Les secrets des reports de la 3G : une attribution anticipée

Les secrets des reports de la 3G : une attribution anticipée

Dans le cadre de l’introduction du Haut Débit Mobile en Algérie, l’ARPT annonce que la date d’ouverture à la concurrence pour l’établissement et l’exploitation de réseaux publics de télécommunications mobiles de troisième génération (3G) est fixée au jeudi 1 er août 2013.

Les dessous de l’affaire de la 3 G.

Nous sommes dans le énième acte d’une puérile gabegie. En optant pour un appel à la concurrence nationales, l’ARPT a décidé de protéger le marché pour les opérateurs déjà installés et ce au détriment des bienfaits de la concurrence internationale. Les télécommunications en Algérie sont-elles, d’ores et déjà, une chasse-gardée ? Par qui et pour qui ?

Un élément semble élucider le doute sur les raisons du déblocage de cette procédure : l’appel à la concurrence concerne trois licences et non une seule : Trois licences pour trois opérateurs. 1- OTA propriétaire de Djezzy/allo le partage du gâteau est facile. 2-Algérie Telecom opérateur historique propriétaire de Mobilis–Watanya Telecom Algérie propriétaire de Nedjma. Voilà qui augure d’un partage qui arrange tout le monde sauf une véritable concurrence.

L’incontournable et omniprésente affaire Djezzy

Il n’est pas possible de lire ce lancement annoncé et retardé à plusieurs reprises, sans faire le lien avec l’affaire et l’opérateur de Djezzy qui semble décider pour la téléphonie en Algérie. Pour la téléphonie et la 3G, un sinistre et opaque scénario se déroule sous nos yeux. Les scandales répétés et dénoncés ne semblent ébranler les acteurs des multiples gabegies qui ruinent le pays, en l’absence d’un Etat capable de protéger les personnes et les biens. Les masques tombent et le rideau se lève sur une puérile comédie. Il est des scandales qu’on dénonce, il y’en a qui passent, enveloppées, dans les apparats d’une bonne gouvernance.

Premier acte : le report de la consultation

Le ministre des Télécommunications n’a même pas été gêné en faisant, il y a quelques mois, les déclarations suivantes : « Pour préserver les intérêts de l’Etat et parce que Djezzy sera, dans trois semaines au plus tard, une société algérienne à hauteur de 51%, mais aussi pour ne pas priver cet opérateur d’accéder au marché de la téléphonie mobile de troisième génération, nous avons décidé du report du lancement de la 3G».

Pour rappel, un avis d’appel à la concurrence avait été lancé, par l’ARPT pour l’octroi de licences de téléphonie mobile de 3e Génération (3G) le 15 septembre 2011. Le calendrier de la procédure révèle que l’octroi provisoire des licences 3G était fixé au 23 octobre 2011, la mise en œuvre commerciale était fixée au premier trimestre 2012. Après une année, la procédure vient à peine d’être lancée. Pour justifier cela, le ministre lance un aveu très lourd avec une grande légèreté. Ce retard a été délibérément provoqué pour permettre à Djezzy de participer. On patine vers la 3G, en attendant que Djezzy se prépare, alors que le monde a déjà glissée vers la 4G.

Cette gravissime déclaration a pris la forme d’une déconcertante banalité. Une lecture au niveau un, donne de l’opération une vision somme toute logique, visant une mise à niveau et une mise à jour de la situation juridique de l’entreprise. Pourtant, ne analyse approfondie révèle des senteurs d’une grande magouille.

Il y a quelques semaines, l’Etat algérien devenait majoritaire dans Arcelor Mittal Annaba (51%). On oubliait dans l’enthousiasme beat qu’il devenait majoritaire dans le déficit et les pertes et que les caisses publiques algériennes renflouaient la trésorerie d’un groupe privé international (Arcelor) en cessation de paiement.

Avec le même air triomphant, le ministre des Télécommunications annonce une autre opération de dupes. En l’occurrence Djezzy se porte plutôt bien, mais la cocasserie, ou plutôt les turpitudes dans ce dossier, touchent d’autres points. A y voir de plus près, l’opération est troublante à plus d’un titre. Mais qui est donc OTA (Djezzy) ou à qui appartient-il, en vérité ? Pour qu’on accepte de laisser le pays en marge du progrès technologique afin de ménager ses intérêts et lui permettre de participer à la soumission ?

Les quatre péchés capitaux

– En consentant, ce grand sacrifice du pays, le ministre semble avoir oublié trois choses fondamentales :

1- La cession illégale à Wimplecom

– OTH a violé allégrement les lois de la république en cédant OTA Djezzy à Wimplecom. Nous avons analysé cette violation dans une précédente contribution (Affaire Djezzy « autopsie d’une gabegie programmée (El Watan le 16/05/2012).

Cette cession n’a pas engendré les réactions appropriées de l’Etat qui a digéré cette atteinte à ses intérêts et sa souveraineté sans broncher. Cette violation du cahier des charges de la licence aurait dû être suivie, tout simplement, par un retrait immédiat de la licence, sans forme de procès. L’Etat algérien s’est trouvé, paradoxalement, en négociateur ordinaire du prix, de ce qu’il aurait pu prendre gratuitement avec les dommages en sus, et ce en toute éthique et en toute légalité.

2- La ou les fraudes fiscales :

1-2- (OTA a été condamné le 28 mars 2012 par la cour d’appel d’Alger à une amende de 99 MDS dinars (environ 1,3 MDS dollars US) pour fraude fiscale.

2-2- Le PDG de Djezzy, Tamer El-Mehdi, a, pour rappel, écopé d’une peine de deux ans de prison ferme et fait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire national depuis plus d’une année.

3-2- l’administration fiscale a infligé à OTA une amende de 1, 3 milliard de dollars pour violation de la réglementation des changes.

4-2- Le Tribunal administratif d’Alger a rejeté en date du 18 avril 2012 quatre actions intentées par Orascom Telecom Algérie (OTA) visant l’annulation des redressements fiscaux évalués à plus de 44 milliards DA. Ces redressements fiscaux ont été imposés à OTA en 2010 après une vérification de sa comptabilité par la DGE.

3- L’interdiction de transfert des dividendes :

– OTA est sous le coup d’une interdiction de transfert de dividendes, notifiée par la Banque d’Algérie, qui l’empêche, depuis 2010, d’importer les équipements nécessaires au développement de ses activités y compris pour le lancement de la 3G. Cette décision trouverait son origine dans le fait que la l’opérateur Djezzy était suspecté d’avoir fait de fausses déclarations sur ses activités financières. La Banque d’Algérie soupçonnait cette filiale du groupe égyptien d’avoir enfreint la réglementation des changes et le transfert de devises au cours des exercices 2007, 2008 et 2009.La Banque estimait à l’époque que « les prestations réalisées les trois dernières années par l’opérateur n’ont pas été soumises aux règles sur le change et les transferts de devises. Cette décision prise par la banque d’Algérie aurait été levée par le gouvernement au mois de mars 2013 dans l’opacité la plus totale.

4- L’Orascom telecom à Optium telecom : la récidive et l’impunité

La levée de l’interdiction de transfert de dividendes serait justifiée par le banal prétexte de «changement de propriétaire», OTA, a été rebaptisée Optimum Télécom Algeria en décembre 2012. Curieuse logique qui justifie une levée illégale d’interdiction – seule la banque peut le faire- par un changement illégal de propriétaire. D’aucuns diront que la loi interdit le transfert de la licence et non le changement de propriétaire de l’entreprise bénéficiaire. Mais l’un ne va pas sans l’autre. Quand le bénéficiaire change d’actionnariat, la licence change de main. Elémentaire ! Argument dérisoire qui ne convainc que ceux qui veulent être convaincus et feignent d’oublier la technique des prête-noms .

– OTH avait déjà cédé OTA à Wiplecom et voilà qu’elle la cède à Optimum telecom Algérie. Nous ne sommes pas devant un simple changement de noms mais un changement de propriétaires, les six nouveaux associés d’OTA dans la nouvelle Optimum Telectom Algérie sont encore inconnus.

L’Etat algérien accepte-t-il de s’associer dans une entité avec des actionnaires secrets violant ainsi ses propres lois antiblanchiment ? Curieuse passivité des autorités algériennes devant une flagrante récidive qui induit une incontournable et troublante question : Qui protège OTA / Djezzy ?

Deuxième acte :

La levée de l’interdiction de transfert et la revalorisation de Djezzy. Le résultat immédiat de la levée, «politique», de cette interdiction se devine, il permet à OTA de redorer son blason et donne des ailes à sa valeur. Cuiseuse stratégie d’un acquéreur de parts sociales qui offre à son cocontractant une aubaine inespérée pour gonfler la valeur de ses apports. En outre et plus grave encore, comment peut-on accorder ces traitements de faveur à une entreprise aussi peu recommandable et aux agissements douteux ?

Le prix de cession : un secret d’Etat

Concernant le prix, deux questions se posent et non une seule. Que va-t-on acheter et à quel prix : Que va-t-on acheter ?

Un discours fallacieux laisse croire que l’Etat algérien a acquis une entreprise pérenne alors qu’en fait il n’a acquis, en good will, que le reliquat de deux années de validité d’une licence en perte de valeur. N’eut-il pas été plus simple de patienter ces deux années, laisser la marque tomber dans le domaine public et reprendre son exploitation sans payer un sou ?

Quel prix ?

L’accord de confidentialité. Lorsque l’acquisition de Djezzy entrait dans l’air du temps, l’accord de confidentialité entrait dans le jargon du dossier. Cette clause de style devenait substantielle et préalable à l’évaluation confiée, comme toutes les autres opérations hautement stratégiques, à des cabinets étrangers. Cet accord enveloppait la valeur de Djezzy et donc le prix de cession dans les alcôves des secrets d’Etat. Mais cet accord voulait-il protéger Wimplecom ou l’Etat algérien ?

Véritable survivance d’une conception révolue du monde des affaires et terreau des pratiques douteuses, la confidentialité et l’opacité sont mères de suspicions. Les affaires modernes se font dans la transparence pour se prémunir contre le blanchiment et la corruption. Curieuse approche d’un ministre qui vient déclarer à qui veut l’entendre qu’une opération financière de cette importance, puisant dans le patrimoine public, se fera dans le secret le plus total, comme s’il s’agissait d’une affaire privée. Cet accord annoncé plusieurs fois du côté algérien lie les deux parties, dans une transaction, à tenir confidentielles certaines informations.

La confidentialité en l’espèce est un double paradoxe :

– Pourquoi l’Etat algérien se soucierait-il de la valeur de Djezzy alors que les sociétés performantes publient tous les éléments de leur évaluation ?

– Si Wimplecom, entité privée, peut légitimement revendiquer et requérir le droit au secret, l’Etat algérien a un devoir de transparence.

Il est quand même paradoxal que ce soit l’Algérie qui se soucie de la confidentialité sur la valeur et non Wimplecom.

– Curieuse assemblée devant qui, me semble-t-il cette déclaration a été faite (Conseil de la nation) qui n’a même pas eu le reflexe de s’indigner devant une pareille hérésie.

Comment comprendre ou expliquer tous ces paradoxes : qui est donc cette société qui a été lancée dans des conditions douteuses grâce à la tolérance du pouvoir algérien pour la première licence et pour laquelle le même pouvoir a suspendu un processus d’avancée technologique considérable.

En avril 2002, Emerging Capital Partners (ECP) s’est engagé à investir dans Orascom Telecom Algérie (OTA), un fournisseur de services de télécommunications mobile GSM en Algérie. La société a été créée en janvier 2002, dans le but de devenir constructeur, propriétaire et exploitant du premier réseau mobile GSM privé en Algérie, sous la marque Djezzy, sous l’égide de son sponsor Orascom Telecom Holdings (OTH), un acteur expérimenté avec un record de performance remarquable en Egypte, au Pakistan et en Tunisie. OTA a rapidement grandi. Au moment de la sortie d’ECP en mars 2005, la Société comptait environ 6 millions d’abonnés. La délivrance d’une deuxième licence n’étant pas prévue avant 2004, OTA détenait un monopole virtuel.

Troisième acte : le report du lancement de la 3G

Tout comme le marché a été protégé au lancement de Djezzy, l’Etat algérien a placé le pays en marge du progrès technologique pour lui permettre de participer à la prochaine soumission.

Quatrième acte : un scénario inconnu

Dans ce grand brouillard une question se pose d’une façon troublante la question : le contentieux avec Djezzy est-il réglé et comment l’a-t-il été ? Il faut rappeler que l’enjeu en question avoisinait les sept milliards de dollars. Qui a le droit de décider, dans le secret des alcôves, dans un litige de cette envergure ?

Lançons les paris :-Qui est le futur attributaire de la licence 3G ?

Prochain acte du processus : l’attribution de la licence ou plutôt d’une licence 3G à Optimum telecom algeria .

Nasr-Eddine Lezzar