Il est vrai que le ministre a hérité de la situation, mais ses intentions concernant le management de Sonatrach ne transparaissent pas dans le compte-rendu de la réunion d’audition.
Dans le cadre des auditions annuelles qu’il dirige sur les activités des différents départements ministériels, M. Abdelaziz Bouteflika, chef de l’État, a présidé une réunion restreinte d’évaluation consacrée au secteur de l’énergie et des mines.
Le ministre de l’Énergie et des Mines a présenté, lors de cette réunion, le bilan des réalisations du secteur pour la période 2000-2009, ainsi que les perspectives de son développement à moyen terme, à travers les programmes pour 2010-2014.
À lire le compte-rendu officiel, d’aucuns penseraient que le secteur se porte bien et ne traverse nullement de zone de turbulences. Aucune référence à Sonatrach dans le communiqué. Il est difficile d’imaginer que le scandale, qui a secoué cette entreprise qui nourrit les Algériens et qui a coûté à M. Chakib Khelil qu’on dit proche du président de la République son fauteuil de ministre, soit occulté.
La mise en cause d’une dizaine de hauts responsables de Sonatrach dans une affaire de passation irrégulière de marchés semble paralyser l’entreprise. De plus, le dernier appel d’offres international pour l’exploration n’avait pas été un grand succès avec, au moment de l’ouverture des plis en décembre 2009, seulement trois attributions pour dix permis offerts (le permis d’Ahnet à Total/Partex, celui de sud-est Illizi à Repsol/GDF Suez/Enel et Hassi-Bir Rekaïz à PTTEP/CNOOC).
Pourtant l’affaire Sonatrach a eu un mérite inattendu : celui de pousser à l’ouverture de débats, pratiquement interdits, non seulement sur la gestion “opaque” de Sonatrach mais aussi sur la stratégie du pays en matière d’hydrocarbures.
Cherche-t-on à clore ce chapitre ? Le secteur des hydrocarbures est trop sensible, dans le contexte actuel de l’économie algérienne pour le soustraire du débat public. Il est vrai que le ministre “auditionné”, lundi par le président de la République a hérité de la situation. Mais ses intentions concernant le management de Sonatrach ne transparaissent pas dans le compte-rendu de la réunion, ni d’ailleurs sur la politique énergétique future. Quelle stratégie pour le secteur des hydrocarbures.
“En matière de réalisations, les principaux points développés ont concerné notamment l’effort d’accroissement des réserves nationales d’hydrocarbures à travers un investissement soutenu dans l’activité de recherche et d’exploration, mais aussi, en matière d’optimisation de l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz”, relève le compte-rendu.
Là aussi, on ne sait pas si le gouvernement compte modérer ou pas le rythme d’exploitation des réserves en hydrocarbures, dans un contexte ou l’industrie pétrolière et notamment gazière est en pleine restructuration. “Pour ce qui concerne plus spécifiquement le gaz naturel, qui représente la plus grosse partie des réserves algériennes d’hydrocarbures, la période récente n’a, par ailleurs, pas été marquée que par de bonnes nouvelles”, avait souligné récemment la revue Pétrole et gaz arabe.
“L’objectif de 85 milliards de mètres cubes par an pour les exportations gazières du pays a été repoussé à plusieurs reprises et n’était envisagé dernièrement qu’à partir de 2014 au lieu de 2010 initialement”, a relevé Pétrole et gaz arabe. Selon Cedigaz, les exportations de gaz ont chuté de plus de 10% en 2009 à 52,67 milliards de mètres cubes, contre près de 59 milliards de mètres cubes en 2008.
Le gazoduc Medgaz, qui relie l’Algérie à l’Espagne à travers la Méditerranée, n’est pas entré en service en 2009 comme attendu (il devrait être opérationnel au cours du 2e semestre 2010).
“Même repoussé à 2014, l’obtention de l’objectif de 85 milliards de mètres cubes pour les exportations de l’Algérie n’est pas garantie à moyen terme puisque plusieurs experts estiment que la bulle gazière ne serait pas résorbée avant 2015”, soulignent certains experts.
En interne, les dernières prévisions de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (Creg), la demande, qui a augmenté de 4% en moyenne entre 1998 et 2008, verrait sa croissance s’accélérer très sensiblement puisque cette commission avance un taux annuel de 7,4% entre 2009 et 2018.
Si ce scénario, qui est le scénario de base de la Creg, était vérifié, la consommation algérienne passerait de 26,6 milliards de mètres cubes en 2008 à 54,22 milliards de mètres cubes en 2018. La demande des ménages, les développements industriels, notamment dans les secteurs de la production d’électricité et d’eau potable, et la relance de la pétrochimie depuis 2005 pèseront lourd dans la balance.
C’est pour cela peut-être que le président de la République a demandé une réévaluation des projets d’industries pétrochimiques, en tenant compte de leur capacité à générer une industrie en aval, et de la valorisation la meilleure de la rente gazière disponible.