Ils étaient plus d’un millier à rallier la capitale burkinabée pour assister au match aller entre les étalons et les Fennecs. Une présence qui n’est pas passée inaperçue à Ouagadougou où la population n’arrivait toujours pas à comprendre cet amour des Algériens pour leur équipe et le fait qu’ils se déplacent en grand nombre, si loin de chez eux, pour un match de football.
Jour du match, midi passé, le stade du 4-Août est occupé par les Algériens. Pas un seul Burkinabé ne s’est encore manifesté et les hautes autorités du pays craignaient énormément ce peu d’engouement pour la chance qui se présente aux étalons de se qualifier pour la première fois dans leur histoire en Coupe du monde. Pourtant, les prix des billets ont été proposés pour presque rien (un euro) et les hautes autorités ont multiplié les appels pour une mobilisation générale de la nation derrière leur équipe.
Sur la route qui mène de l’aéroport au stade, quelques drapeaux burkinabés sont hissés sur des commerces. Le spectacle, ce samedi, c’était ces Algériens qui débarquaient à Ouaga. Tout le monde les regardait, les saluait, leur faisait des gestes, en guise de pronostic du score du match.
Pour les Algériens, cela commence à devenir une habitude ces voyages de masse soutenus par l’état. Depuis le fameux match de barrage face à l’égypte au Soudan, les fans des Verts ont été pris par cette maladie voyagiste et ils ne ratent aucune sortie désormais.
C’est la cas de Bendjebbar de Tiaret. à 65 ans, ce grand-père a fait le tour de l’Afrique avec les Verts et préserve toujours la forme de ses 20 ans. Avec lui, l’ambiance est garantie. Désormais, il y a des habitués, ceux qui se sont croisés au Soudan, en Afrique du Sud, puis en Angola, et qui se retrouveront dans un mois à Blida. Ceux-là sont des inconditionnels.
Les autorités algériennes n’ont voulu prendre aucun risque en organisant minutieusement ce déplacement. Dès 2h du matin, les groupes de supporters étaient regroupés dans l’aérogare des vols spéciaux. Une ambiance de fête y régnait, présageant ce qui attendait les Verts le matin à Ouaga. Un déplacement qui a fait le bonheur des revendeurs à la sauvette qui, même à 2h du matin, proposaient écharpes et drapeaux à la vente devant l’entrée de l’aérogare.
D’autres espéraient embarquer. L’un d’eux suppliait ceux qui entraient : «J’ai mon visa, j’ai fait mon vaccin, il ne me reste juste une carte d’accès pour embarquer.»
à 3h du matin, encore du monde dehors qui espérait être embarqué en toute dernière minute.
L’enceinte de l’aérogare s’est transformée en véritable stade où supporters de l’USMH et du MCA, notamment, ont créé une ambiance de folie. Personne ne pouvait dormir, et pourtant, il était déjà 4h du matin.
Une heure après, le premier vol est annoncé, c’est la cohue devant la porte d’embarquement, une vitre vole en éclats blessant légèrement quelques supporters.
Ce n’est qu’à 7h que le premier vol décolle. Suivi d’un autre, une demi-heure après. Une opération qui aura nécessité la mobilisation de beaucoup de monde, entre employés d’Air Algérie, de l’EGSA, de la Police des frontières, mais aussi des sponsors de l’équipe nationale.
Durant toute la nuit de vendredi, les P-DG d’Air Algérie, de l’EGSA et de Mobilis sillonnaient l’aérogare et donnaient des instructions pour que l’opération se déroule dans les meilleures conditions.
Le stade commence à se remplir à partir de 13h30, et le son des vuvuzelas, ajouté à la forte chaleur (plus de 30 degrés), rendait la longue attente insupportable.
Les gradins ont fini par se remplir avant la première apparition des joueurs pour prendre la température du terrain. Et premier, fumigènes tirés de la tribune des supporters algériens.
Il faut dire que beaucoup de hooligans ont fait le déplacement à Ouaga. Certains consommaient au grand jour de la drogue, alors que d’autres étaient complètement défoncés.
Les femmes qui ont fait le déplacement à Ouaga, même si elles n’ont pas rencontré beaucoup de difficultés, n’ont pas eu droit à une partie de plaisir non plus.
Le millier de supporters algériens ont enflammé le stade, parvenant souvent à faire taire toutes les tribunes des Burkinabés. Mais des hooligans, les mêmes, ont tout fait pour gâcher la fête en jetant des bouteilles d’eau, tantôt sur les policiers, tantôt sur les supporters burkinabés. Les encadreurs dépêchés à partir d’Alger n’ont rien pu faire.
Mais si la partie de football a été si intense au point de n’avoir pas laissé le temps aux supporters de souffler, ces derniers ont longuement applaudi les joueurs à la fin de la rencontre et certains sont même descendus sur le terrain pour arracher les maillots des joueurs. Remontés contre l’arbitre de la rencontre, les supporters sont, toutefois, restés confiants, en assurant unanimement qu’à Blida, il suffit de battre les étalons par 1 à 0 pour se qualifier. Et déjà, on commence à songer aux billets de stade pour le match retour et on essaye de s’organiser pour ne pas être pris au dépourvu.
Mais le cauchemar attendait les supporters algériens au sortir du stade, pas de la part des Burkinabés qui les saluaient tout le long du trajet, mais de celle des organisateurs de ce voyage qui ont laissé un millier de supporters livrés à eux-mêmes devant un vaste champ servant de marché de gros des fruits et légumes, et où l’on a installé un chapiteau pour faire passer les supporters. Las d’attendre des heures et des heures sans voir pointer ces organisateurs, beaucoup de jeunes sont sortis en ville pour chercher à boire ou à manger, alors que tout le voyage organisé était tracé de sorte que les supporters soient encadrés de l’aéroport au stade et du stade à l’aéroport pour ne prendre aucun risque.
La fatigue, la soif, la faim et surtout l’indifférence des organisateurs ont poussé à bout bon nombre de supporters, dont certains ont carrément craqué.
Alors que le regroupement des supporters était prévu vers 20h pour des départs à partir de 22h, c’est vers minuit que le premier avion avait décollé.
Attendus à Alger à 1h du matin, les 4 avions affrétés pour ce mini-pont aérien ont finalement commencé à arriver entre 5 et 6h du matin.
épuisés par la chaleur, la forte humidité et les insectes de Ouaga, les supporters commentaient à leur descente d’avion leur périple burkinabé : «Nous sommes heureux de retrouver l’air du pays. Franchement, notre climat est incomparable.» En regagnant les bus de l’aérogare, ils ironisaient en disant : «On comprend mieux pourquoi tant d’Africains immigrent chez nous et ne veulent plus en repartir.»
En fait, la plupart des supporters étaient choqués par l’écart du niveau de vie entre Alger et Ouaga. Mais malgré leur pauvreté, les Burkinabés sont d’une gentillesse et d’une éducation à donner des leçons aux Algériens, à commencer par apprendre à faire la queue, et surtout, à respecter l’autre.
A. B