, et définissent le destin de leur pays sans aucune ingérence extérieure », ajoutant : «La seule chose que doivent faire les acteurs étrangers est de créer les conditions pour l’ouverture d’un dialogue.» Une chose est sûre : sur le terrain, aucun des protagonistes – Armée syrienne libre (ASL) ou forces loyales à Bachar – ne s’est assuré un avantage décisif. Le soutien financier et militaire de l’Arabie saoudite et du Qatar, l’apport grandissant des djihadistes, en provenance des pays arabes et musulmans, aux côtés de l’ASL, et l’appui logistique des services de renseignements occidentaux et turcs, qui forment et entraînent l’opposition à Bachar, n’ont pas permis de faire évoluer le rapport des forces militaires de manière significative. Dans ces conditions, si aucune solution politique de sortie de crise n’intervenait, cette guerre entre Syriens de différentes confessions risquerait de s’installer dans la durée comme cela s’était passé au Liban. Avec cependant une possible réaction en chaîne régionale. C’est déjà le cas au Liban où des affrontements opposent partisans et adversaires du régime syrien. L’Irak, où l’intervention américaine a laissé un pays exsangue, en proie à un terrorisme sanglant, n’est pas à l’abri. La Jordanie pourrait être entraînée à son tour. Même la Turquie, dont le territoire abrite une base secrète de la CIA et des services britanniques et français qui aident les rebelles syriens, est exposée : le fait que les Kurdes syriens, sous l’influence du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, turc) et des partis kurdes irakiens, aient décidé de se prendre en charge et de rester à l’écart du conflit opposant Bachar à ses adversaires, inquiète fortement Ankara. Ce à quoi se greffent les menaces israéliennes à l’endroit de l’Iran, coupable aux yeux des Occidentaux et des pays du Golfe de chercher à se doter de l’arme nucléaire. Au regard de ce sombre tableau, où derrière les questions concernant les droits de l’homme, la démocratie et le pluralisme, se profile au grand jour une alternative politico-religieuse au régime de Bachar, raison pour laquelle Saoudiens et Qataris et leurs affidés islamistes se sont investis plus que jamais dans ce conflit, et de possibles conséquences régionales, il est permis de penser que le peuple syrien dans sa diversité confessionnelle et politique est devenu l’otage d’un conflit régional et géopolitique qui le dépasse.
H. Z.