Le Caire a eu ses vendredis qui ont fait partir Hosni Moubarak et vaciller son régime autoritaire. Par volutes chaque samedi grossissantes, Alger souffle ses colères longtemps contenues à l’oreille du pouvoir. La contestation s’installe dans la durée.
Sofiane Aït-Iflis – Alger (Le Soir) – Le face-à-face manifestants et forces antiémeutes s’est renouvelé ce samedi 19 février, à l’appel toujours de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD). La dynamique de contestation populaire a pris. Malgré la répression que le pouvoir a maintenu d’opposer à l’expression publique et les campagnes de manipulation et de dénigrement qu’il orchestre de manière soutenue.
L’appel de la Coordination a été entendu, démentant de manière la plus cinglante qui soit ceux, prébendiers et pessimistes réactionnaires, qui tablaient sur une démobilisation. A la rue Belouizdad, vers où les forces anti-émeutes ont repoussé les manifestants pour les empêcher de s’ébranler vers la rue Hassiba-Ben-Bouali mais aussi pour les guider vers le traquenard tendu par «les baltaguias» recrutés à coups de billets de banque, des centaines de voix ont appelé une matinée durant au «changement du système ». Un autre samedi de colère de réussi. Une victoire de prise sur l’usure que le pouvoir compte imposer au mouvement de contestation. Une victoire aussi de prise sur la répression, ce samedi encore plus féroce. Le député du RCD, Tahar Besbes, a été roué de coups, risquant de perdre la vie.
Il a été agressé au point de perdre connaissance pendant plus d’une heure. Il n’a retrouvé conscience qu’après son évacuation, lente, il faut le dire, au service des urgences de l’hôpital Mustapha. La police, qui a été, dit-on, instruite de ne pas agresser les manifestants, après les réactions des capitales occidentales, notamment de Washington, Paris et Berlin, est, à l’évidence, passée outre. Mais quelle qu’en a été l’ampleur de la répression, la volonté de manifester a été plus forte. Le dispositif de sécurité n’a pas impressionné. Plus importantes que la semaine d’avant, les forces anti-émeutes ont, en effet, pris position dès la nuit de vendredi.
Les tactique et stratégie de répression de la marche mises en œuvre ce samedi ont été revues et corrigées. Pour ne pas être surprises comme le samedi 12 février par un rassemblement à la place du 1er- Mai, les forces de sécurité ont disposé en cercle les forces anti-émeutes de sorte à ce que l’accession à la placette devenait impossible.
Mais cela n’a pas eu raison de la témérité des manifestants qui ont su, en dépit de là, se rassembler en foule compacte rue Bélouizdad. La mobilisation est à méditer par le ministre des Affaires étrangères qui, s’exprimant sur un média étranger, a affirmé que de marche en marche, la mobilisation finira par s’estomper. C’est plutôt tout le contraire que ce samedi a donné à constater. La contestation est inscrite dans la durée. Les samedis de la colère marquent désormais le paysage national.
S. A. I.