Les rues d’Alger sont leur seul refuge,Les SDF transis de froid

Les rues d’Alger sont leur seul refuge,Les SDF transis de froid

Un spectacle désolant!

«Cela fait trois jours que nous n’avons pas pris un repas chaud. Hormis du fromage et du pain», disent de nombreux SDF à Alger.

Ils sont des dizaines, depuis des années, à s’abriter sous des cartons à partir de 20h, au boulevard Amirouche, boulevard Che Guevara, place des Martyrs, la galerie couverte de la Pêcherie et bien d’autres places publiques de la capitale ainsi que des grandes villes du pays, Oran, Sétif, Constantine, Annaba et autres.

Les SDF sont des centaines à faire appel à la bonne conscience des gens. «Où est la solidarité nationale dont on parle souvent? Je me demande comment vous arrivez à vivre sans penser aux autres?», s’interrogent plusieurs SDF. A la Pêcherie d’Alger, 12 familles venues de Touggourt, Chlef, Blida et Oran ont élu domicile depuis 2003. Yacine F., 15 ans, tremble de froid. Il est 2h30. Il raconte son calvaire: «Quand j’étais bébé, des femmes m’ont élevé. Maintenant je travaille de temps en temps dans un restaurant pour les aider et leur apporter un peu de nourriture qui reste dans la cuisine.» Chassée de son domicile, faute de payement de location et ce, depuis le décès de leur père à Touggourt, toute une famille avec trois enfants à charge se retrouve à la rue depuis neuf ans. Il y a aussi des orphelins, des femmes battues et chassées. Emmitouflée sous sa couvertures, Houaria D., 29 ans, d’Oran, niveau terminal, avec son enfant de 4 ans, au boulevard Che Guevara à proximité du siège du Sénat, raconte. «J’ai été chassée de la maison depuis 2002. Ma grand-mère n’a pas voulu me garder avec elle.» Son deuxième enfant âgé de sept ans est pris en charge au village SOS Draria. «Ils m’ont enlevé le premier enfant, et ils veulent aussi le deuxième. Qui va me tenir compagnie dans la rue?», s’interroge-t-elle. Son mari l’a abandonnée. «Il n’aurait jamais dû abandonner son enfant, il aurait dû lui assurer au moins une pension», ajoute-t-elle. Activant dans le marché informel, notamment le trafic de drogue et autres stupéfiants, le père de l’enfant, Kader M., 28 ans, refuse même de reconnaître sa filiation malgré l’insistance de la victime.

«J’ai voulu déposer plainte afin d’assurer au moins la prise en charge de l’enfant, mais on m’a refusé l’enregistrement de la plainte», a-t- elle dit. Houaria voulait faire usage des analyses ADN, afin d’identifier le père de son enfant. Mais, malheureusement, ses doléances sont restées lettre morte. Pis encore, cette malheureuse n’a connu son père qu’à l’âge de 29 ans. «Chaque fois que je parlais de mon père à la maison, ma grand-mère qui m’a jetée à la rue, refusait de répondre à ma question», déplore-t-elle.

La prostitution est devenue le quotidien de centaines de femmes comme Houaria. A la rue Meissonnier, en plein centre de la capitale, on n’arrive plus à comprendre qui sont les SDF et qui sont les trafiquants de bébés. Une femme âgée d’une trentaine d’années, n’a pas trouvé mieux que de s’exposer avec deux bébés, pendant des mois, et mendier. Entourée de plusieurs jeunes qui la protègent, cette femme est en compagnie de différents bébés, jamais les mêmes. «Nous mêmes, nous n’avons rien compris à cette situation. La police l’embarque à plusieurs reprises, mais à chaque fois elle revient à la même place avec d’autres bébés», ont souligné de nombreux commerçants de la rue Meissonnier.

Nombreuses sont celles qui dorment à la belle étoile, conséquence du laxisme des pouvoirs publics qui ne les prennent pas en charge. Evoquant le destin, les nombreux SDF se contentent de dire que «la vie n’est qu’un voyage».

Par ailleurs, au-delà de la misère morale, sociale et affective qu’elles subissent quotidiennement, des dealers n’hésitent pas à les approcher. «Des gens sont venus nous proposer de vendre et d’acheter la drogue, mais nous avons refusé à maintes fois», ont révélé deux SDF, âgés de 40 et 45 ans au square Port-Saïd à Alger. S’agissant de la prise en charge de l’Etat, notamment dans les établissements de Diar Errahma, de nombreux SDF refusent tout commentaire à ce sujet. «Ce que l’on dit à la radio et à la télévision est différent de la réalité. J’ai passé trois mois à Diar Errahma de Birkhadem, mais je n’ai pas aimé l’environnement et l’injustice qui y règnent», souligne une dame de 60 ans qui préfère la rue à Diar Errahma.

Les mois de janvier et décembre, en plein hiver, la soupe chaude qu’ils ont l’habitude de prendre, tarde à venir. Les repas chauds arrivent de manière sporadique auprès du Samu de la wilaya d’Alger, a-t-on indiqué. «Cela fait trois jours que j’achète du pain et du fromage, en plus des aides qui nous parviennent de temps en temps pour se nourrir», dira une adolescente âgée de 15 ans. Pas de couvertures pour se réchauffer, la nuit notamment. «Il y a des jeunes qui prennent de force, tous les jours, les couvertures d’autres personnes pour les donner aux femmes et aux enfants, afin de les protéger du froid glacial», nous dit-on.

Le vol de bébés pour trafic revient souvent dans les discussions des mères SDF. Ayant contacté le ministère de la Famille et de la Solidarité nationale, pour de plus amples informations sur le programme d’aide aux nécessiteux, notamment les SDF, un responsable de la communication a affirmé: «Faxez-nous vos questions, on vous répondra après.» A l’exception de quelques cadres qui se sont exprimés sous l’anonymat, le ministère est en train d’étudier les mécanismes d’aide aux SDF, nous dit-on, tout en travaillant en coordination avec le Samu des wilayas. «Nous recensons toutes les demandes des wilayas, puis nous dégageons des aides en fonction des besoins», nous dit un cadre. A-t-on perdu la culture de la solidarité dans un pays aussi riche, mais qui connaît aussi malheureusement des situations d’extrême pauvreté comme ces SDF qui peuplent les rues de toutes les villes du pays?