Des scènes quasi quotidiennes
Les enseignants, les psychologues et les directeurs s’interdisent d’en parler.
Ce qui se passe dans les établissements scolaires est très grave. C’est la loi de la jungle. D’une part, ce sont les délinquants et les bandits qui font la loi dans les cours des écoles suscitant la peur des élèves, des enseignants, des adjoints de l’éducation, du personnel administratif, des surveillants généraux et même des directeurs.
La loi du silence est imposée à toutes ces catégories, qui ont peur d’en parler. La tutelle soumet toute personne à autorisation pour parler à la presse et autres chercheurs qui travaillent sur la violence en milieu scolaire. La famille de l’éducation subit le diktat des délinquants et autres bandits ainsi que l’omerta des pouvoirs publics. Pourtant, ce qui se passe est alarmant. Dans nos écoles, il ne s’agit plus de la violence émanant des élèves et des enseignants. C’est beaucoup plus grave. Les cours des établissements deviennent des arènes de combats à l’arme blanche.
Des bandes font irruption dans les établissements où des élèves sont agressés à l’arme blanche. Des bagarres entre groupes d’externes se déroulent dans les cours. Des enseignants sont agressés dans les classes.
Notons que personne n’a le droit de parler de ce mal sans l’autorisation de la direction de l’éducation. Ceux qui ont accepté de parler l’ont fait sous le sceau de l’anonymat. Au mois de décembre dernier, une bande d’une vingtaine de jeunes venue de Boumerdès a fait irruption dans la cour du lycée de Boudjima.
Une bagarre générale avec couteaux et barres de fer s’en est suivie. Bilan: des élèves pris de panique restent sous le choc pour longtemps.
Les lycéens blessés en garderont des séquelles toute leur vie. Pire que tout, la bataille a duré deux journées entières. Après une journée de bagarre, la bande est revenue le lendemain avec les mêmes armes et la même méthode barbare. «C’est l’enfer à l’intérieur. Je n’oserai plus y mettre les pieds», affirme, en tremblant, une élève encore sous le choc. Elle a fui avec des camarades. Certains enseignants ont relevé, mais dans l’anonymat, l’absence des services de sécurité. Quelques mois auparavant, le directeur de l’école primaire d’Aït Ziri à Aït Yahia a été agressé dans son bureau par un parent d’élève. Et les exemples se comptent par centaines chaque année.
Les cas d’agression d’enseignants par des élèves ou vice versa deviennent à présent des affaires banales et anodines. Personne ne parle de cette enseignante qui a été battue par un élève ou de cet enseignant qui a agressé un élève. Aujourd’hui, ce sont des bandes droguées qui pénètrent dans les cours des établissements. La consommation de la drogue se banalise de plus en plus. Face à cette situation d’aucuns se demandent aujourd’hui si les associations des parents d’élèves servent à quelque chose. D’ailleurs, la fédération de ces dernières semble avoir d’autres chats à fouetter. Le président est accusé de laisser-aller.
Les membres du collectif ont donc décidé de lui retirer la confiance. Mais en fait, sur le terrain, comme le reconnaissent les enseignants et le personnel de l’éducation, ces associations sont souvent absentes. «Il y a une démission totale des parents. Pour preuve, ils ne sont généralement que 20 à 30 parents qui répondent aux invitations pour assister aux réunions de l’association alors que les élèves inscrits dans notre lycée sont au nombre de 1 200» affirmait une parente et membre d’une association des parents d’élèves. D’autres témoignages rejoignant cette dame sont nombreux. «Les parents d’élèves sont toujours absents aux réunions, mais toujours présents pour retirer les 3000 DA d’aide», poursuit un autre parent.
Ces structures associatives ne sont, en effet, pas visibles sur le terrain. Des enseignants leur reprochent également leur manque d’action face à la violence. «Oui, moi, en tant qu’enseignant, je vois rarement un parent venir s’enquérir de la situation de son fils.
Par contre, ils sont nombreux à venir agresser, du moins verbalement, un enseignant lorsque son fils lui raconte n’importe quoi», se déchaîne un professeur de français. Des centaines de témoignages fusent de partout pour réclamer une réflexion sur le rôle de ces associations de parents d’élèves. «Lorsque nous étions à l’école, le maître était respecté et craint. C’était comme un père ou un grand frère. Mais n’avez-vous pas remarqué que le père et le grand frère, aujourd’hui, ne sont pas considérés par leurs enfants comme avant? L’enfant agit à l’école comme il agit à la maison», rétorque un homme à la retraite qui a fait l’ancienne école.