Le célèbre écrivain algérien et néanmoins directeur du centre culturel d’Algérie en France, Yasmina Khadra a sévèrement critiqué la conduite des réformes politiques et a accusé les responsables de faire preuve d’un manque de courage et d’honnêteté ».
Dans un entretien fleuve au site Internet Slate Afrique.com, Yasmina Khadra a été sec et sans concession à l’égard du régime algérien coupable de « faillite politique ».
D’entrée et à propos de la poursuite du terrorisme en Algérie, le prestigieux écrivain n’a pas hésité à mettre les pieds dans le plat : « Le terrorisme, en Algérie, est un fonds de commerce et un divertissement pour ses acteurs. Devant la faillite d’une politique et la démission d’une société entière, la gangrène se poursuit », tonne-t-il. Khadra pense qu’il faut « du courage et de l’honnêteté politique et intellectuelle pour venir à bout de l’intégrisme ». Mais il affirme presque sentencieux que « nous en manquons lamentablement ».
Interrogé sur les réformes politiques en Algérie qui traînent, l’auteur de » ce que doit le jour à la nuit « , pose un regard pessimiste. « L’Algérie ne sait plus ce qu’elle veut ni comment se regarder au fond d’elle sans vomir. Je suis rentré le 4 septembre d’Oran. C’est comme si j’émergeais d’un mauvais rêve. Les élites algériennes pratiquent la politique de l’autruche et sont persuadées que le tort des autres est une absolution pour les leurs ». L’Algérie est-elle mûre pour une démocratisation? Si oui, qu’est ce qui l’empêche d’avoir lieu rapidement, interroge Pierre Cherruau.
Réponse de Yasmina Khadra : « Pour construire une démocratie, il faut former une nation, ensuite la sensibiliser puis la responsabiliser. Avec qui? Avec des responsables corrompus, des intellectuels plus occupés à se descendre en flammes qu’à briller, des administrations pourries, des réformes bidons, des universités et des écoles sinistrées ? Pour l’écrivain « le miracle est un programme mûrement réfléchi et étroitement suivi, pas un coup de sort ».
Le terrorisme ? « Un fond de commerce »
A une question de savoir si les intellectuels algériens ont-ils un poids réel sur la société et que les écrivains sont-ils écoutés par l’opinion publique et les décideurs, Khadra est catégorique : « Les intellectuels sont leurs propres ennemis. Dès qu’une tête émerge, ils se dépêchent de la décapiter. Pour vous faire une idée, allez sur les sites web algériens et voyez comment on me traite.
Plagiaire, espion, ce n’est pas moi qui écris mes livres, et toutes les sornettes possibles et imaginables. Quand on est dans une telle paranoïa, on n’a aucune chance d’être utile aux autres, encore moins à soi-même ». Enfin Slate Afrique demande à Yasmina Khadra si « la fiction » pouvait changer la vie en Algérie. Et la réponse de l’écrivain a été aussi ironique que sans appel : « L’Algérie est déjà une fiction. Cependant, je pense qu’un bon écrivain pourrait réapprendre aux Algériens à rêver ».
Pour un fonctionnaire algérien qui a presque le rang d’un diplomate en France, force est de reconnaître que c’est très osé de la part de Yasmina Khadra.