«Le niveau de nos internationaux est très moyen» > «J’ai passé trois années terribles» > «Je suis affecté par la manière avec laquelle j’ai quitté l’EN»
Sur insistance de ses amis et anciens collègues, l’ex-entraîneur national Rabah Saâdane a animé une conférence-débat hier au centre culturel et sportif de la wilaya de Batna. Beaucoup de personnalités sportives étaient présentes. Des entraîneurs, des dirigeants, des amis, ainsi que plusieurs cadres du ministère de la Jeunesse et des Sports ont tenu à être présents pour écouter ce que le Cheikh avait à leur dire.
Pour commencer, Rabah Saâdane a remercié tous ceux qui l’ont aidé et soutenu lors de ces trois dernières années. «J’ai reçu cette invitation juste après ma démission du poste d’entraîneur national. Je n’ai pas voulu le faire à chaud pour des raisons personnelles. Aujourd’hui, j’ai décidé de me présenter devant vous afin de débattre du professionnalisme et des questions liées à notre football et plus particulièrement à la sélection nationale», dira le Cheikh.
«J’ai passé trois années terribles»
L’entraîneur national lors de la dernière Coupe du monde avoue que ces trois dernières années qu’il a passées à la tête de la sélection étaient très terribles pour lui et pour sa famille. Il évoque la pression, la responsabilité et les enjeux qu’engendre un tel poste. «Il faut que tout le monde sache qu’il n’est guère facile de prendre la sélection algérienne de football dans la période où moi je l’ai fait. Nous étions au fond du gouffre. La pression fut terrible et insupportable. Je n’aurais jamais pu tenir tout ce temps sans l’aide et le soutien des hommes qui sont restés à mes côtés dans la douleur comme dans la joie. Je profite de cette occasion d’ailleurs pour leur rendre hommage et leur dire que sans vous, rien de ce qu’a été fait n’aurait pu être réalisé».
«L’EN était très malade»
Sur les résultats très positifs de Saâdane à la tête de l’équipe nationale, le conférencier précise : «Ce que nous avons réussi est un vrai miracle. Avant mon arrivée, l’EN était très malade. On n’avait même pas réussi à se qualifier pour une CAN. En 2006 comme en 2008, la sélection algérienne était absente lors de ce rendez-vous africain. Les gens espéraient juste passer à la CAN de l’Angola. On a travaillé sérieusement en suivant un programme bien précis. On a réussi à se qualifier à la CAN 2010, où nous avons atteint les ½ finales, et en plus de ça, l’Algérie était présente à la première Coupe du monde organisée dans notre continent. Ces résultats ne sont pas le fruit du hasard. C’est le fruit d’un travail de professionnels. On a beaucoup galéré pour faire ce qu’on a fait».
«Je suis affecté par la manière avec laquelle j’ai quitté l’EN»
C’est avec beaucoup de regret que Rabah Saâdane a évoqué son retrait de la sélection. «C’est très malheureux de quitter la sélection de cette façon-là. J’aurais aimé sortir par la grande porte, mais… Je pense que les gens ici ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre que ce n’est facile de faire ce que nous avons fait. Il faut que le milieu footballistique en Algérie sache que la patience finit toujours par payer. Chercher les résultats immédiats n’aidera en rien notre football. Et c’est valable pour les clubs que pour la sélection. L’Espagne a travaillé 100 ans avant de gagner une Coupe d’Europe puis une Coupe du monde. Il faut s’inspirer de ces grandes nations de football, et finir avec le bricolage» ajouta-t-il.
«Nous avons des joueurs juste moyens et une équipe juste moyenne aussi»
Toujours concernant les raisons qui l’ont poussé à jeter l’éponge, et la façon avec laquelle il a quitté la sélection, Rabah Saâdane a appelé tout le monde à faire preuve de réalisme et de raison. «Il ne faut pas se mentir à soi-même. Nous avons une équipe juste moyenne, et des joueurs justes moyens aussi. Ce sont les gens qui ont voulu donner à cette équipe une dimension qui n’est pas la sienne qui ont poussé l’opinion publique à penser qu’on est imbattables. Tout ce brouhaha autour de l’équipe nationale a provoqué une pression que ni les joueurs, ni moi-même ne sommes capables de supporter. Les gens sont devenus très exigeants envers nous. Ils n’acceptaient pas les défaites et les matchs nuls, et comme je vous l’ai dit avant, c’est un miracle ce que nous avions réussi. Il ne fallait pas nous demander plus que ça, car c’était au-dessus de nos moyens. C’est la vérité, et il faut l’accepter».
«On ne peut pas compter juste sur les locaux»
Rabah Saâdane, et suite au débat qui est en train de se développer quant à la politique d’aller chercher des joueurs évoluant en Europe et de négliger les locaux, a tenu à expliquer certaines choses tout en donnant les arguments nécessaires pour appuyer son point de vue. «Je suis contre ces gens qui disent qu’il faut cesser de chercher des joueurs évoluant en Europe. Il faut savoir que compter sur les locaux ne suffit pas.
Les enjeux sont très grands pour le faire. J’avoue qu’il y a quelques bons joueurs ici dans le championnat nationale qui peuvent jouer en sélection, mais cela reste insuffisant. Le championnat ne produit plus des joueurs de niveau mondial comme c’était le cas dans les années 1970 et 80.
Je ne pense pas qu’il y a des joueurs tels qu’Assad, Belloumi ou Madjer actuellement, c’est pourquoi faire appel aux joueurs pros est indispensable. Et après tout, ce sont des Algériens comme ceux d’ici qui ont tout à fait le droit de jouer pour leur pays. La loi du Bahamas nous a permis de récupérer des joueurs comme Yebda, Mbolhi, Abdoun et Meghni qui ont beaucoup donné à cette sélection», dira Saâdane.
«Avec ces idées, on détruira ce qui a été construit en trois ans»
Poursuivant dans son analyse, Rabah Saâdane a appelé ceux qui ne connaissent rien au football de laisser les professionnels faire leur travail. «Il y a des gens qui ne connaissent rien au football, mais qui critiquent le travail des autres. Ces gens-là cherchent les résultats immédiats et ne savent pas que dans le football aussi, il faut travailler avant de récolter les fruits. Avec leurs idées, ils vont détruire tout ce qu’on a construit en trois ans. Malheureusement ici en Algérie, on ne communique pas entre nous. Le président fait ce qu’il veut, l’entraîneur de son côté va dans le chemin opposé, et les joueurs dans un autre. Il faut apprendre à communiquer et à travailler tous pour un seul programme, et sous une seule politique.»
«Hadj Aïssa n’a pas écouté mon conseil, et les présidents doivent investir plus dans la formation»
Pour conclure sa conférence, Rabah Saâdane dit ne rien regretter. «Je n’ai aucun regret. Ma conscience est tranquille. Quand j’écoute l’hymne national, je me rends compte de la responsabilité qui était sur mes épaules. Je suis très fier de ce que j’ai fait pour mon pays», dira le Cheikh avant de lancer un appel aux présidents de clubs. «Il faut que les présidents de clubs investissent sur le jeunes. Construire des centres de formation et prendre exemple du Ghana, du Malawi qui nous a battus 3 à 0, et du Botswana qui a gagné en Tunisie. Des joueurs comme Hadj Aïssa par exemple auraient pu faire une meilleure carrière. Je lui ai conseillé d’aller jouer au Qatar lorsque j’étais entraîneur de l’ESS. Il ne m’a pas écouté, 5 ans plu tard, il est toujours là où je l’ai laissé. Pour terminer ma conférence, je dirais que je suis très désolé pour le CAB et le MSPB qui ont rétrogradé cette année.»
Classement IFFHS des meilleurs entraîneurs 2001-2010
Saâdane 122e place, Shehata 51e
L’IFFHS organise des votes mondiaux annuels séparés depuis le début de l’année 2001 en élaborant une méthode équitable pour désigner Le Meilleur Entraîneur Mondial de la 1re Décennie du XXIe siècle.
Des classements annuels mondiaux (résultat des votes mondiaux), l’IFFHS prendra en compte le «Top 20» annuel et allouera des points à chaque place. Ainsi, le mieux classé reçoit 20 points, le deuxième 19 points, le troisième 18 points… et un point pour le vingtième.
Si le classement annuel mondial comporte plus de 20 entraîneurs, alors les entraîneurs au-delà de la 21e place ne reçoivent aucun point. Si le classement annuel mondial comporte moins de 20 entraîneurs (basés sur des règles fixes), aucun point ne sera attribué pour les places inoccupées. L’addition des points des différentes années des deux catégories établit un classement mondial pour la période 2001-2010. L’entraîner le mieux classé est Le Meilleur Entraîneur Mondial de la 1re Décennie du XXIe siècle. Des six entraîneurs qui ont déjà cumulé cent points ou plus, il est notable que le Portugais José Mourinho est le plus, jeune entraîneur. Mathématiquement, il est déjà certain que le Français Arsène Wenger et l’Ecossais Sir Alexandre Ferguson seront parmi les trois principaux coachs de la 1re décennie (2001-2010). Le coach le mieux classé de la 1re décennie (2001-2010) sera invité et honoré lors du World Football Gala 2011.
Saâdane
2e en Afrique, 3e dans le monde arabe
Rabah Saâdane, l’entraineur national lors de la dernière Coupe du monde, a été classé 122e avec 6 points. C’est le deuxième meilleur entraîneur africain de la dernière décennie derrière Hassan Shehata trois fois champions d’Afrique, 51e avec 21 points. Dans le monde arabe, le cheikh s’est classé troisième. Adnan Hamad Majeed l’a devancé de 5 points. Ce dernier est classé 94e. On signale que des entraîneurs de renommée mondiale ne devancent pas Rabah Saâdane de beaucoup. Guy Roux (116e avec 8 points) ou Blanc (81e avec 13 points), Guardiola 54e avec 20 points…