« Il y a désormais un grand débat dans tout le pays, il a été plus intense que sur la plupart des autres votations. C’est un premier stade. La première grève générale pour la rente de vieillesse [la retraite, NDLR] a eu lieu en 1918, mais elle n’a été instaurée que 30 ans plus tard ! Je pense qu’à la prochaine votation sur le revenu de base, dans cinq ou dix ans, ça passera ».
Le gouvernement suisse a fait campagne contre ce projet : à l’écouter, il risque d’inciter les Suisses à quitter leur travail et il coûterait 25 milliards de francs suisses par an au contribuable : il faudrait pour le financer recourir à de nouveaux impôts ou amputer des dépenses publiques.
Les défenseurs du revenu de base rétorquent que la Suisse est un pays suffisamment riche pour pouvoir mettre en place cette petite révolution : une taxe minime sur toutes les transactions électroniques permettrait aisément de la financer.
La somme de 2.500 FS peut sembler très élevée (les défenseurs français du revenu de base évoquent plutôt une somme inférieure à 1.000 euros), mais il faut savoir qu’en Suisse, le seuil de pauvreté est estimé à 2.200 FS. Quant au risque d’une course vers la sortie du travail, les sondages semblent le minimiser : selon un sondage de janvier, seuls 2% des sondés ayant un travail affirment qu’ils le quitteraient si un tel mécanisme était mis en place.
Un collectif hétérogène (plutôt de droite)
C’est un collectif de citoyens d’horizons divers qui a lancé ce débat en Suisse. On ne peut imaginer plus hétérogène : des libéraux de Zürich, des entrepreneurs, des amis « antroposophes » de Bâle, un social démocrate de Bern, un socialiste de Genève… « C’est bien simple, je suis le seul type de gauche du comité d’initiative. Il y a bien un autre socialiste, Oswald Sigg, mais il est très centriste », s’amuse Gabriel Barta. En dehors des Verts, aucun grand parti, aucun grand syndicat ne soutient l’initiative.
Une pétition a été lancée par le collectif en 2012. Elle a réuni plus de 100.000 signatures (126.000 exactement), le seuil nécessaire pour avoir le droit d’organiser une « votation ». Pour leur campagne, les défenseurs du RBI n’ont pas mis en avant la lutte contre la pauvreté ou contre les inégalités : ils ont surtout vanté la liberté individuelle qu’apportera à chacun l’existence de ce revenu de base. Chacun sera libre de ses choix de vie ; et en remplaçant les diverses allocations publiques par un revenu inconditionnel, on rendra, selon eux, le pouvoir aux citoyens.
Les initiateurs du projet référendaire insistent également beaucoup sur la poussée actuelle de l’automatisation (algorithmes, robots…), qui va, selon eux, détruire massivement des emplois. Professeur de Finances à l’Université de Zürich, Marc Chesley, qui défend ele RBI, explique ainsi dans une vidéo :
« De plus en plus de robots et d’ordinateurs sont présents, donc la production est plus efficace, l’offre est plus efficace. Mais la demande souffre, parce que les robots ne vont pas au cinéma, ne partent pas en vacances. »
Et fin avril, une « manifestation de robots » (des militants déguisés) a été organisé à Zürich pour marteler l’idée de la nécessité d’un contrat social entre l’homme et la machine. Slogan : « Humains, on veut travailler pour vous ! »